Le succès des "Dark Kitchen", ces restaurants qui fonctionnent uniquement en livraison

Publié le 26 février 2021 à 9h55

Source : TF1 Info

TENDANCE - C'est une vraie révolution dans le milieu de la restauration. Avec la crise du Covid, les "Dark Kitchen", ces restaurants qui fonctionnent uniquement en livraison, sont en plein boom. Pas de salle, pas de tables, seulement une cuisine. Mais la qualité est-elle vraiment au rendez-vous ?

Alors que la livraison de repas à domicile a explosé en France, la crise du coronavirus a accentué cette tendance. Ainsi, passé 18h, un drôle de ballet se met en place : à pied, vélo ou scooter, les livreurs vont et viennent, devant les fast-foods bien sûr, mais aussi devant des enseignes bien moins visibles. Car pour faire face à la demande, certains restaurants n'ont pas pu pousser les murs de leur cuisine... alors ils en ont créé d'autres, uniquement dédiées aux commandes sur internet.

Bienvenue dans le monde des "Dark Kitchen", littéralement des "cuisines fantômes". Ainsi, à la brasserie "Le Carnot" à Lille, finies les spécialités du nord comme les carbonnades, place au poulet frit. Ce restaurant a perdu des milliers d'euros à cause de la crise sanitaire, alors ouvrir cette cuisine pourrait lui permettre de sauver son établissement. "Les gens sont vraiment demandeurs actuellement. C'est un nouveau style de restauration aussi. Je le découvre en même temps que mes clients", reconnaît Adlein Azzourg, le gérant, qui reçoit jusqu'à 100 commandes par heure. 

Adapter les recettes pour les trajets

Il y aurait officiellement plus de 500 restaurants en ligne en France. Mais ce chiffre est sûrement minoré, car le phénomène s'étend à présent aux petites villes. Et en plus des restaurateurs, les investisseurs s'y mettent aussi. Sébastien et Alexandre étaient auparavant experts dans le numérique, mais ils ont senti le bon filon et ont décidé de se lancer dans un projet culinaire un peu fou : ouvrir une immense cuisine avec des burgers, des plats vietnamiens et des plats locaux. Et même si de nombreux travaux sont à réaliser, avec un loyer de 1.800 euros par mois pour 80 m² en plein centre-ville de Lille, c'est imbattable, surtout comparé à l'ouverture d'un restaurant traditionnel. "Vous n'avez pas à acheter des couverts et le reste, ça peut se faire très vite. Et si jamais nos tentatives échouent, on peut les remplacer et proposer autre chose aux clients", disent-ils. En attendant d'ouvrir cet été, ils ont déjà lancé leur première cuisine spécialisée dans la volaille, nommée "Bassecour". 

Malgré cette facilité apparente, comme pour tout restaurant, les "Dark Kitchen" peuvent faire l'objet de contrôles sanitaires réguliers. Parmi les contraintes de ces chefs cuisiniers d'un nouveau genre : livrer dans les temps et adapter les recettes pour qu'elles supportent le trajet. Enfin, il faut aussi faire face à l'affluence. Le midi, c'est pas moins de 20 commandes qui arrivent quasi en même temps. Cela peut paraître beaucoup, mais comme les plate-formes en ligne sont très gourmandes, il faut suivre la cadence. "Sur les 46,70 euros, on peut enlever 30%", note le gérant de "Bassecour". Soit plus de 13 euros en moins pour le restaurateur. "C'est beaucoup. C'est pour ça que notre intérêt est de multiplier les enseignes pour faire plus de quantité", ajoute-t-il.

Les particuliers s'y mettent

Pour limiter les frais, certains ont donc développé leur propre plateforme de livraison. Un bon filon économique qui tente aussi les particuliers comme Thibault. Il y a encore quelques mois, il était salarié d'une grande entreprise de téléphonie. Aujourd'hui, même sans diplôme, il dirige de chez lui son restaurant italien en ligne. Comme il lui était impossible de cuisiner dans son appartement, normes sanitaires obligent, il a cherché et trouvé une annonce de cuisine partagée. "J'ai tapé 'labo cuisine' et je suis tombé sur l'annonce d'une personne qui avait un grand laboratoire de cuisine et qui faisait un partage de ses labos. Du coup, j'ai appelé et me voilà aujourd'hui dans une 'Dark Kitchen'", raconte-t-il. 

Thibaut peut ainsi profiter de 30 m² pour faire sa cuisine dans des locaux de 140 m² au total. Jusqu'à 12 cuisiniers qui, pour la plupart, viennent de se lancer, s'y croisent. Côté nourriture, les spécialités mexicaines côtoient celles de l'Italie ou du Canada. "Cela permet aussi de partager du matériel. Et puis, on a tous les frigos, toutes les machines à disposition, ce qui représente généralement un gros investissement quand on débute", souligne Christine Sonrier, salariée du food-truck "Oh Canada". 

Malgré ses efforts, Thibaut ne livrera que deux commandes, mais pas question pour autant de se décourager. Et comme il sait que le bouche-à-oreille est important, dès qu'il le peut, le jeune homme assure lui-même ses livraisons, ce qui lui permet d'échapper aux commissions des plateformes et de rencontrer directement ses clients. Avec 30 commandes par semaine, il ne peut pas encore se verser un salaire, mais cela lui permet de payer tous les frais. Thibaut espère malgré tout vivre prochainement de son restaurant italien en ligne.


Virginie FAUROUX

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