Abraham Poincheval, l’artiste qui vit dans un rocher et couve des œufs

par Judith KORBER
Publié le 22 février 2017 à 8h46, mis à jour le 29 mars 2017 à 19h08
Abraham Poincheval, l’artiste qui vit dans un rocher et couve des œufs

BIZARRE – Abraham Poincheval prend ses quartiers au Palais de Tokyo, à Paris. A partir de mercredi 22 février, l’artiste y réalisera une performance en s’enfermant pendant une semaine dans un bloc de pierre. Fin mars, il tentera également de couver des œufs jusqu’à leur éclosion.

C’est un grand bloc de calcaire qui trône au sous-sol du Palais de Tokyo, à Paris. Avec sa cavité en forme de silhouette assise, il ressemble à un sarcophage prêt à accueillir une momie. Mais le macchabée en question est pour l’heure bien vivant. Il s’appelle Abraham Poincheval, artiste corporel de son état. 

Entre le 22 février et le 1er mars, ce quadragénaire adepte des performances extrêmes va vivre enfermé dans ce rocher. Pourquoi faire ? "Pour vivre un autre temps que celui de l’humain, le temps géologique. Il y a également une partie mystique du réel dans cette expérience. Je n’ai pas l’impression de me retirer du monde mais d’habiter dans le monde", nous répond le plasticien qui entend bien "dialoguer" avec son contenant. "Il va y avoir un échange entre ma respiration et celle de la pierre qui vient juste d’être sortie du sol d’une carrière de Nancy", déclare-t-il. 

Pour ce voyage sur place, Abraham Poincheval n’emporte que le strict minimum : une lampe frontale, de l’eau, de la nourriture en brique, un peu de lecture, un téléphone de secours, mais pas de montre. Un conduit d’aération assure la bonne oxygénation de l’espace et une boîte hermétique lui sert de toilettes. "La position assise va être un peu difficile à gérer. On n’a pas de vue sur soi, il faut imaginer son propre corps à l’intérieur de cette pierre", raconte-t-il. Et s’il devra se livrer à quelques exercices physiques afin d’assurer la bonne circulation de son sang, le performeur pense surtout passer son temps à méditer.

Paradoxalement, Abraham Poincheval n’aura aucune intimité dans son cocon, où il sera filmé 24 heures sur 24. Le public pourra regarder ses faits et gestes, certes limités, via un écran situé à côté du roc. Les visiteurs pourront également lui parler mais l’artiste n’est pas vraiment certain de tout entendre.

13 jours dans un ours naturalisé

Pour lui, cette expérience d’enfermement est loin d’être une première. En 2012, à Marseille, il a passé sept jours dans un trou creusé sous une galerie d’art et bouché par une pierre d’une tonne. Deux ans plus tard, il a vécu 13 jours à l’intérieur d’un ours naturalisé posé au milieu du Musée de la chasse à Paris. L’année dernière, il a tenu une semaine perché à 18 mètres du sol sur une plateforme située devant la Gare de Lyon et a expérimenté la vie dans une bouteille transparente de 6 mètres de long dérivant sur le Rhône. 

Autant d’épreuves qui mettent ses sens et sa tête à rude épreuve. "On est dans un état un peu flottant, comme si on s’hypnotisait soi-même. Il est difficile de différencier la partie sommeil de la partie éveil. Parfois je rêve de l’endroit où je suis et je ne sais plus si c'est un rêve ou le réel", se rappelle le plasticien. Les moments d’angoisse font aussi partie de l’aventure. "Il faut réussir à les gérer, les comprendre, les assimiler. Par chance, je m’en suis toujours sorti".

S’il a parfois été proche de la rupture, il n’a encore jamais abandonné une performance en cours de route sans toutefois rejeter cette possibilité. "Cela va jusqu’où cela peut aller mais cela ne sert à rien de se faire mal." Et à la sortie ?  "Il faut minimum un mois pour s’en remettre. On ressort déboussolé. Il faut reprendre ses marques avec son ancien quotidien. C’est un travail parfois un peu pénible."

En attendant de marcher sur les nuages

Cette fois, Abraham Poincheval n’aura pas le temps de souffler. A partir du 29 mars, toujours au Palais de Tokyo, il s’enfermera dans un vivarium pour couver des œufs jusqu’à leur éclosion une vingtaine de jours plus tard. "Je vais faire des poussins de l’art et je vais expérimenter cette chose qui ne m’appartient pas, une vie qui dépend de la mienne", s'enthousiasme-t-il. Que les amis des bêtes se rassurent, l’artiste leur a déjà trouvé un refuge pour après. Et lui, après, où sera-t-il ? Il s’attèlera à réaliser d’autres rêves, comme celui de marcher sur les nuages, la tête dans les étoiles et les pieds définitivement pas tout à fait sur terre. 


Judith KORBER

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