Importe-t-on des oignons d'Australie alors que la France en produit 500.000 tonnes par an ?

Publié le 8 juillet 2021 à 16h06, mis à jour le 8 juillet 2021 à 17h20
Seule une minorité des oignons vendus en France proviennent de pays extérieurs à l'UE.
Seule une minorité des oignons vendus en France proviennent de pays extérieurs à l'UE. - Source : Capture écran Twitter

CIRCUITS COURTS - Une consommatrice a partagé son incompréhension en ligne après avoir découvert que des oignons importés d'Australie étaient vendus en grande surface. LCI a remontré leur trace.

Revenue d'un passage en courses, une internaute a interpellé l'enseigne Auchan, photo à l'appui. Elle a en effet constaté au rayon fruits et légumes de son magasin que des oignons importés d'Australie étaient proposés. Incompréhensible à ses yeux, surtout que "nos agriculteurs en produisent 500.000 tonnes par an", a-t-elle lancé. Si la pratique n'a rien d'illégal, les pouvoirs publics cherchent aujourd'hui à fournir davantage d'informations aux consommateurs pour orienter leurs choix et privilégier une agriculture locale.

7.200 tonnes importées d'Australie chaque année

Si cette image surprend, c'est en grande partie parce que l'oignon n'a rien d'un produit exotique qui serait impossible à produire sous nos latitudes. Les données du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) nous apprennent qu'en France, "la production globale atteint près de 460.000 tonnes en moyenne". Des chiffres portant sur la période 2015-2017 et qui se révèlent légèrement supérieurs à ceux fournis par FranceAgriMer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer. Notons qu'en moyenne, une partie non négligeable de production (90.000 tonnes) se destine à l'exportation, et que 136.000 tonnes font le chemin inverse, puisqu'elles sont importées dans l'Hexagone. 

Le CTIFL nous permet par ailleurs de faire le point sur ces importations d'oignons en France. Si la plus large part vient des Pays-Bas (qui en produit 3,5 fois plus que la France), il en arrive aussi 10.800 tonnes de Nouvelle-Zélande, 6.800 d'Inde et... 7.200 tonnes d'Australie. Soulignons que si la photo partagée sur les réseaux sociaux a été prise en juillet, il s'agit de l'un des mois de l'année où les approvisionnements depuis l'Océanie sont les plus faibles. En règle générale, les plus gros volumes venus d'Australie sont importés en janvier et février.

Auchan, n'est pas la seule enseigne à vendre ces oignons. La question du bien-fondé d'importations aussi lointaines se pose de manière récurrente, pour des concurrents autant que pour d'autres types de produits. On trouve notamment des pommes du Kenya sur les étals, ou bien encore du raisin venu tout droit d'Afrique du Sud. La direction d'Auchan Retail, sollicitée par LCI, explique que "depuis la semaine 20 [à la mi-mai, NDLR], nous sommes sur une fin de production française". Dans ce contexte, "en attendant la nouvelle récolte" qui se déroule actuellement, l'entreprise explique s'être approvisionnée via des fournisseurs habituels "sur une origine import". Une situation transitoire puisque "le reste de la production française sera prêt fin juillet", synonyme d'approvisionnement "100% France début août" dans les magasins du groupe.

Auchan précise par ailleurs avoir pâti d'une "fin de campagne française difficile avec un produit explosif dès qu'il sortait des chambres froides". Comprendre : les oignons germaient rapidement, si bien que "le produit n'était donc plus conforme" aux exigences fixées "par rapport au cahier des charges" en vigueur. Les publications du CTIFL permettent de mieux visualiser le calendrier des récoltes, variable qui plus est en fonction des différentes régions de production.

Informer au mieux les consommateurs

Les réactions à cette publication en ligne se divisaient généralement en deux camps. D'un côté, les internautes estimant que c'est au consommateur de faire des choix, et qu'il est libre de ne pas acheter des oignons australiens s'il juge l'impact environnemental des importations trop important. De l'autre, les partisans d'une politique plus interventionniste des pouvoirs publics, qui pourraient (ou devraient) réguler, voire interdire l'arrivée de produits aussi lointains lorsqu'ils sont en mesure d'être cultivés sur notre sol.

Le ministère de l'Agriculture, contacté par LCI, décrit sa position. "Ce qui importe au ministre Julien Denormandie, c'est de donner au consommateur la capacité de choisir, avec une transparence maximale sur l'origine des produits. Pour les fruits et légumes, notons qu'il s'agit d'ailleurs d'une obligation européenne à laquelle se conforme la France." Et de préciser qu'en Europe, "les produits importés comme ceux venant de l'UE doivent respecter les mêmes normes phytosanitaires"

"Concernant les oignons australiens, on conçoit que cela puisse paraître quelque peu choquant", nous indique-t-on, "au regard notamment des enjeux climatiques et environnementaux". La position du ministre est la suivante : "il prône, outre un bon équilibre alimentaire, la mise en avant de la saisonnalité des produits. Dans le cadre du projet de loi 'Climat et résilience', texte toujours en discussion en discussion, il est prévu d'obliger les supermarchés à indiquer des éléments relatifs à la saisonnalité. Une manière de fournier des informations supplémentaires aux consommateurs." Plutôt que de contraindre les modalités d'importations ou d'imaginer des taxations supplémentaires, les autorités estiment qu'il est préférable de donner un maximum de clefs aux citoyens. Insister sur l'origine des produits, sur les conditions dans lesquels ils sont cultivés, et sur les recommandations pour les consommer aux périodes où s'effectuent d'ordinaire les récoltes.

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Thomas DESZPOT

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