COP21 : les clés pour comprendre de l'accord sur le climat adopté à Paris

Publié le 12 décembre 2015 à 12h36
COP21 : les clés pour comprendre de l'accord sur le climat adopté à Paris

ENVIRONNEMENT – Après deux semaines d'intenses négociations, les 195 pays participants à la conférence onusienne sur le climat ont adopté un texte dont l’objectif est de limiter le réchauffement de la planète à 2°C par rapport aux températures de l’ère pré-industrielle. Décryptage.

C’est l’aboutissement d’un long processus onusien multilatéral démarré en 1992. Ce samedi 12 décembre, au terme de treize jours de négociations entre 195 pays parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), les pays membres ont adopté l'accord sur le climat, qui vise à limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2°C par rapport aux températures de l'ère pré-industrielle. 

"Je ne vois pas d'objection dans la salle (...) je déclare l'accord de Paris pour le climat adopté", a dit le président de la COP21, Laurent Fabius, suscitant une longue salve d'applaudissements dans toute la salle. "C'est un petit marteau mais il peut faire de grandes choses", a-t-il déclaré, en l'abaissant sur le pupitre.

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Long de 31 pages,  le texte d’accord  est, selon le ministre des Affaires étrangères, "juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant". Pour les grandes ONG internationales, à la fois satisfaites et critiques, c'est même un "tournant" dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais quelles sont les conséquences d'un tel accord au niveau international ? Est-il aussi "ambitieux" que les chefs d'Etat le prétendent ? Experts et observateurs décryptent le contenu du texte pour metronews.

► Que change concrètement l’adoption de ce texte pour la communauté internationale ?
Tout d’abord, l’accord de Paris, approuvé par les 195 pays parties à la CCNUCC de 1992, est le premier accord universel, c’est-à-dire applicable à tous les pays, qui reconnaît les réalités du dérèglement climatique. Il succède au protocole de Kyoto approuvé en 1997 par 55 pays et qui n’exigeait aux Etats qu’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 5% par rapport au niveau de 1990.

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En approuvant ce texte, les pays du monde entier se sont donc engagés à tout faire pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à compter de 2020 et bien avant 2100, tout en se donnant se donnant rendez-vous régulièrement pour revoir à la hausse ces engagements. "L’accord de Paris engage tous les Etats à participer à un dispositif transparent pour que leurs engagements en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre soient tenus et permettent de ne pas dépasser un réchauffement des températures de 2°C", résume ainsi Arnaud Gossement, professeur de droit de l’environnement à l’université Paris-I.

Est-ce un accord "ambitieux" et "contraignant" ?
Tout dépend du prisme d’analyse que l’on prend. Si on prend l’objectif de long terme inscrit, qui est de limiter le réchauffement climatique à 2°C, et de tendre le plus possible vers un réchauffement maximal de 1,5°C, le texte est ambitieux. En revanche, comme le soulignent beaucoup d’ONG, l’accord de Paris n'est pas "l’accord rêvé" parce qu’il ne dit pas explicitement comment faire pour tenir ces objectifs tant du point de vue des instruments pour réduire les émissions (aller vers 100% d'énergies renouvelables à la moitié du siècle notamment) que du point de vue des financements post-2020 pour les pays les plus vulnérables au changement climatique.

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"Ce texte d’accord est un point de départ indispensable pour enrayer le péril climatique, mais ce sera insuffisant", estime par exemple Célia Gautier, responsable des questions européennes au sein du Réseau action climat-France (RAC). Pour Yannick Jadot, eurodéputé écologiste: "Il offre la possibilité de passer de l'irresponsabilité actuelle à une responsabilité qui nous évite le chaos, mais sans dire clairement qu'il faut 'décarboniser' l'économie réelle". "Scientifiquement, c’est sûrement un texte insuffisant, complète l’avocat Arnaud Gossement. Ce n’est pas non plus un texte juridiquement contraignant au sens où il y aurait des sanctions pour punir toute infraction. En revanche, c’est un texte politiquement contraignant : un levier supplémentaire pour lutter contre le réchauffement climatique".

► Quels sont ses points positifs ?
Selon certains observateurs, comme la Fondation Nicolas Hulot (FNH) - mais les avis sont là aussi partagés -, l’accord de Paris est "un bon accord" car il reprend d’abord la demande des pays déjà menacés par les conséquences du dérèglement climatique – les Etats insulaires ou le Bengladesh, par exemple – de limiter le réchauffement à 1,5°C. L’accord prévoit également que les contributions des Etats en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre soient revues tous les cinq à partir de 2020 et qu’à partir de cette date les financements apportés par les pays riches pour les pays en développement soient fixés à 100 milliards de dollars minimum par an.

De même, les pertes et dommages irréversibles pour les populations déjà concernées par le réchauffement climatique sont reconnus. C’est une avancée car ce point était bloqué par les Etats-Unis depuis le début des négociations climatiques. Enfin, le texte d’accord grave dans le marbre l’idée que les efforts à fournir ne sont pas les mêmes en fonction du degré de développement et d'industrialisation des pays. "Même si c’est flou, il y a une reconnaissance des responsabilités communes mais différenciées des pays. C’est une avancée", souligne l’avocat Arnaud Gossement.

Quels sont ses faiblesses ?
Tout l'enjeu de la Cop 21 était d'arriver à un accord qui fasse consensus auprès de 195 Etats. Le texte d'accord de Paris est donc un texte de compromis et présente des imprécisions sur un certain nombre de points avec des formules "vagues", selon Célia Gautier du RAC. L'objectif de long terme en matière de réduction des émissions est "trop flou, sans chiffre ni référence aux énergies renouvelables" pour la FNH.

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La date de révision à partir de 2025 est aussi jugée trop tardive pour palier l'urgence climatique, les financements pour l'adaptation après 2020 des pays en développement ne sont pas renforcés et toute référence au "prix du carbone" a été occultée. "Nous sommes très inquiets devant le fait qu’il n’y a aucune garantie de soutien pour ceux qui seront les plus touchés par les impacts du changement climatique, particulièrement les populations les plus vulnérables", craint ainsi la directrice France du fonds mondial pour la biodiversité WWF, Isabelle Autissier.

► Et après ?
Pour entrer en vigueur en 2020, l’accord de Paris doit maintenant être ratifié par au moins 55 pays parties à la CCNUCC, représentant au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, entre 2016 et 2017. Des Etats comme l’Arabie Saoudite ou le Venezuela, qui "ont joué un rôle néfaste dans les négociations" selon le député écologiste belge Jean-Marc Nollet, sont d’ailleurs susceptibles de retarder au maximum ce processus .

"Nous ne sommes plus à l’époque de Kyoto, la ratification doit se faire le plus rapidement possible", insiste sur ce point Matthieu Orphelin, le porte-parole de Orphelin de la FNH. Un premier bilan sur les contributions de chaque Etat en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être fait par la suite en 2018. Les Cop, elles, se poursuivent avec la 22ème conférence climatique, en décembre prochain à Marrakech, au Maroc pour faire un premier point. Car l'urgence climatique, elle n'est pas réglée.
 

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La rédaction de TF1info

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