Camions bloqués et achats "panique" : au Royaume-Uni, le virus "mutant" donne un avant-goût de Brexit

par Cédric INGRAND
Publié le 21 décembre 2020 à 17h31, mis à jour le 22 décembre 2020 à 8h16

Source : JT 13h Semaine

SHUTDOWN - Outre la fermeture des liaisons aériennes avec l'Europe et au-delà, l'arrêt brutal du trafic trans-Manche vient compliquer plus encore le Noël des Britanniques. Et fait craindre une situation critique à l'approche du Brexit.

C'est un Noël réduit à la portion congrue qui se prépare au Royaume-Uni. Après le reconfinement express de pans entiers du pays, annoncé samedi par le Premier ministre Boris Johnson, c'est la suspension des liaisons depuis (et parfois vers) la Grande-Bretagne qui vient remettre en question les approvisionnements de la population pour les fêtes. 

Une crise qui vient s'ajouter à deux autres : celles des effets - sanitaires et économiques - immédiats de la pandémie de Covid-19, mais aussi un Brexit devenu feuilleton national au moment où les Britanniques disent majoritairement qu'ils ne revoteraient pas pour le Leave en cas de nouveau référendum. D'autant plus que nul ne sait combien de temps dureront les nouvelles restrictions sur les échanges avec le continent.

Depuis dimanche soir, la noria des poids-lourds qui traversent le Channel est presque à l'arrêt, là où, en temps normal, ce sont chaque jour 10.000 camions qui passent par le port de Douvres ou par le terminal Eurotunnel de Folkestone, dans un sens ou dans l'autre, charriant 20% des échanges de marchandises avec le reste du monde. 

Première conséquence, la plus visible : des embouteillages monstres, jusqu'à des dizaines de kilomètres de Douvres, de quoi engorger les routes du Kent déjà encombrées depuis plusieurs semaines. Dans le courant du week-end, le gouvernement a d'ailleurs fait fermer l'aéroport régional de Manston, pour permettre à ses pistes de devenir un gigantesque parking pouvant depuis ce lundi accueillir près de 4000 poids-lourds. Une option qui, jusque-là, n'était retenue que dans les scénarios les plus pessimistes de l'après-Brexit. 

Face à des "achats paniques", la crainte d'une pénurie

L'autre conséquence, c'est une rupture dans la chaîne d'approvisionnement de produits frais, et donc sensibles, à quelques jours de Noël. Si, sur le papier, seules la sortie du pays est interdite et si la traversée vers l'Angleterre reste possible, nombre de compagnies de transports refusent désormais de prendre la route vers le Royaume-Uni, ne sachant combien de temps leurs camions pourraient rester bloqués sur place. 

En fait, tout dépend aujourd'hui du temps que durera la crise. Selon le British Retail Consortium (BRC), organisme fédérant des entreprises du commerce de détail, les "problèmes immédiats" d'approvisionnement devraient être évités, compte tenu des stocks faits par les commerçants à l'approche de Noël. Une affirmation qui commence à prendre l'eau : à Londres, les chaînes d'information montraient ce matin des files d'attente se former devant certains supermarchés. Des "achats panique" que le gouvernement voudrait pouvoir décourager. 

Des enseignes comme Sainsbury's avertissent pourtant leurs clients : "Si rien ne change, nous manquerons dans les prochains jours de laitues, chou-fleurs, brocollis, et d'agrumes, tous ces produits étant importés du continent." 

Repousser le Brexit à plus tard ?

Au-delà des répercussions de la crise sur des fêtes de Noël déjà largement remises en cause par la crise sanitaire, c'est la perspective du Brexit, qui entrera en vigueur dans une dizaine de jours - mais dans quelles conditions - qui inquiète désormais. Alors que le Royaume-Uni et l'UE n'ont toujours pas réussi à trouver d'accord commercial pour encadrer leurs relations commerciales après le 31 décembre, le spectre d'une crise profonde des approvisionnements pousse certains à réclamer une extension de la période de transition en cours depuis le début de l'année. 

C'est le cas de Nicola Sturgeon, la First Minister écossaise, pour qui il serait "déraisonnable" d'additionner les effets des deux crises entre elles.

Dans une interview à la radio ce lundi, le ministre britannique des transports Grant Shapps se voulait néanmoins rassurant, promettant que la France "avait tout autant que le Royaume-Uni intérêt à rouvrir les échanges trans-Manche". Il a surtout réaffirmé que les blocages de ces derniers jours n'auraient pas d'impact sur l'importation des doses du vaccin anti-Covid de Pfizer, produit en Belgique. 

En cas de besoin, le gouvernement aurait déjà décidé de faire appel à des avions de la Royal Air Force pour aller chercher le précieux cargo à Bruxelles. À ce jour, le pays aurait déjà vacciné un demi-million de ses administrés.

Malgré les assurances du gouvernement, les marchés financiers ont accueilli avec inquiétude les nouvelles restrictions du trafic trans-Manche, la Livre passant ce matin sous la barre des 1,10 euros. Le ministre français des Transports Jean-Baptiste Djebarri devait s'entretenir ce matin avec son homologue anglais. Boris Johnson devait, lui, tenir une réunion de crise à Downing Street dans l'après-midi.


Cédric INGRAND

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