Mon journal de Cannes, épisode 6 : Zemmour et les Gilets jaunes s'invitent à table

Jérôme Vermelin, à Cannes
Publié le 11 juillet 2021 à 12h00, mis à jour le 12 juillet 2021 à 11h12
Mon journal de Cannes, épisode 6 : Zemmour et les Gilets jaunes s'invitent à table

BILLET D'HUMEUR – Du 6 au 17 juillet, je vous raconte depuis la Croisette la 74e édition du Festival de Cannes de l'intérieur, entre coups de cœur et coups de griffes. Dans ce nouvel épisode, j’essaie d’expliquer la différence entre la gauche et la droite à une confrère chinoise.

Le Festival de Cannes, comme chacun sait, est une manifestation internationale qui attire des professionnels du cinéma et des journalistes du monde entier. Ils sont moins nombreux à s’être accrédités cette année, en raison de la situation sanitaire. Mais nos échanges me donnent à chaque fois la sensation – l’honneur ? – d’être une sorte d’Ambassadeur de France lorsqu’ils me demandent de leur expliquer les subtilités de l’actualité de notre pays. Lors d’un dîner mondain, j’ai ainsi fait la rencontre d’une jeune confrère américaine qui après avoir couvert les années Trump, officie désormais à Paris. "Zemmour a-t-il des chances d’être élu ?", m’a-t-elle demandé à propos du polémiste, visiblement inquiète. "Je ne pense pas, non", l’ai-je rassuré alors qu’un serveur me proposait du rouge ou du rosé. "Nous aussi on ne pensait pas que Trump pouvait gagner", m’a-t-elle rétorqué. J’ai pris du rouge.

Ce samedi, c’est La Fracture qui m’a contraint à enfiler les habits de spécialiste du système médical français. Alors que je devisais au téléphone sur les mérites du film de Catherine Corsini, j’aperçois une journaliste asiatique en train de me fixer de manière insistante. Au moment où je raccroche, celle-ci s'approche de moi, un peu gênée. Cette correspondante d’un média chinois s’étonne que dans l’un des magazines recensant les avis de la presse à Cannes, certains journalistes français aient mal noté ce long-métrage qui plonge le spectateur dans l’enfer d’un service d’urgence, un soir de manif de Gilets jaunes. "Pourquoi ont-ils détesté ?", m’a-t-elle demandé. "Est-ce parce que le film n’est pas réaliste ? Parce que moi, j’ai beaucoup aimé".

Après lui avoir expliqué que la situation décrite dans le film était particulière, mais pas exceptionnelle – je ne lui ai pas raconté ma propre expérience des urgences parisiennes, ça ne tiendrait pas dans le nombre de signes que je me suis alloué pour cette chronique de toute façon – je suis allé rapidement consulter les articles de mes confrères sur Internet. J’ai alors découvert que Le Figaro avait adoré cette fiction sociale qui croque les angoisses d'une France "au bord du gouffre". Et que Libération avait détesté, déplorant "les grosses ficelles de la fiction de la gauche ". Le sourcil froncé, je me suis demandé comment je pourrais expliquer à ma nouvelle amie chinoise la différence entre la droite et la gauche en France en 2021. Et puis j’ai lâché l’affaire.


Jérôme Vermelin, à Cannes

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