"Jongler avec deux mondes est toujours plus délicat" : dans les secrets de fabrication de "Soul"

Propos recueillis par Delphine DE FREITAS
Publié le 23 décembre 2020 à 8h00

Source : Sujet TF1 Info

INTERVIEW - Installé à Los Angeles depuis près de 15 ans, le Français Kristophe Vergne a donné vie aux héros jazzy du chef-d’œuvre d'animation Pixar qui débarque Disney+ ce 25 décembre. Il raconte à LCI son expérience avec le studio américain.

Il refuse de nous révéler les scènes sur lesquelles il a travaillées. "Il y a des événements qui changent un peu le cours du film, qui sont un peu des surprises. Et je crois que je ne suis pas habilité à en parler", glisse-t-il. Soul signe la douzième collaboration de Kristophe Vergne avec Pixar. 

Son rôle au sien du studio américain ? Animateur. Un métier qu'il nous a expliqué en détail par webcams interposées, tout en livrant quelques secrets de fabrication du nouveau bijou d'animation à découvrir le jour de Noël sur Disney+.

Vous vous êtes diplômé de l'école de l'image des Gobelins. Comment passe-t-on du 13e arrondissement de Paris à Hollywood? 

J’ai travaillé à Disney Paris, ce qui m’a permis d’avoir de premières interactions avec les studios américains depuis la France. Je crois que c'était en 2004/2005, au moment où l’image 3D prenait le pas sur le dessin animé traditionnel. À l'époque en tout cas, il y avait vraiment très peu d'opportunités dans l’Hexagone pour continuer à faire des films pour le cinéma. J'ai donc pris la décision de m'exporter. J’ai eu le choix entre Weta en Nouvelle-Zélande, Dreamworks et Pixar à Hollywood. J’étais à peu près sûr de finir en Californie au moins pour les cinq prochaines années. Et j’ai fini par rester plus longtemps (il rit)

En quoi consiste le métier d’animateur ?

On donne vie à une poupée virtuelle. On crée en quelque sorte une sculpture virtuelle à laquelle on doit ensuite ajouter un squelette et toutes ses articulations. Il y a aussi tout le travail qui consiste à rendre un personnage agréable à voir. On va par exemple rapprocher un peu plus ses yeux pour que ça fonctionne mieux, que ce soit plus expressif. Un animateur est généralement assigné à une suite de scènes dans lesquelles il va tout faire pour exprimer les émotions du personnage, mais aussi le faire bouger en adéquation avec le but de la scène pour que l’histoire progresse. 

On a fini les animations le premier jour du confinement aux Etats-Unis.
Kristophe Vergne, animateur sur "Soul"

À quoi ressemblait une journée de travail sur Soul ?

Tous les matins, les animateurs se retrouvent dans une salle de cinéma pour une session de travail qu’on appelle des "dailys". On présente notre travail journalier au réalisateur et on échange. Un processus de collaboration se met en place entre nous. On est plus de 80 animateurs donc généralement sur une semaine, on va pouvoir montrer une ou deux fois l’avancée de notre travail. Ensuite, c’est un peu plus "personnel." On retourne dans nos bureaux mais on continue à discuter avec nos collègues et le directeur d’animation pour être sûr qu’on est bien dans la bonne direction. Beaucoup d’animateurs aiment se filmer lorsqu’ils ont besoin de reproduire un mouvement de manière plus réaliste. On a une petite salle pour ça. 

C’est une technique que vous utilisez ?

Sur Soul, je l’ai fait un peu. Mais vu que j’ai animé des personnages qui n’ont pas forcément mon gabarit ou ma corpulence, j’ai plutôt extrapolé (il rit). J’ai fait confiance à mon passé d’animateur traditionnel en 2D donc j’ai peut-être un peu moins besoin de me reposer sur une référence vidéo.

Qu’est-ce qui a représenté le plus de difficultés ?

Je pense que le fait de jongler avec deux mondes est toujours un petit peu plus délicat. Les petites âmes sont beaucoup plus cartoon et le rythme est beaucoup plus rapide. C’est plus exagéré, plus expressif. Les êtres humains sont beaucoup plus réalistes, plus ancrés dans le monde réel. Ça demande une compréhension de la mécanique un peu différente. 

C'est aussi beaucoup plus anatomique en termes de posture. 

La série-documentaire Disney+ sur la conception de La Reine des neiges 2 montre comment tout le monde collabore à différents niveaux et le temps que met un film d’animation à prendre vie.  Combien de temps avez-vous travaillé sur Soul ?

Sur l'animation en elle-même, on a travaillé un peu moins d'un an. Ça a été rapide et concis. On a un calendrier très compressé. En revanche, la conception du film, entre la création, le premier script et les recherches, a pris quatre ans.

Soul a été finalisé à domicile en raison de la pandémie. Vous aussi, vous avez dû terminer l’animation chez vous ? 

Non, en fait je n'ai jamais pu finir complètement ma dernière scène. Elle s’est retrouvée l'écran comme ça, mais on a fini les animations le premier jour du confinement aux États-Unis. 

>> Soul de Pete Docter et Kemp Powers, avec les voix françaises d'Omar Sy, Camille Cottin et Ramzy Bédia - disponible dès le 25 décembre sur Disney+


Propos recueillis par Delphine DE FREITAS

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