Des médicaments bientôt vendus sur des sites comme Amazon ? "On renvoie la pharmacie dans la case commerce"

Publié le 5 février 2020 à 13h23, mis à jour le 5 février 2020 à 21h31

Source : TF1 Info

POLÉMIQUE - Un projet de loi, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, prévoit de permettre la vente de médicaments en ligne sans qu'ils soient forcément stockés dans une pharmacie. "Inutile et imprudent" pour les patients, pointe l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine, qui craint qu'à terme des plateformes de e-commerce, comme Amazon, ne se lancent dans cette activité.

"Médicaments : Oui à la pharmacie de proximité, non aux plateformes type Amazon". Les pharmaciens sont prêts à monter au créneau. Un projet de loi, présenté ce mercredi 5 février en Conseil des ministres, prévoit d'assouplir les règles en matière de ventes de médicaments en ligne. Préparé par Bercy, sa principale disposition suscite l'inquiétude des pharmaciens, et ce même si seuls les médicaments sans prescription médicale sont concernés : la possibilité de stocker les médicaments vendus en ligne dans des locaux extérieurs à l'officine.

 "On risque d'aller vers une 'ubérisation'de la santé et on renvoie la pharmacie dans la case commerce", regrette vivement Gilles Bonnefond, le président de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), contacté par LCI. À ses yeux, ces mesures ouvriraient une brèche dans laquelle des plateformes d'e-commerce pourraient s’engouffrer, comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis avec Amazon Pharmacy. "Ce texte introduirait en effet dans le code de la santé publique la notion de plateforme. Et, à terme, Amazon, par exemple, pourrait s'associer à des pharmaciens pour proposer la vente en ligne de médicaments", craint-il. 

Pas question pour autant de faire le procès des pharmacies en ligne, qui, depuis 2012, ont le droit de vendre des médicaments sans ordonnance. "Aujourd'hui, le patient qui commande à distance peut appeler sa pharmacie, et le pharmacien peut appeler le patient, pour des conseils ou des mises en garde en cas de contre-indication notamment", explique Gilles Bonnefond -pour rappel, il y a toujours une officine physique derrière une vente en ligne. Certes, il existe quelques pharmacies qui misent énormément sur ce marché sur internet. Mais elles ne posent pas de problème, selon Gilles Bonnefond, car "elles vendent énormément de parapharmacie et très peu de médicaments". 

Côté porte-monnaie, ce canal de distribution pourrait-il avoir une répercussion sur les prix ?  Non, en tout cas pas ceux des médicaments remboursés par l'Assurance maladie car leurs prix sont fixes en France. "Mais on peut imaginer des frais de port offerts pour l'achat de six boites de paracétamol par exemple. Attention alors au risque de surdosage qui peut tout à fait être présent même lorsqu'il s'agit de médicaments vendus sans ordonnance", met en garde le pharmacien. 

Fermeture des pharmacies de France pendant une journée ?

Selon le patron de l'USPO, ce projet de loi pourrait notamment favoriser un manque de conseil alors que "les médicaments ne sont pas un produit comme les autres". Il soutient donc qu'il est "incohérent " avec la récente décision des autorités de santé de reléguer derrière le comptoir des pharmacies certains médicaments jusqu'ici en accès libre [NDLR : aspirines, paracétamol ou ibuprofène... ]" et justement pointés pour être les plus utilisés en automédication. 

Outre cette faille potentielle concernant le conseil, "le patient va devoir attendre pour être livré alors qu'il y a des pharmacies partout en France. On risque de détruire le maillage territorial", s'inquiète-t-il. C'est pourquoi il envisage  "d'appeler les pharmaciens de France à fermer pendant une journée en signe de protestation". Une telle action avait  été menée en 2014 lorsque le gouvernement avait déjà tenté d'autoriser la vente de médicaments sans ordonnance en grande surface. Le sujet avait alors été immédiatement enterré. 


Laurence VALDÉS

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