Bataille judiciaire autour de la succession de Johnny Hallyday : quels sont les scénarios envisageables ?

Publié le 14 février 2018 à 7h46, mis à jour le 23 février 2018 à 17h11
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Source : Sujet JT LCI

ACHOPPEMENT - Alors que Laura Smet et David Hallyday ont décidé de contester en justice le testament de Johnny Hallyday les déshéritant au seul profit de Laeticia Hallyday, la bataille judiciaire pour la succession du taulier promet d’être longue. Décryptage de la situation avec deux avocats, spécialistes du droit californien et du droit de la famille.

La bataille judiciaire pourrait être longue. Alors que Laura Smet et David Hallyday ont décidé lundi de "se battre" et de contester devant les tribunaux le testament de leur père Johnny Hallyday, qui les dépouillerait d’héritage au seul profit de Laeticia Hallyday, cette dernière a, quelques heures plus tard, déclaré publiquement son "écœurement". Néanmoins "sereine", elle se dit déterminée à "faire respecter le travail et la mémoire de son mari". L’ambiance promet d’être lourde tout au long de la succession et, ce, d’autant plus, vu le nombre d’arguments à faire valoir de part et d’autre. Il faut dire que les enjeux sont conséquents.

Outre l’évidente importance symbolique d’un legs parental, des "souvenirs personnels", il est ici question de droits d’auteur et de (potentiels) droits à l’image conséquents. Sans oublier un joli patrimoine immobilier (notamment les maisons de Marnes-la-Coquette, Saint-Barthélemy et Los Angeles). Assez pour que les deux premiers enfants du taulier se décident à passer par la case justice, arguant que dispositions testamentaires paternelles, rédigées en vertu du droit californien, "contreviennent manifestement aux exigences du droit français". De fait, comme nous l’indique Pierre Hourcade, avocat au barreau de Paris et de Californie, la loi du "Golden State" permet au testateur de faire "absolument ce qu’il veut". Quand, en France, le principe "de réserve héréditaire" prévoit un minimum défini aux "héritiers réservataires", malgré des vœux éventuellement différents.

France ou Californie ? Le point clé de la "résidence habituelle" de Johnny

Reste à savoir quel droit entre en application, ce à quoi va devoir s’atteler le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre (Hauts-de-Seine), saisi par les avocats de Laura Smet et David Hallyday. "Depuis le 17 août 2015, c’est un règlement européen qui s’applique en matière de successions internationales", nous explique Marion Delplanque, avocate au barreau de Paris spécialisée en droit de la famille. "Il énonce notamment que la loi applicable à la succession sera celle de la dernière 'résidence habituelle' du défunt", poursuit-elle. "Dans le cas de la succession de Johnny Hallyday, la première question sera donc de savoir quelle était cette dernière résidence habituelle : la France ou les Etats-Unis ?" Un point clé qui s’annonce déjà comme l’une des principales pierres d’achoppement entre les défenseurs des parties prenantes.

Pour les enfants déshérités du rockeur, l’objectif sera, dès lors, de prouver que leur père résidait essentiellement sur le territoire français au crépuscule de sa vie. Plusieurs critères prévus par le règlement européen pourraient être pris en compte : "la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'État concerné" ainsi que "les conditions et les raisons de cette présence" mais aussi le "lien étroit et stable" liant le défunt à cet État. Dans ses considérants (ses "motivations"), le texte supranational anticipe d’ailleurs le cas particulier d’une personne vivant entre différents pays. Il pointe que la "résidence habituelle" peut être considéré comme l’endroit où se trouvait "le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale". À défaut, la nationalité ou le "lieu de situation" des biens en jeu peuvent également être pris en compte. "Le Juge prendra peut-être également en considération le souhait du défunt de se faire enterrer à Saint-Barth ou le lieu où il payait ses impôts (les États-Unis depuis 2013, ndlr)", ajoute Marion Delplanque.

Une jurisprudence défavorable aux déshérités, à moins que…

Dans l’immédiat, sans les termes précis du testament, les deux hypothèses - l’application de la loi française ou américaine - apparaissent envisageables. "Si le TGI de Nanterre considère, au regard des critères énumérés, que la résidence habituelle du défunt se trouvait en Californie et qu’en conséquence, la loi de cet état américain s’applique, les enfants seront exhérédés", nous précise encore Marion Delplanque. Selon elle, la justice pourrait alors se référer à la jurisprudence de deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 27 septembre dernier dans les successions des compositeurs Maurice Jarre et Michel Colombier. Deux affaires similaires, par plusieurs aspects, à celle déchirant la famille Smet-Hallyday qui n’augurent rien de bon, a priori, pour les requérants. Et pour cause : la plus haute juridiction française a jugé qu’une loi étrangère ignorant la réserve héréditaire n’était pas, en soi, contraire à l’ordre public international français et qu’elle ne pouvait être écartée que si son application concrète conduisait à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels.

"Il a été conclu que le droit californien pouvait s’appliquer, notamment en raison de l’'installation ancienne et durable' des deux hommes aux États-Unis et que les héritiers concernés n’étaient pas dans une situation 'de précarité ou de besoin'", embraye Pierre Hourcade, pour qui Laeticia Hallyday apparaît "en position de force" dans ce dossier. Pas précaires ni nécessiteux à première vue, Laura Smet et David Hallyday tâcheront, sans nul doute, de faire ressortir les dissemblances entre le cas de leur père et celui des deux compositeurs. Ces derniers, dont la quasi-totalité du patrimoine et l’essentiel de la vie familiale se trouvaient outre-Atlantique, avaient été résidents californiens pendant plus de 30 ans. Un élément qui pourrait être moins évident concernant Johnny Hallyday. De quoi donner un peu d’espoir aux déshérités.

Le testament comme juge de paix

"Si le TGI de Nanterre considère que la dernière résidence habituelle du défunt est française, la loi française s’appliquera et les enfants bénéficieront alors d’une réserve héréditaire globale de trois-quarts du patrimoine", reprend Marion Delplanque, soulignant toutefois que "ces règles générales peuvent être aménagées en fonction des dispositions testamentaires". Cependant, la réglementation européenne de 2015 autorise un testateur à choisir la loi qu’il souhaite voir appliquer pour sa succession, sous certaines conditions.

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"L’article 22 du règlement permet de désigner de manière expresse dans un testament une autre loi que la loi de sa dernière résidence habituelle, mais il faut en avoir la nationalité", relève l’avocate. Un point qui, sauf (énorme) surprise, ne concerne pas Johnny Hallyday. Ce qui n’empêche pas, comme le rappelle Marion Delplanque, "de vérifier dans tous les cas la validité de fond et de forme du testament." Quoi qu’il en soit, la bataille judiciaire devrait être longue.


Alexandre DECROIX

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