INTERVIEW - Selon le magazine spécialisé LSA, Intermarché accuse Coca-Cola d'avoir cessé de livrer ses enseignes car elles mettent moins en avant les sodas en rayon. Ce que l'industriel réfute. Cette opposition est-t-elle le signe d'une tendance des grandes surfaces à proposer davantage de produits sains ou locaux. Le rédacteur en chef de l'hebdomadaire nous livre son analyse.
Un bras de fer opposant Intermarché et Coca-Cola a failli priver les clients de l'enseigne de différents sodas. Selon une note interne du président de l'enseigne de grande distribution, dévoilée lundi 6 janvier par le magazine spécialisé dans la grande consommation LSA, l'industriel avait "décidé unilatéralement d'arrêter de livrer Intermarché et Netto [son enseigne discount, NDLR] sur l'ensemble de ses gammes (Coca-Cola, Fanta, Sprite, Fuzetea, Honest, Tropico, Caprisun et Monster)".
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En cause, selon ce courrier reproduit par LSA : un désaccord commercial lié à une volonté d'Intermarché de réduire la place de certains sodas en faveur de produits plus sains ou issus de filières locales. Dans une réponse également publiée par le magazine, Coca-cola a réfuté ces déclarations selon lui "inexactes" et a assuré vouloir privilégier le dialogue pour trouver un accord pour reprendre les livraisons mises "en attente".
Dans cette affaire, Intermarché se justifie en assurant notamment que "[son] combat et [sa] stratégie sont de défendre le Mieux manger" et rappelle que "le marché des softs est en baisse significative de volumes : -3,2% sur les 12 derniers mois cumulés". Au-delà de cet exemple, ce conflit est-il le signe d'une tendance à davantage de nourriture saine dans les grandes surfaces ? LCI a sollicité ce jeudi 9 janvier Yves Puget, le directeur de la rédaction du magazine LSA, afin d'évaluer la place actuelle de ce phénomène.
LCI : Cette opposition entre Intermarché et Coca-Cola illustre-t-elle la volonté généralisée des enseignes de la grande distribution de mettre en avant une nourriture plus saine ?
Yves Puget, directeur de la rédaction du magazine LSA : Précisons déjà que cet exemple montre que la guerre des prix est toujours là. Il illustre en effet la complexité des négociations commerciales en France. Ensuite, oui, les distributeurs sont bien en train de revoir l'assortiment de leurs rayons pour coller aux nouvelles demandes. Mais, s'il est vrai que les Français veulent consommer mieux (du bio, du vegan, des produits sains, issus de PME et made in France), pour autant les enseignes qui se portent le mieux en ce moment sont Leclerc et Lidl, connus pour leurs prix bas. De même, le meilleur lancement de l'an dernier [nouveau produit qui a le mieux marché commercialement, NDLR] est un biscuit de chez Ferrero, très loin de toutes ces tendances. Il demeure ainsi extrêmement difficile de faire la part des choses. N'oublions pas que nous, les consommateurs, sommes plein de contradictions.
Une tendance à la fois rentable, éthique et bonne pour l'image de marque"
Yves Puget, directeur de la rédaction du magazine LSA, ce 9 janvier 2020 à LCI
Ces nouvelles façons de mieux manger restent-elles marginales ?
Non, cette tendance du mieux manger n'est pas marginale. Disons plutôt que nous sommes à un tournant. Elle ne constitue en effet pas un marché de masse mais elle est bel et bien en croissance. Et il convient donc pour les distributeurs de la proposer en rayon : c'est à la fois commercialement rentable et éthique sans oublier que cela renforce leur image de marque. Rappelons que le bio, même s'il progresse chaque année de 10 à 15%, ne représente encore que 5% à 6% de part de marché. Il n'empêche que pour l'heure le marché de masse reste clairement associé aux produits alimentaires classiques, qui connaissent cependant pour leur part une croissance de moins en moins forte.
Parallèlement, les petits commerces bio qui s'implantant dans les centres villes sont-ils en croissance ?
Oui évidemment mais leurs leur croissance est moindre qu'avant, justement parce que la grande distribution s'est elle aussi lancée dans les produits bio. La part du bio dans les grandes surfaces classiques ne dépasse en effet pas encore les 5% dans les hypermarchés tels que Leclerc ou Carrefour, alors que la croissance de leur chiffre d'affaires global se situe entre 15 et 18%.