Mort de Liliane Bettencourt : une vie discrète au service de L’Oréal pour la femme la plus riche du monde

par Mélinda DAVAN-SOULAS
Publié le 21 septembre 2017 à 20h22, mis à jour le 21 septembre 2017 à 22h05
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Source : Sujet JT LCI

PORTRAIT – Femme la plus riche du monde, Liliane Bettencourt s’est éteinte jeudi à l’âge de 94 ans. Si son nom résonne dans les oreilles de beaucoup, elle n’a pourtant jamais aimé le devant de la scène, préférant se consacrer au devenir de l’entreprise familiale L’Oréal. Une mission dont elle ne se délestera jamais, contre vents et marées.

D’elle, il ne restera certainement dans les mémoires que l’affaire qui porte son nom. Un mélo médiatique au long cours mêlant politique, économique, teinté de drame familial et de relations étranges. Liliane Bettencourt s’est  éteinte paisiblement à son domicile parisien, dans la nuit de mercredi à jeudi, à un mois de ses 95 ans. Point final d'une vie faite de travail, de faste, de mondanités mais aussi d'affaires judiciaires et de tourments familiaux. 

Femme la plus riche du monde selon le dernier classement Forbes, Liliane Henriette Charlotte Betsy Quenoa Schueller est née le 21 octobre 1922 à Paris. Fille du fondateur de L’Oréal, Eugène Schueller, elle perd très jeune sa mère et est envoyée par son père chez les Dominicaines à Lyon, dans ses premières années, avant de revenir dans la capitale. Elevée dans le très chic 16e arrondissement, elle côtoie les intellectuels et scientifiques de l’époque (Frédéric et Irène Joliot-Curie, Jean Perrin, le neurobiologiste Louis Lapicque, l’historien Charles Seignobos…),  qui se retrouvent tous dans le pied-à-terre de l'Arcouest (Bretagne). Liliane est une jeune fille timide, qui aime par-dessus tout lire et jouer du piano.

Revivez l'interview de Liliane Bettencourt par Claire Chazal en 2010Source : Sujet JT LCI
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André Bettencourt, le choix du père

Dans les années 1930, l’entreprise familiale est en plein essor grâce aux teintures lancées par le chimiste, mais aussi les shampoings Dop et produits Ambre solaire. Son père Eugène Schueller fréquente les réunions d’un groupe d’extrême droite très actif baptisé La Cagoule, une "organisation secrète d’action révolutionnaire nationale", comme elle se nomme à l’origine. Il y côtoie François Mitterrand ou encore André Bettencourt. Issu de la bourgeoisie catholique normande, ce dernier, journaliste, est un véritable soutien pour Eugène. Notamment lorsque celui-ci sera accusé d'avoir aidé le régime de Vichy durant la Seconde Guerre et d’avoir financé La Cagoule au début du conflit ainsi que le Mouvement social révolutionnaire. 

SIPA

En remerciement, Eugène lui accorde la main de sa fille Liliane et les deux jeunes gens se marient le 8 juin 1950. "Le mariage me faisait une peur épouvantable. Je déteste les conventions du mariage, les ‘tu promets’, ces phrases qui vous lient et qui vous enferment dans un rôle," expliquera-t-elle plus tard. De leur union, naîtra une seule fille, Françoise. Entrée comme stagiaire en 1937, passée par des usines pour travailler à la chaîne au conditionnement, Liliane Bettencourt hérite de l’entreprise au décès de son père en 1957. Elle en prend les commandes et en devient première actionnaire, la figure de proue. Soudainement, elle passe de femme de journaliste et homme politique en devenir (conseiller général de Seine-Maritime, président du Conseil régional de Haute-Normandie, maire, sénateur, futur ministre, etc.) à femme d’affaires scrutée de près. Elle aime les voyages, les soirées et les réceptions, mais toujours pas s’exprimer en public. C’est le rôle d’André plus volubile.

Dépositaire de l’œuvre de son père, Liliane veut en garder l’esprit et la ligne de conduite, notamment dans sa relation à ses employés. La nouvelle patronne du groupe va aussi faire passer l’entreprise dans une nouvelle dimension. L’Oréal entre en bourse en 1963 et accepte, en 1974, de faire du groupe suisse Nestlé son deuxième actionnaire. La multinationale devient ainsi l’une des entreprises les plus fleurissantes du monde. Elle en a confié les clés à son époux jusqu’à la mort de celui-ci en 2007, puis à son gendre Jean-Pierre Meyers. Tous deux donneront également naissance à la Fondation Bettencourt Schueller, qui soutient la recherche médicale, la culture et l'humanitaire.

D’affaires en drames familiaux

Mais les dernières années de sa vie seront aussi marquées par de nombreuses affaires judiciaires et tourments familiaux avec sa fille, qui la propulsent sur le devant de la scène où elle n’aime pas se trouver. Françoise porte plainte en 2008 contre le photographe François-Marie Banier pour abus de faiblesse. Ami proche de sa mère, elle le soupçonne de profiter des largesses financières de cette dernière, qui en avait même fait son légataire universel avant de se rétracter. Banier aurait ainsi bénéficié de plus d’un milliard d’euros de cadeaux et chèques. Deux ans de drame et de déchirements entre la mère et la fille qui se soldent par des réconciliations officielles fin 2010. Mais aussi par une demande de mise sous tutelle, qui sera accordée à Françoise Bettencourt Meyers en 2011, alors que sa mère est progressivement affaiblie par la maladie d'Alzheimer.

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L’autre affaire qui secoue le milieu politico-médiatique concerne l’élection présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. La justice accuse la milliardaire et l’ancien ministre des Finances, Eric Woerth, d’avoir organisé le financement illégal de la campagne du candidat de l’UMP. Un procès rocambolesque aux protagonistes de renom et la une de tous les journaux, au grand dam de l'intéressée. Deux affaires qui se déroulent aussi sur fond d'inquiétude : le devenir de l'entreprise la plus célèbre de France, qui reste finalement dans le giron familial.

A la fin de sa vie, Liliane Bettencourt était à la tête d’une fortune estimée à 40 milliards de dollars par le magazine Forbes, faisant d’elle la femme la plus riche du monde et la 14e fortune. Un siège qu’elle occupait depuis 2013. Tout en discrétion.


Mélinda DAVAN-SOULAS

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