Gérardmer 2021 : "Possessor", couronné au festival du film fantastique, fait cruellement regretter la fermeture des salles obscures

Publié le 31 janvier 2021 à 21h55
Gérardmer 2021 : "Possessor", couronné au festival du film fantastique, fait cruellement regretter la fermeture des salles obscures
Source : The Jokers

PALMARES - Le Grand prix du 28e Festival international du film fantastique de Gérardmer, qui se déroulait en ligne en raison de la pandémie de coronavirus, a été attribué à "Possessor" de Brandon Cronenberg. Un thriller de SF viscéral et troublant que son distributeur français espère sortir sur les écrans en avril prochain.

Dans un entretien accordé l’été dernier à Libération, le maître canadien David Cronenberg avouait en avoir sans doute terminé avec le cinéma, éprouvé par les disparitions successives de son épouse Carolyne et de sa sœur Denise, costumière de la plupart de ses films. Voir son fils Brandon porter le flambeau familial avec le formidable Possessor n’en est que plus émouvant. 

Après Antiviral, un coup d’essai dispensable en 2012, l’héritier monte en gamme avec ce long-métrage intense et dérangeant, couronné ce dimanche par le Grand prix du 28e Festival international du film fantastique de Gérardmer, qui se déroulait pour la première fois en ligne, Covid oblige. 

Une tueuse dans la tête

Dans un futur proche, une organisation secrète utilise un dispositif neuronal sophistiqué qui permet à ses employés de se glisser dans le corps d’un autre pour exécuter les cibles de ses riches clients. Révolutionnaire, le procédé est aussi cruel puisque pour sortir de la tête de son hôte, l’invité doit se tirer une balle dans la bouche. Est-ce la brutalité du procédé ? Ou bien l’addiction qu’il procure ? Toujours est-il qu’après une longue série de contrats réussis, Tasya Vos (la spectrale Andrea Riseborough) semble avoir du mal à retrouver ses esprits. Et le fil d’une réalité où sa vie de famille est partie en lambeaux.

Lorsque sa patronne, la très maternelle Girder (Jennifer Jason Leigh), lui propose de vite reprendre du service, l’héroïne tourmentée hésite. Puis se laisse convaincre par le challenge : éliminer l’homme d’affaires John Parse (Sean Bean) et sa fille Ava (Tupence Middleton) en entrant dans le crâne de Colin (Christopher Abbott), le boyfriend taiseux de cette dernière. Mais très vite, Tasya est assaillie d’étranges visions qui lui donnent le sentiment de perdre le contrôle de sa mission.

 L’invasion des corps par la technologie, la fascination pour la violence, les troubles de l’identité… Dans Possessor, Brandon Cronenberg remâche les obsessions paternelles, c’est une évidence. S’il leur injecte une vie nouvelle en épousant des thématiques très actuelles comme la question du genre et la tyrannie du big data, c’est dans la forme que ce thriller de SF impressionne. Une mise en scène charnelle et viscérale, parcourue de visions cauchemardesques et de saillies gore, qui épouse la descente aux enfers de son double protagoniste.

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Présenté il y a un an déjà au Festival de Sundance, Possessor est annoncé chez nous pour avril prochain par son distributeur français, The Jokers, même si rien n’assure que les cinémas seront rouverts à cette date. C’est d’autant plus frustrant car de ses audaces narratives à sa radicalité visuelle, ce film de SF sans compromis a clairement été taillé pour se savourer devant un écran géant, dans l’anonymat d’une salle obscure. Notons que Gérardmer 2021 a par ailleurs primé La Nuée et Teddy, deux films qui témoignent du renouveau du fantastique en France. Et qui attendent eux aussi de pouvoir aller à la rencontre du public.


Jérôme VERMELIN

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