Hausse des prix du gaz et de l'électricité : deux milliards d'euros en plus pour l'État ?

Publié le 6 octobre 2021 à 20h11
Hausse des prix du gaz et de l'électricité : deux milliards d'euros en plus pour l'État ?
Source : iStock

JACKPOT ? - Xavier Bertrand a accusé lundi le gouvernement d'avoir gagné "environ deux milliards d'euros" via la TVA grâce à la hausse des prix du gaz et de l'électricité. Qu'en est-il réellement ?

Le malheur des uns fait-il le bonheur des caisses de l'État ? C'est ce qu'a sous-entendu Xavier Bertrand ce lundi 4 octobre. Interrogé sur France info, le candidat à l'élection présidentielle a accusé le gouvernement de jouer la fausse générosité. Et l'a même appelé avec fermeté à "rendre l'argent" lié selon lui à la hausse des prix du gaz et de l'électricité. 

"Toutes les augmentations de l'électricité et du gaz ont provoqué l'augmentation des taxes, c'est-à-dire ce qui rentre dans les poches de l'État", a souligné le président des Hauts-de-France. Selon lui, le gouvernement recevrait "environ deux milliards d'euros de taxes supplémentaires" via cette hausse des prix, et ne devrait donc pas faire "semblant d'être généreux en ne remboursant que 580 millions d'euros avec le chèque énergie".

"Il y en a marre de leur com'", a ensuite fustigé Xavier Bertrand, ajoutant à son argumentaire cette sentence : "Les caisses de l'État se remplissent parce que le porte-monnaie des Français se vident." Si l'illustration est bien trouvée, elle est loin d'être vraie pour autant. 

Environ 800 millions d'euros liés à l'augmentation des prix

Pour reproduire ce calcul, il faut estimer la somme des entrées hypothétiques de l'année 2021 via la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s'il n'y avait pas eu de telles explosions des prix. On applique ensuite à cette moyenne les augmentations liées au gaz et à l'électricité. 

 

Prenons le gaz. Les particuliers payaient en janvier 0,0760 euro le kWH. Et en un an, ils utilisent environ 140.000 KwH, selon les données de l'Insee pour l'année 2019. Rapportée aux tarifs de janvier 2021, cette consommation aurait donc coûté 10,640 milliards d'euros sur l'année. Pour combien de TVA ? En moyenne, cette taxe représente environ 15% de la facture annuelle de gaz naturel, relève l'Agence France électricité

Or, 15% du total des recettes du gaz, cela fait 1,6 milliard d'euros de TVA qui auraient dont dû finir dans les caisses de l'État. Avec des prix de vente de gaz naturel qui ont augmenté de 47% d'après le groupe Engie - passant de 0,0760 euro par kWh au 1er janvier 2021 à 0,1121 au 1er octobre -, cela donne un excédent de 752 millions d'euros liés à la TVA

Seulement, cette évolution s'est faite de manière continue, tout au long de l'année 2021. Ces calculs sont donc pour le moins biaisés. Du côté du gouvernement, voilà pourquoi on estime plutôt que les recettes liées à l'augmentation du gaz seront de l'ordre de 600 à 620 millions d'euros, d'après nos informations. 

DÉCRYPTAGE - Prix de l'énergie : ce qu'il faut comprendre aux mesures annoncéesSource : JT 13h Semaine

Quant à l'électricité, les excédents sont bien moins importants. Le tarif de référence en France est celui proposé par EDF. En option Base, pour un compteur de 9 kVa, le prix au 1er janvier 2021 était de 0,1605 euro par kWh. Et en tout, la consommation finale énergétique d'électricité du pays était de 170.000 KwH en 2019, selon les derniers chiffres de l'entreprise.

L'ensemble des résidents français aurait ainsi dû payer environ 27,285 milliards d'euros en 2021, et permettre au gouvernement d'empocher 4 milliards d'euros via la TVA. Quid des bénéfices avec l'augmentation des prix ? Ici, l'évolution est très faible, car les tarifs de vente de l'électricité sont réglementés et uniquement révisés deux fois par an. D'après les précisions de la commission de régulation de l'énergie (CRE), cette hausse était de 1,6% pour les particuliers en février, suivie de 0,48 % en août. "Soit 2,1% qui correspondent à l'inflation", nous précise-t-on. Ces nouveaux prix permettront de récolter 81 millions d'euros en plus.

 

Au total, la flambée des prix aura donc plutôt permis à Bercy de percevoir entre et 700 et 800 millions d'euros de plus, bien en deçà des deux milliards annoncés par Xavier Bertrand. 

Des indicateurs trompeurs

Comment comprendre une telle différence ? Contactée par nos soins, l'équipe du candidat à l'élection présidentielle explique tout d'abord avoir évalué 200 millions d'euros de recettes en plus sur l'électricité. Pour ce faire, elle a pris en compte non pas l'augmentation réelle des prix - à 2,1% - mais celle à venir, soit "6% en intégrant les 4% prévus en janvier 2022". Une méthode trompeuse. Ces bénéfices supplémentaires - si cette hausse entre en vigueur - seront alors des gains pour l'État à la fin de l'année 2022, et non pas dès cet hiver. 

 

Reste que, même en utilisant cette technique, il manque encore un bon demi milliard pour atteindre le montant donné par Xavier Bertrand. Et cette fois-ci, son équipe nous explique avoir pris en compte aussi la TVA perçue… sur les carburants automobiles ! Problème : Xavier Bertrand n'a jamais évoqué cette énergie lors de son intervention sur France info. Et pour cause, ni l'essence ni le gazole ne sont concernés par les chèques énergie. Ceux-ci permettent uniquement de payer la facture auprès d'un fournisseur, les charges d'énergie incluses dans une redevance ou certaines dépenses liées à la rénovation énergétique d'un logement. En aucun cas il ne s'agit d'aides à la pompe, qui sont généralement gérées par les entreprises ou bien via l'aide à la mobilité pour les personnes sans emploi. 

Ceci dit, on pourrait effectivement ajouter la TVA liée au fioul, qui fait bien partie des énergies couvertes par le chèque énergie. Le prix au litre est passé de 0,7819 euro à 0,9135 selon les données du ministère de l'Environnement. Soit une hausse des tarifs de 16,8% pour un produit dont on consomme environ 5,4 millions de tonnes par an, d'après l'Insee. Avec une TVA annuelle de 20%, le gouvernement pourrait donc récolter 167 millions d'euros en plus "grâce" à la hausse des prix. 

Pas de quoi atteindre les deux milliards d'euros potentiellement "remboursables" aux Français via le chèque énergie comme le laisse penser Xavier Bertrand. D'autant plus qu'il est bon de rappeler qu'une TVA encaissée en plus sur l'énergie, c'est une TVA en moins dans d'autres secteurs. Pas de quoi réjouir les caisses de l'État.

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Felicia SIDERIS

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