Si on ne peut pas recycler tout le plastique, comment s'en passer ?

par Matthieu JUBLIN
Publié le 8 août 2018 à 8h50, mis à jour le 7 juin 2019 à 8h51
Si on ne peut pas recycler tout le plastique, comment s'en passer ?
Source : CHARLY TRIBALLEAU / AFP

ALTERNATIVE - Emmanuel Macron et le gouvernement ont affiché leur ambition de recycler 100% des plastiques d'ici 2025, mais l'objectif est inatteignable, selon les connaisseurs du secteur. En août 2018, deux expertes ont expliqué à LCI quelles peuvent être les pistes alternatives pour consommer moins de plastique.

Contre la prolifération des déchets plastiques dans l'environnement, Emmanuel Macron et le gouvernement ont fait le choix de promouvoir le recyclage. Début mai, le président a réaffirmé son objectif de recycler tous les plastiques d'ici 2025. En août 2018, la secrétaire d'État à la Transition écologique Brune Poirson avait déjà annoncé des mesures dans ce sens : un système de "bonus-malus" sur les bouteilles en plastique permettant de taxer celle qui ne sont pas recyclées, une uniformisation des couleurs des poubelles, un abaissement de la taxe des communes sur les produits recyclés, ou incitation aux industriels à utiliser plus de matières recyclées... 

Pour de nombreux experts, l'exécutif se trompe d'objectif. Comme l'explique Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'INRA, dans The Conversation, les contraintes physiques et logistiques empêchent de recycler tout le plastique : "Si le tri de nos déchets reste un geste précieux, ne nous laissons pas aveugler par le mirage du tout-recyclage, qui ne peut résoudre à lui seul le gros problème de gestion post-usage des déchets plastiques."

Si le recyclage du plastique est un mirage, comment s'en passer ? Pour le savoir, LCI a contacté Nathalie Gontard, ainsi qu'Élodie Fradet, consultante en développement durable auprès du cabinet AEFEL, afin d'identifier des propositions concrètes permettant de baisser la consommation de plastique. Si la solution miracle n'existe pas, voici trois pistes.

Changer les habitudes des consommateurs

"Le coût de fabrication du plastique est très faible, donc nous avons l'habitude d'en consommer sans que ça ne nous coûte rien", explique la chercheuse pour qui il est désormais nécessaire de se poser la question à chaque achat : "est-ce que le plastique utilisé dans ce produit est utile ?" Et de prendre pour exemple "les légumes bio vendus sous emballage plastique individuel". Parmi les initiatives vertueuses, Nathalie Gontard évoque le développement des consignes, notamment les bouteilles en verre.

Une pratique aussi défendue par Élodie Fradet, consultante en développement durable auprès du cabinet AEFEL (Agir ensemble pour une faible empreinte écologique), qui voit dans la consigne "une pratique à laquelle le public s'attache". Et de citer l'exemple des "brasseurs artisanaux". Dans la même veine, la consultante loue les vertus de la vente en vrac, "adoptée progressivement sous la pression des citoyens".

Éco-emballages : un acteur connu mais trop frileux ?

Du côté des producteurs de plastiques, Élodie Fradet estime qu'il serait possible de s'appuyer sur les dispositifs de "responsabilité élargie du producteur" (REP), qui consistent à confier la gestion des déchets aux entreprises qui les produisent. Concernant les emballages ménagers, ce mécanisme passe en France par une société à but non-lucratif au nom désormais connu : Éco-emballages (et son logo aux deux flèches vertes). Concrètement,  Éco-emballages récolte les contributions d'entreprises qui produisent des emballages, notamment en plastique, afin de financer les acteurs de collecte, de tri et de recyclage.

Pourtant, l'association Zero waste France dénonce "la frilosité d’Eco-emballages vis-à-vis de solutions permettant de se passer des emballages jetables (comme la vente en vrac, ou la consigne)". Une frilosité qui s'expliquerait par le fait qu'Éco-emballages est possédé par les mêmes entreprises qui produisent ces emballages "qui servent de support publicitaire et marketing pour les marques". 

Taxer les plastiques qui viennent d'être fabriqués

Peu importe les solutions retenues, il n'y a pas, selon Nathalie Gontard, de matériau magique qui permettrait de remplacer le plastique et tous ses avantages (coût de production, sécurité alimentaire, légèreté, etc). La scientifique cite en exemple le PHA (pour polyhydroxyalcanoate), un type de polyester biodégradable, qui est actuellement trop coûteux à produire. "Le recyclage reste utile pour les bouteilles en PET (polytéréphtalate d'éthylène, utilisé pour la plupart des bouteilles, ndlr) car ce matériau est difficilement remplaçable", ajoute-t-elle.

Toujours afin d'agir du côté des producteurs, elle estime qu'une taxation est possible, mais pas celle proposée par Brune Poirson. "Ce n'est pas une bonne piste car ça revient à dire que le recyclage est une solution miracle", argue-t-elle, estimant qu'une taxation du plastique vierge, c'est-à-dire qui vient d'être fabriqué à partir de pétrole, serait plus efficace. Le tout en aidant la filière plastique à se reconvertir.


Matthieu JUBLIN

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