"Pas essentiel" : le cri du cœur de Grand Corps Malade pour dénoncer le maintien de la fermeture des lieux culturels

Publié le 13 décembre 2020 à 17h44, mis à jour le 13 décembre 2020 à 18h24
"Pas essentiel" : le cri du cœur de Grand Corps Malade pour dénoncer le maintien de la fermeture des lieux culturels
Source : LIONEL BONAVENTURE / AFP

NE RIEN LÂCHER - Pour répondre au sentiment d'injustice du monde de la culture, le slameur Grand Corps Malade en a fait une chanson, au titre évocateur : "Pas essentiel", sortie ce vendredi 11 décembre.

Chacun ses armes pour lutter contre la morosité ambiante, alors que les fêtes de Noël devront rester sages, Covid oblige. Après le choix de prolonger la fermeture des lieux culturels jusqu'au 17 janvier au moins, Grand Corps Malade a choisi les rimes, chères à son cœur de slameur. Et quoi de mieux qu'une chanson pour répondre aux annonces de Jean Castex jeudi soir. "Embrasser quelqu'un, pas essentiel. Ouvrir un bouquin, pas essentiel. Sourire sincère, pas essentiel. Aller aux concerts, pas essentiel. Se promener en forêt, pas essentiel. Danser en soirée, pas essentiel. Retrouver les gens, pas essentiel", lance-t-il dans le titre "Pas essentiel", sorti ce vendredi. 

Une chanson qui fait écho au "sentiment amer, d'injustice" du monde de la culture et qui, hasard du calendrier, tombe à pic dès le lendemain des annonces gouvernementales. "On avait choisi de le sortir le vendredi 11 décembre, on ne savait pas que ça tomberait si bien et on aurait d'ailleurs préféré que ça ne tombe pas si bien...", reconnaît le chanteur, qui a dévoilé, dans la foulée, le clip. Une vidéo qui dresse le portrait d'une dizaine de commerçants (barman, libraire, restaurateur, cuisinier...) reprenant tel un mantra la formule du Premier ministre qualifiant certains commerces de "non essentiels" pendant le confinement, les obligeant ainsi à la fermeture.

Beaucoup de gens, pas seulement moi ou les professionnels de la culture, sont persuadés que la culture est au contraire essentielle pour le moral, l'humeur, la créativité.
Grand Corps Malade

Une formule pour le moins maladroite pour le slameur : "C'est un peu violent de séparer ce qui est soi-disant essentiel de ce qui ne serait pas essentiel. Est-ce qu'un magasin de chaussures est plus essentiel qu'un théâtre ou qu'un cinéma ? En tout cas le magasin de chaussures, lui, il est ouvert. C'est clivant comme terme. Être catalogué pas essentiel, c'est comme une gifle. Beaucoup de gens, pas seulement moi ou les professionnels de la culture, sont persuadés que la culture est au contraire essentielle pour le moral, l'humeur, la créativité. Le monde de la culture a un sentiment amer, d'injustice", a-t-il déclaré à l'AFP.

"Puisque la vie est une succession de superflus, soyons super fous et superficiels. Protégeons le futile et sur ce je conclus, n'écoutez pas cette chanson elle n'est pas essentielle", chante encore Grand Corps Malade, qui a pris résolument le parti d'en faire un titre entraînant et festif, histoire de ne pas rajouter de l'amertume à la morosité ambiante. "Le but, c'est aussi de dire 'on va s'en sortir'", poursuit-il. D'où peut-être la référence à "Street dance", un morceau dansant, avec synthés et boite à rythmes, du groupe Break Machine, sorti en 1984. "C'est un clin d'œil aux débuts du hip-hop - on disait le smurf à l'époque : c'est une culture qui émergeait à l'air libre, dans la rue, dans le clip on voyait des gars mettre un bout de carton par terre pour y faire des figures. On espère qu'on pourra de nouveau chanter et danser à l'air libre", souligne le chanteur.

Grand Corps Malade ne veut pas non plus s'afficher comme un porte-drapeau : "Je ne suis pas là pour critiquer le gouvernement, je ne dis pas que je serais mieux placé pour prendre des décisions, loin de là. Mêmes les scientifiques ne sont pas d'accord entre eux", avance-t-il. Lui, sa marque de fabrique, c'est avant tout de capter l'air du temps. Et celui-ci tourne plutôt à l'orage. Voit-il pour autant l'avenir d'un bon œil ? Rien n'est moins sûr. "Il y a de grosses inquiétudes : quand est-ce que ça va reprendre ?", s'interroge-t-il. "C'est vrai que dans les musiques actuelles, on repousse sans cesse nos dates de concerts. Là, j'ai prévu une tournée des Zénith (et autres grandes salles, pour défendre son album "Mesdames") mais ça ne sera pas avant novembre 2021...", prévient-il.

Reste maintenant ces mots scandés par toutes ces professions en péril : "Pas essentiel". Deviendront-ils le slogan d'un monde culturel aux abois ? Une chose est sûre, affichés dans un premier temps en lettre rouge sur le fronton de l'Olympia à Paris pour les besoins du clip de la chanson, ils ont essaimé ensuite vers la façade du Bataclan. Grand Corps Malade espère maintenant qu'ils seront repris par d'autres salles en signe de protestation.


Virginie FAUROUX

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