VIDÉO - Comment la France a caché ses œuvres d'art aux nazis pendant la Seconde Guerre mondiale

Maxence GEVIN | Reportage vidéo N. PELLERIN et S. MALOISEAUX
Publié le 6 décembre 2021 à 10h27

Source : TF1 Info

QUAND IL FALLAIT SAUVER LA JOCONDE - Avant même l'entrée en guerre officielle contre l'Allemagne nazie, en 1939, les dirigeants français ont organisé l'évacuation de milliers d'œuvres d'art vers des villes de province, à l'abri d'éventuels bombardements. Le 20H de TF1 vous raconte.

Un plan d'ampleur savamment élaboré. Après le traumatisme de la Première Guerre mondiale, et notamment la destruction de la cathédrale de Reims, les autorités françaises ont rapidement planché sur la mise à l'abri des principales œuvres d'art en cas de nouveau conflit. L'objectif étant d'éloigner  les grandes créations artistiques des grandes villes, celles-ci étant susceptibles d'être bombardées. Dès 1939, face à la montée des tensions avec l'Allemagne nazie, le gouvernement français a décidé de mettre en œuvre ce plan de protection des collections nationales. 

La Joconde de Léonard de Vinci, La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix ou encore La Dentellière de Johannes Vermeer... Aujourd’hui exposées au Louvre, ces toiles ont aussi en commun d'avoir parcouru des centaines de kilomètres sur les routes de l'Hexagone pour être cachées à Chambord, Valençay et bien d'autres lieux encore. En l'espace de quelques jours, à partir de la fin du mois d'août 1939, les musées parisiens se vident dans ce qui reste, aujourd'hui encore, le transfert d’œuvres d’art le plus colossal jamais organisé. Au Louvre, par exemple, un certain nombre de sculptures et d’antiques furent protégés sur place mais la quasi-totalité de la collection de peintures fut évacuée, y compris des toiles de grandes dimensions. 

"Le radeau de la Méduse" s'est pris dans ... les fils du tramway

Colossale, l'opération est menée par un personnel des plus hétéroclites. Déménageurs, ouvriers des grands magasins, membres de la Comédie française... tout le monde y prend part. "On voit des manutentionnaires, qu’on a pris à la  Samaritaine, qui sont - sans gant et la clope au bec - en train de transporter des Delacroix et des Vermeer. On voit presque les cendres tomber et on a vraiment un mal stupéfiant aujourd’hui à imaginer que l’urgence exige ces conditions de sauvetage", raconte à TF1 Josselin Guillois, auteur du roman Louvre. Au moment de quitter la capitale, les convois s'élancent dans des conditions parfois périlleuses. "Le radeau de la Méduse, l’un des plus grands chefs-d'œuvre du musée, se prend dans les fils électriques du tramway en arrivant à Versailles. Il y a quasiment un début d’incendie, des étincelles partent partout. Cet accident va causer une coupure d'électricité dans toute la ville", continue-t-il dans le reportage en tête de cet article. "Le tableau de Géricault vit une sorte de second naufrage" (rires). 

Chambord, la plaque tournante...

Dispersés partout en France, ces chefs-d'œuvre sont entreposés dans de larges caisses en bois. Seuls des points de couleurs trahissent leur précieux contenu. "Cette caisse était équipée de trois pastilles rouges indiquant, à tous ceux qui allaient la manipuler, que la Joconde était à l’intérieur", explique Alexandra Fleury, chargée de mission au château de Chambord, plaque tournante de cet improbable exode. "Tous les formats étaient présents puisqu’on allait de la vaisselle jusqu’à de grandes toiles. En réalité, il y en avait à tous les étages et quasiment dans toutes les pièces", ajoute-t-elle. 

Face à l’attaque éclair de l’armée allemande en 1940, certaines œuvres reprennent ensuite la route vers le Sud et le Sud-Ouest de l'Hexagone. Plusieurs vont même être déplacées à plusieurs reprises tout au long du conflit. C’est, par exemple, le cas de la fameuse Joconde. Pour sa sécurité, la toile de De Vinci est déplacée cinq fois, de la Loire à la Sarthe en passant par l’Aveyron et le Tarn-et-Garonne.

... qui a frôlé la catastrophe

Paradoxe de l’Histoire, les Allemands connaissaient bien l’existence de ces dépôts. Ils les ont épargnés dans l’espoir de récupérer certaines œuvres à la fin du conflit. Toutefois, le château de Chambord a, lui, frôlé la catastrophe à deux reprises. En juin 1944, un avion américain s'écrase juste à côté de l’édifice. À peine deux mois plus tard, harcelés par les résistants, les Allemands menacent de détruire château et œuvres d’art. Ils n'ont finalement rien, convaincus par un curé alsacien germanophone, l’abbé Joseph Gilg. "On aurait pu perdre Chambord et toutes les œuvres du Louvre", souligne Jean d'Haussonville, directeur général du domaine national de Chambord. 

Après la Libération, les œuvres mettront quatre ans à regagner leurs musées respectifs. Petit miracle, elles reviendront, pour la plupart, intactes. 

Célébrant cette année le bicentenaire de son ouverture au public, le château de Chambord a récemment inauguré un nouvel espace permanent consacré à la vie du château pendant la Seconde Guerre mondiale. Quatre salles expliquent comment il s’est inscrit dans la protection des chefs-d’œuvre des musées français et mettent en lumière la question de l’art dans la politique nazie. 


Maxence GEVIN | Reportage vidéo N. PELLERIN et S. MALOISEAUX

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