Cinq questions pas si bêtes sur l’uniforme à l'école

Publié le 5 novembre 2018 à 18h05, mis à jour le 30 novembre 2018 à 18h11
Cinq questions pas si bêtes sur l’uniforme à l'école

BLOUSE - Faut-il instaurer des uniformes à l’école ? Les camps s’affrontent, et la question refait surface alors que les écoles de Provins sautent le pas ce lundi à l'occasion de la rentrée des vacances de la Toussaint.

L’uniforme à l’école, mâtiné de "c'était mieux avant"... n'est pas un débat récent. Loin s'en faut. La décision des écoles publiques de Provins le remet une nouvelle fois dans l'actualité. Après qu'une majorité de parents d'élèves des écoles élémentaires s'était prononcée en faveur de son port lors d'une consultation organisée par le maire LR de la ville, la mesure entre en vigueur ce lundi, de façon non contraignante, pour le retour des vacances de la Toussaint. 

L'uniforme, outil de libération ?

Depuis toujours, deux camps s’affrontent, et ne sont pas prêts de s’entendre. Les pour et les contre développent plusieurs grands axes de réflexion.

Du côté des pro-uniformes : d’un point de vue laïc, le port de l’uniforme permettrait de masquer les signes vestimentaires d'appartenance religieuse. L’uniforme permettrait aussi, en gommant les différences de classe, de mieux s’intégrer, en n'ayant plus la pression des vêtements ou des marques portées. Porter un uniforme aux couleurs d’un établissement renforcerait par ailleurs l’unité des élèves, créerait un sentiment d’appartenance... en faisant des élèves des ambassadeurs de l’école à l’extérieur. Ce qui aurait aussi une influence directe sur le comportement des enfants : cette tenue stricte les inciterait à mieux se comporter. Des proviseurs voient également cette tenue comme un "signal" envoyé à des parents qui seraient demandeurs de plus en plus de discipline, une demande qui émanerait beaucoup des familles issues des quartiers populaires.

Ou de conformisme moutonnier ?

Pour les anti-uniformes, les arguments de la lutte contre les inégalités, l'intégration, ne tiennent pas, car l’uniforme serait particulièrement inefficace pour répondre à ces enjeux. Ils reprochent également à cette tenue uniformisée de trop rapprocher l’école du fonctionnement d’un corps militaire. Par ailleurs, imposer une tenue restreindrait l’expression de la personnalité, habituerait les jeunes à accepter un moule, serait vecteur du conformisme social, et ne préparerait pas les jeunes au monde extérieur, ni à l’acceptation de la différence.  Il est aussi reproché  à l'uniforme de coûter plus cher, argument démonté par les pro, d’être incommode ou encore, les garçons et filles ayant souvent des tenues différentes, de contribuer à la séparation des sexes dans la société. 

Un retour ou une percée de l'uniforme ?

Sur les réseaux, beaucoup d’internautes en appellent à l’Histoire : il ne faut pas parler du "retour du port de l’uniforme", car il n’a en fait jamais été obligatoire dans l'enseignement public et quand il y en avait, il s’agissait surtout d’ailleurs d’une simple blouse. Ces images d’un âge d’or de l’école, véhiculées par des clichés des « hussards noirs de la IIIe république », enseignant doctement la bonne parole à de sages petites têtes blondes,  n’auraient jamais existé ? "Il n’y a jamais eu de blouses obligatoire en France. C’est clair et net. Ce n’était pas une pratique généralisée et pas une obligation dans les écoles communale", rappelle l’historien Claude Lelièvre sur Slate.fr. Et cette tenue était utilisée surtout pour des raisons pratiques, et pas pour une volonté d’égalité comme affirmé aujourd’hui. "Les enfants portaient des blouses, pas tous la même, pour protéger les vêtements des tâches d’encre à des époques où le textile était très cher." Le déclin de la blouse aurait commencé avec l’arrivée du stylo bic à l’école, en 1965. 

