Pour rebondir, Michelin va s'éloigner du pneumatique

par Cédric INGRAND
Publié le 6 janvier 2021 à 17h41
Le prototype Michelin d'un ensemble pneu-jante imprimés en 3D
Le prototype Michelin d'un ensemble pneu-jante imprimés en 3D - Source : AFP

DIVERSIFICATION - Face à un marché automobile difficile et à la rude concurrence sur les pneus low-cost, Michelin projette ses savoir-faire tous azimuts, de l'impression 3D aux piles à combustibles. Objectif : faire à terme un tiers de son activité hors du pneu.

Ce n'est qu'un prototype, qui ne devrait pas aboutir à un produit final avant 2050, mais il siège pourtant de manière très visible au QG de l'entreprise. Ni œuvre d'art ni simple concept, ce pneu imprimé en 3D est bien un vrai projet, mais qui pour l'instant a d'autres vertus. Ce pneu sans chambre à air pourra être produit à la demande, il sera connecté, et entièrement recyclable. 

Une façon pour Michelin d'expliquer par l'image comment son avenir va se conjuguer hors du seul pneumatique, ou d'une manière différente, et comment son salut économique repose désormais sur des innovations, et pas simplement sur des gammes de pneus resserrées sur le poids-lourd, l'aviation, et l'automobile premium.

Si la marque au bibendum est aujourd'hui numéro un mondial du pneu, côté économique, son modèle souffre, face à une concurrence low-cost, pour l'essentiel asiatique - dont la part de marché est passée en quelques années seulement de 5 à 30%. 

De quoi contraindre Michelin à fermer une dizaine de ses unités de production en Europe, dont trois en France. Une activité pour laquelle le Covid a remis toute perspective d'embellie à plus tard : sur les dix premiers mois de l'année, la production d'automobiles en France a chuté de 43%. C'est à ces perspectives que doit répondre le plan stratégique de l'entreprise dévoilé en ce début d'année. Un plan qui repose en bonne partie sur la diversification des activités de Michelin.

À vrai dire, la diversification de Michelin n'est pas une entière nouveauté : en 2014 par exemple, l'entreprise avait racheté le brésilien Sascar, une opération d'un demi-milliard d'euros, pour s'offrir une société bien loin de l'industrie. Sascar est en effet un éditeur de logiciels et de services en ligne de gestion de flottes de poids lourds. Une manière pour Michelin de rester connecté à ceux qui comptent parmi ses plus gros clients, mais aussi de pouvoir observer comment ses pneus sont utilisés, pour anticiper les besoins de ce marché. Depuis, Michelin a développé nombre de nouveaux services, autour de la maintenance connectée, pour les transports, l'industrie, et l'agriculture.

Du caoutchouc à l'hydrogène, de l'innovation qui tourne rond

Autre acquisition, plus récente, le britannique Fenner acheté en 2018, un spécialiste des polymères, ces plastiques utilisés dans toutes sortes d'applications et de métiers, de l'industrie à la médecine. Les polymères, des dérivés... du caoutchouc. La diversification chez Michelin se fait par capillarité, en allant gagner des activités conjointes, des marchés connexes, qui peuvent aussi nourrir le premier métier du groupe. Une méthode qui, là aussi, revient aux fondamentaux de l'entreprise : à l'origine, le Guide Michelin lancé en 1900 était censé motiver les possesseurs d'automobiles à parcourir les routes de France et ses bonnes tables... et à user un peu plus leurs pneus au passage.

Des pneus qui profiteront aussi d'innovation développées autour des matériaux, dans le caoutchouc et au-delà, au travers de projets et de produits autour des matériaux biosourcés, de l'impression en 3D, et du recyclage. Dernière piste de développement poursuivie aujourd'hui : se faire une place dans la filière hydrogène, au moment où l'exécutif a annoncé un plan de développement en ce sens. À côté de son siège de Clermont, Michelin va ainsi faire sortir de terre une usine dédiée à la production de piles à combustible, ce procédé qui transforme l'hydrogène en électricité, et ne rejette que de la vapeur d'eau. Une activité à valeur ajoutée pour les secteurs que vise le plan du gouvernement, dans les transports en commun et le fret.

Le défi du monde d’après Covid chez MichelinSource : Sept à huit life
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Toutes activités confondues, le groupe investit chaque année 700 millions d'euros dans la recherche et le développement. Une part de son chiffre d'affaires appelée à grandir, qui aboutit au dépôt de 300 brevets par an. Des chiffres appelés eux aussi à grandir. "Ces leçons ne sont pas des solutions miracle, mais des pistes qui nous offrent des perspectives réalistes et positives pour relever le vrai défi qui nous attend, celui d'un redémarrage économique qui ne doit laisser personne au bord du chemin", expliquait le nouveau patron de l'entreprise Florent Ménegaux, lors de sa dernière assemblée générale. 

Dans sa feuille de route dévoilée depuis, Michelin projette d'ici 2030 un chiffre d'affaires qui ne reposerait plus qu'à 70% sur son métier historique... à condition qu'il arrive à résister dans ces proportions à une concurrence accrue et aux changements d'habitudes de nos mobilités. En ce sens, la main levée du bibendum Michelin ressemble aussi un peu à un au-revoir.


Cédric INGRAND

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