"Avant tout, je vous demande de vous écouter, de vous respecter. Et j’insiste : on ne parle ni de sa vie privée, ni de celle des autres." Ce début décembre, dans une salle d’un collège parisien, Marie, psychologue dans un planning familial, énonce quelques règles en introduction de son cours d’éducation à la sexualité. Assise en cercle à ses côtés, une petite quinzaine d’élèves de quatrième. Encore timides, ils l'écoutent attentivement et découvrent avec une pointe d’anxiété les sujets qu’elle va aborder avec eux dans l'heure qui suit.
Au mois de juillet dernier, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa avait annoncé l’envoi à tous les recteurs d’une circulaire leur demandant de mettre en œuvre la loi de 2001, peu appliquée, qui prévoit trois séances annuelles d’éducation à la sexualité de l’école primaire au lycée. Mais de nombreuses rumeurs et fausses informations avaient alors été relayées, affirmant notamment que ces cours seraient dispensés dès l’école maternelle, et qu’on y apprendrait à de jeunes enfants à se masturber ou encore qu'on leur présenterait différentes positions sexuelles.
"Le sexe, ce n'est pas de notre âge"
Auprès d’élèves de quatrième, 14 ans pour la plupart alors que l’âge du premier rapport sexuel est de 17 ans en France pour les filles comme pour les garçons, Marie n’a pas prévu d’aborder le sujet des rapports sexuels. D'ailleurs dans l'assistance, le sujet dégoûte encore. "C’est pas de notre âge. Des gens le font, mais c’est pas de notre âge", réagit une élève. "A cet âge-là c’est dégueulasse. T’es pas conscient, tu le fais en prenant des risques." D’autres ont pourtant bien compris qu’ils se trouvaient à la frontière, qu'ils sauteraient bientôt le pas. "Aujourd’hui, on dérape un peu", "t’as pas les mêmes envies qu’en primaire", "on sait où ça mène si tu te laisses faire", entend-on également.
C’est donc surtout ce nouveau rapport au corps, ces nouvelles émotions, l’attirance naissante que Marie veut aborder avec les adolescents. Comme à chacune de ses interventions elle vient sans notes, sans cours tout prêts. Elle se laisse guider par les élèves, improvise selon leurs envies, leurs questions, leurs remarques. Toutefois, un sujet lui tient à cœur : le consentement, primordial en amour et en sexualité. "C’est quoi être consentant ?" leur demande-t-elle. "Par exemple, si vous allez en soirée, qu’il y a beaucoup d’alcool, que vous avez un rapport sexuel avec une fille bourrée, qu’est-ce que c’est ?" Les élèves sont sûrs d’eux, ils ont déjà été sensibilisés au sujet, un an après MeToo : "Quand t’es bourré, t’as plus de notion des choses, donc la fille ne peut pas être consentante."
Quelques minutes plus tard, une jeune fille se laisse aller à cette affirmation, pleine de clichés sur l'amour et les relations femmes/hommes : "Je ne veux pas rester seule dans une pièce avec un garçon. Seuls dans un lieu clos, on est tentés. Si ça se trouve, le garçon a de mauvaises intentions. Eux, ils y pensent direct." Quelques garçons, outrés, lui assurent que tous ne sont pas comme ça. Sceptique, l'adolescente se tourne vers Marie : "Quand vous êtes dans votre chambre avec votre mari et que vous fermez la porte, il ne se passe rien ?" A la psychologue d'essayer de déconstruire cette croyance, lui expliquant que pour passer à l'acte, il faut que les deux partenaires soient d'accord, qu'ils en aient tous les deux envie. Elle doit aussi lui faire comprendre que sa parole compte, qu'elle doit être écoutée, qu'elle a le droit d'affirmer son refus de faire l'amour.
Tout au long de la discussion, plusieurs clichés ou opposition entre garçons et filles font surface. Alors qu’une jeune fille laisse entendre que les garçons ne veulent pas des filles qu’ils ne jugent pas belle, l’un d’eux lui répond : "On n’aime pas une fille parce qu’elle est belle ou moche." Et quand un garçon insinue que pour plaire, les filles font attention à leur manière de s’habiller, l’une d’elle embraye : "C’est pas vrai, si ça n’était pas interdit je serai venue en pyjama."
Si Marie a laissé les élèves parler le plus possible, aborder les sujets qu'ils souhaitaient, elle n'a cependant pas oublié de faire passer quelques messages, rappeler quelques notions. Elle leur a appris ou rappelé quels changements leurs corps avaient connus ou étaient en train de connaître à cause de la puberté, ce qu'était une pénétration non consentie, une agression sexuelle, le tout en utilisant sans honte les mots adéquats (pénis, fesses, seins, anus, vagin, sexe). Des mots qui n'ont pas manqué de susciter dégoût ou éclats de rire.
Justine Faure
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