Un million d’entreprises ont-elles été créées en 2021 ?

Publié le 19 janvier 2022 à 21h57
Bruno Le Maire a annoncé le renforcement des aides économiques aux entreprises en difficulté
Bruno Le Maire a annoncé le renforcement des aides économiques aux entreprises en difficulté - Source : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

EMPLOI - Bruno Le Maire s’est félicité de la création d’1 million d’entreprises, "un record tout simplement historique" d’après le ministre. Si c’est bien le cas, la majorité d’entre-elles sont des micro-entreprises, rapporte l’Insee.

En ce début d’année, Bruno Le Maire n’a pas manqué de partager la nouvelle sur Twitter avec fierté : "1 million d’entreprises créées en 2021 en France". Il s’agit alors d’"un record tout simplement historique", fait remarquer le ministre de l’Économie. En effet, jamais autant de créations d’entreprises n’ont été constatées dans le pays en une année. Mais que recouvre ce chiffre ? 

Les données sur les créations d’entreprises sont apportées régulièrement par l’Insee, l’institut national de statistiques. Le détail sur le nombre d’entreprises créées entre le dernier trimestre 2020 et le dernier trimestre 2021 a été publié le 14 janvier sous forme de graphique, qui a été beaucoup repris sur les réseaux sociaux. Celui-ci représente deux courbes : une qui correspond à toutes les entreprises et une autre qui renvoie aux entreprises dites classiques et qui exclut les micro-entreprises. Selon la première courbe, 995.900 entreprises ont été créées au dernier trimestre 2021. Selon la seconde, 354.300 entreprises ont vu le jour à cette même date. À partir de ces éléments, on constate donc que parmi ces 995.900 créations d’entreprises, 641.600 sont en réalité des micro-entreprises. 

Entre le 4ᵉ trimestre 2020 et le 4ᵉ trimestre 2021, 995.868 entreprises, incluant les micro-entrepreneurs, ont été créées.
Entre le 4ᵉ trimestre 2020 et le 4ᵉ trimestre 2021, 995.868 entreprises, incluant les micro-entrepreneurs, ont été créées. - Insee, Répertoire des entreprises et des établissements (Sirene)

Ces dernières, plus connues sous l’ancienne appellation d’auto-entreprises, renvoient à un statut particulier en France ; celui de travailleur indépendant et donc non-salarié. En cela, ce statut comporte des avantages, comme le fait de choisir son régime fiscal ou son statut social, mais aussi des inconvénients, comme de ne pas cotiser pour avoir droit au chômage ou à une retraite comme n’importe quel salarié. Une micro-entreprise ne peut avoir de salarié et nécessite de ne pas dépasser un certain chiffre d’affaires, rappelle la Chambre de commerce et d’industrie. "En cas d'activité mixte (vente et prestations de services), le chiffre d'affaires global ne doit pas dépasser 176.200 euros, à l'intérieur duquel le chiffre d'affaires des prestations de services ne doit pas excéder 72.600 euros."

En 2009, année de la création du statut, on comptait 320.200 auto-entrepreneurs, toujours selon l’Insee. Après une période dormante de sept ans, le statut attire de nouveau depuis 2017. Cette année-là, 314.300 auto-entreprises avaient été créées en France. Aujourd’hui, c’est plus du double. Le nombre d'entreprises plus classiques, lui, est en légère hausse par rapport à l'an dernier mais stagne depuis 12 ans, comme on peut le voir sur le graphique de l'Insee ci-dessus.

Un risque de "paupérisation" du marché du travail ?

Concrètement, deux situations de micro-entreprises sont à distinguer : celle où une personne souhaite créer une entreprise, qui deviendra au fil des années une structure plus large, avec un chiffre d’affaires plus important, et qui changera donc de statut. Et puis celle, plus médiatisée, où une entreprise a recours à des micro-entrepreneurs et où il peut y avoir un risque de salariat déguisé : c’est le cas, par exemple, de certains chauffeurs VTC. Sur son site, l’Urssaf prévient d'une forme de "dissimulation d’emploi salarié" quand "les personnes employées fournissent un travail à un donneur d'ordre, dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; et que le donneur d'ordre a volontairement pu échapper à ses obligations d’employeur par ce moyen".

Pas salariés mais pouvant être subordonnés à "un donneur d’ordre", certains micro-entrepreneurs seraient aussi plus précaires. C’est ce que constate l’Insee, dans une autre enquête publiée le 5 janvier sur les salaires des indépendants en 2019, dont 24% étaient micro-entrepreneurs. Cette année-là, 35% des indépendants de moins de 30 ans touchaient de "faibles revenus d’activité" et 48% détenaient ce statut. D’après l’Insee, "sous ce statut, quel que soit leur secteur d’activité et leur quotité de travail, leurs revenus sont limités par les plafonds sur les chiffres d’affaires réalisés". Ainsi, 32% d’entre eux étaient "le plus souvent artisans, catégorie qui inclut notamment les livreurs à domicile ou les chauffeurs de VTC", 22% avaient "une profession intermédiaire en dehors de la santé et du travail social", quand 20% étaient "commerçants".

Interrogé sur ce risque de paupérisation du marché du travail, Bercy estime qu’"il ne faut pas voir derrière ce chiffre une précarisation de la société" : "Ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de micro-entreprises que cela veut dire précarité. Peut-être que des gens travaillent sur des plateformes mais beaucoup d’entre eux sont heureux d’y travailler". D’après le cabinet de Bruno Le Maire, l’emploi salarié se porte d’ailleurs bien en France, avec "540.000 emplois créés dans le secteur privé".

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Caroline QUEVRAIN

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