L’uniforme était cependant plus courant dans les écoles privées. "L’uniforme était parfois aussi adopté par des établissements publics plus huppés et féminins, pour distinguer les élèves du reste de leur classe d’âge", estime encore l’historien. "Dans les années 1950, par exemple, les élèves se promenaient en ville, le jeudi, sous surveillance, et il s’agissait pour les établissements de se distinguer… "

Des uniformes uniquement dans le privé ?

Les  lycées militaires, qui sont six en France, imposent toujours le port d'un uniforme à leurs élèves (le Prytanée national militaire à la Flèche, Aix, Autun, St Cyr, lycée naval de Brest, les pupilles de l'air de Montbonnot Saint-Martin, dépendants de l'armée de Terre, de la Marine nationale ou de l'armée de l'Air). Certains établissements professionnels de l'hôtellerie imposent le port d'un costume et de la cravate pour les garçons. Les filles doivent aussi avoir une tenue classique et des collants de couleur chair si elles mettent une jupe. 

D'autres établissements s’y sont remis. Souvent des écoles huppées, qui veulent mettre en avant la notion d’excellence, de sens de l'effort et de respect de l'autorité. Depuis mars 2012, les élèves de l'internat d'excellence de Sourdun (Seine-et-Marne), établissement public, portent un uniforme, tout comme l'école de Tersac (privé), près de Bordeaux depuis 1996, ou encore celle de Sainte-Marie-des-Ursulines (privé) à Toulouse. D'autres établissements optent pour un dress code, comme l'école de Provence, à Marseille, qui interdit aux élèves de porter des vêtements de marque ou trop chers. A l’étranger, les lycées français de New York ou Churchill de Londres imposent aussi un "code vestimentaire" bien élaboré, dans le règlement interne.

Règlement intérieur lycée de New York

Dans quelques universités, la robe universitaire fait son retour dans des universités françaises, où des cérémonies de remises de diplômes se déroulent dorénavant en toge ou costume.  Plus qu'une américanisation des traditions, c'est en fait le retour à une coutume bien française, datant du Moyen-Âge, codifiée sous Napoléon, et... balayée par mai 68.

Un argument de droite ?

D'après les multiples sondages réalisés année après année sur le sujet, la mesure serait de plus en plus populaire, et dépasserait tous les clivages politique.

Sur le plan politique justement, la mesure est essentiellement portée par des personnalités de droite, mais quelques exceptions existent cependant à gauche (exemple, la sénatrice PS de Marseille Samia Ghali qui veut "renforcer l'autorité à l'école"). Parmi les récentes remises sur le tapis du sujet, en 2003, le ministre délégué à l'Enseignement scolaire Xavier Darcos suggère l'idée de créer un uniforme scolaire ; mais il est désavoué par son ministre de tutelle Luc Ferry. En 2013, à l’occasion du projet de loi sur la refondation de l’école, l'UMP Bernard Debré, avait glissé un amendement "proposant le port d’une tenue commune pour les élèves des établissements scolaires du premier et du second degré". En 2015, plusieurs députés de droite, dont les UMP Bernard Debré, Claude Guoasguen mais aussi Eric Ciotti, Guillaume Larrivé ou Nicolas Dupont-Aignan, déposent une proposition de loi visant à instaurer le port de l’uniforme à l’école. En 2016, le candidat LR à l'élection présidentielle François Fillon inscrit le port de l'uniforme dans son programme. 

Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer se veut, lui, dans un savant équilibre et vise à "dépassionner le sujet", en l'ancrant dans le "concret". Il s’est prononcé en faveur du port de l'uniforme dans les écoles "qui le souhaitent", estimant que face à l'importance de la mode et vêtements de marques que tous les jeunes ne peuvent pas se payer, l'uniforme "peut être une réponse, mais je n'en fais pas l'alpha et l'oméga d'une politique éducative", a répété Jean-Michel Blanquer, excluant une telle mesure au niveau national. "Dans certains cas, ça peut être utile mais ça ne peut marcher que s'il y a un certain consensus, ou une forte majorité, au niveau local".


La rédaction de TF1info

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