Crédit immobilier : les nouvelles règles expliquées par un spécialiste

Propos recueillis par Virginie Fauroux
Publié le 15 septembre 2021 à 18h12

Source : JT 13h Semaine

INTERVIEW - Si vous avez l'intention d'acheter un bien immobilier, sachez que les règles pour obtenir un crédit seront plus contraignantes à partir de janvier 2022. Ce qui pourrait pénaliser certains ménages. Un expert du crédit immobilier nous éclaire.

Le Haut Conseil à la stabilité financière (HCSF), qui associe entre autres le ministère de l'Économie et la Banque de France, a décidé de rendre plus contraignantes les règles d'octroi des crédits immobiliers, sous peine de sanctions. Ce qui sera effectif dès le 1er janvier 2022. 

Ces règles, dont les banques pouvaient jusqu'ici s'affranchir, comme on vous l'explique dans cet article, consistent en un taux d'effort - c'est-à-dire le montant total des dépenses liées à l'habitation rapporté aux revenus - de 35% maximum, une durée d'endettement de 27 ans au plus (25 ans avec la possibilité de différer de deux ans le début des remboursements) et la possibilité de déroger à ces critères pour 20% des crédits. Une nouvelle réglementation qui vise à freiner la spéculation immobilière découlant de taux historiquement bas, qui suscite des questions. Pour y répondre, LCI a sollicité Philippe Taboret, le directeur général adjoint de Cafpi, courtier en prêt immobilier.

Ces règles d'octroi des crédits immobiliers rendues contraignantes, est-ce une mauvaise nouvelle pour ceux qui prévoient d’acheter dans les mois à venir ?

Philippe Taboret : C'est effectivement une mauvaise nouvelle pour tous les ménages concernés par les restrictions de distribution de crédit que vont imposer ces critères aux banques. Pour autant, on voit bien que les banques sont obligées de déroger. Aujourd'hui face à un client, elles font une analyse de risque, que les banquiers savent bien faire puisqu'il n'y a pas de contentieux en France, et choisissent un client qui dépasse un peu les règles des 35% d'endettement, mais qui a les moyens de le faire pour d'autres raisons. À partir de janvier, ils ne pourront plus le faire, c'est ça la nuance, alors qu'ils avaient une intelligence, un savoir-faire, qu'ils ne pourront plus utiliser. Ce qui pose problème également, c’est de réduire à 25 ans la durée des prêts, alors que l'on était arrivé à des durées de 30 ans avec des taux bas. Cela va réduire la possibilité pour certains d'accéder à la propriété. 

Les jeunes, plus fragiles, car ils n'ont pas encore épargnés, vont être aussi impactés
Philippe Taboret

Quels types de ménages cela va-t-il pénaliser ? 

Cela va surtout concerner les primo-accédants les plus modestes qui vont sortir du cadre et pour lesquels les banques, qui avaient pour habitude de choisir leur clientèle à travers leur profil et leur solvabilité, ne pourront plus déroger aux règles du HCSF.

Les jeunes, plus fragiles, car ils n'ont pas encore épargnés, vont être aussi impactés. Selon mon analyse, cette décision, qui du côté de la Banque de France, vise à freiner les risques pour les emprunteurs, est aussi politique. Tous les gouvernements considèrent en effet que l'accès à la propriété est une chose de rentier qui n'est pas bonne. Ils préfèrent que les plus jeunes soient locataires pour être plus mobiles et pouvoir travailler n'importe où. Quand on est propriétaire, on fige aussi l'épargne dans un bien, ce qui n'est pas très bon pour l'économie. C'est un retour en arrière qui est déplorable. 

Est-ce qu’il faut acheter dès maintenant ?

Oui, évidemment, car si on a un projet, comme il sera plus dur à financer, il faudra épargner plus longtemps et repousser son achat d'autant. Sans compter que les prix ont flambé ces vingts dernières années. À moins qu'il y ait un retour en arrière au vu des dégâts que cela va causer. Les ménages pourront évidemment encore emprunter en 2022, mais avec des règles plus strictes et si jamais les taux remontent - ce qui risque d'arriver avec le retour de l'inflation -, eh bien cela va être encore plus difficile. Tout cela n'augure pas d'une reprise d'un marché immobilier qui marche bien en ce moment, mais qui avait besoin d'être soutenu.  


Propos recueillis par Virginie Fauroux

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