Taxe d'habitation supprimée : mais comment le gouvernement va-t-il compenser ?

par Antoine RONDEL
Publié le 12 janvier 2018 à 16h30, mis à jour le 12 janvier 2018 à 19h04

Source : JT 20h WE

C'EST QUOI LE PLAN ? - Alors qu'une interview de Jacqueline Gourault laissait entendre qu'un impôt pourrait compenser la perte de recettes liées à la fin de la taxe d'habitation, le gouvernement a assuré qu'"aucun impôt" ne serait créé pour ce faire. Mais alors, quelles pistes sont privilégiées ?

D'un côté, une taxe d'habitation dont la suppression sera "compensée à l'euro près", suivant l'engagement du candidat et du Président Macron. De l'autre, l'assurance, formulée par son ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, vendredi 12 janvier, 

qu'il n'y aurait "aucun nouvel impôt dans le quinquennat". Au milieu, une interrogation : comment les collectivités territoriales, dont un gros tiers du budget de fonctionnement s'appuie sur ce prélèvement, vont-elles être indemnisées ?

L'impair de Jacqueline Gourault

"Il est vital pour les Français, mais aussi pour nos partenaires étrangers, qu'ils sachent la direction qui est la nôtre. Notre direction, c'est celle de la baisse des impôts", a répété Bruno Le Maire sur BFM ce vendredi (à partir de 11'40). Mise au point utile, alors que, la veille, sa collègue au gouvernement Jacqueline Gourault avait, sur LCP, envisagé la possibilité de "garder" une taxe d'habitation, repensée après révision des "valeurs cadastrales", ces barèmes qui permettent son calcul et qui n'ont pas bougé "depuis 1970". 

Mais aussi évoqué sa préférence pour "un impôt en lien avec le territoire et les citoyens", faisant frémir les opposants au gouvernement qui voyaient là une reculade du gouvernement. La secrétaire d'Etat auprès de Gérard Collomb a ensuite pris la plume pour éteindre l'incendie, depuis son compte Twitter :

Côté gouvernement, on s'est refusé à parler de "couac" (Griveaux) et estimé que Jacqueline Gourault avait "été mal comprise" (Le Maire).

Ni CSG, ni piste privilégiée

Fin du débat ? Non. Car on ne sait toujours pas comment sera compensée la suppression de la taxe d'habitation (pour 80% des Français d'ici 2020, pour l'ensemble "au plus tôt" selon Bruno Le Maire, ndlr) argument massue de la majorité pour augmenter le pouvoir d'achat : "On ne prend pas dans la poche des Français ce qu'on vient de leur redonner d'une autre main", rassure Bruno Le Maire. Alors, comment s'y prendre ? Le ministre détaille : "Les 80% de départ sont financés sur le budget de l'Etat, qui compensent à l'euro près aux collectivités locales la perte de recettes fiscales. Pas de nouvel impôt, pas de nouvelle taxe." En détail, il se pourrait, rapportait Le Monde en novembre, que le gouvernement se prive d'une part des recettes de l'impôt sur le revenu... ou bien, notait Alain Richard, sénateur LREM en charge d'un rapport sur cette question à venir au mois d'avril, mette à contribution les recettes que l'Etat perçoit grâce à la CSG ou la CRDS. 

Alain Richard se montre pour le moins réservé sur cette possibilité : "J'avais avancé cette hypothèse, comme le Président Macron d'ailleurs, mais je ne le referai pas", convient-il auprès de LCI. Pourquoi ? "J'étais dans le coup, en 1990 ou 1991, pour mettre en place la CSG. Et nous n'avions qu'une trouille noire, c'est qu'elle soit retoquée par le Conseil constitutionnel. Elle était finalement passée, mais on nous avait dit que ça n'avait collé que parce qu'elle finançait la protection sociale". Alors que le gouvernement a supprimé des cotisations salariales, la protection sociale a donc besoin de la CSG. De plus, la réaffecter, comme y songe Bruno Le Maire, au financement des 8,5 milliards correspondant à la perte des 20% restants de la taxe d'habitation, ferait encourir au gouvernement le risque d'un retoquage.

Un rapport attendu en avril

Quelle autre piste pourrait alors être privilégiée ? "C'est bien simple, il n'y en a aucune", résume le sénateur du Val d'Oise. "On ouvre toutes les hypothèses. On doit voir encore pas mal de monde, on avance des possibilités, qu'on testera, parce que ce n'est pas la peine de 'balancer' des pistes qui seront écartées par la suite." Sur la table de cette mission, qui doit rendre son rapport en avril prochain, figure tout de même la possibilité de tranférer une partie des recettes de la TVA, de taxes environnementales ou de l'impôt sur le revenu. Sans passer par une augmentation, donc.

Une autre piste conduirait à la création d'un nouvel impôt local. Emise sur LCP par Jacqueline Gourault, elle a les faveurs de l'Association des maires de France, vent debout contre la suppression de la taxe d'habitation, mais pas de la majorité. "Ça paraîtrait loufoque d'aller chercher un nouvel impôt après avoir supprimé la taxe d'habitation", juge Alain Richard. Sans parler du risque politique qui irait avec. Autant dire que le rapport de l'ancien ministre, qui ne néglige pas la possibilité qu'un surplus de croissance, ajouté à "un peu plus de rigueur budgétaire", allège la facture, est très attendu.


Antoine RONDEL

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