ANTI-VALLSISME - L'expression est reprise en chœur par Jean-Luc Mélenchon et ses lieutenants depuis la victoire de Benoît Hamon à la primaire dimanche soir. Mais évoquer le "dégagisme" pour Manuel Valls revient à comparer ce dernier... à l'ancien dictateur tunisien Ben Ali.
Jean-Luc Mélenchon connaît le poids des mots. Et il n'a pas peur d'en abuser. Dans un billet de blog publié lundi, intitulé "Valls valse, encore une victoire du dégagisme", le candidat de La France insoumise observe que Manuel Valls, lourdement battu dimanche soir par Benoît Hamon, est victime d'un mouvement de fond qui consiste à se débarrasser de l'élite dirigeante. Il y voit l'accréditation de son vieux slogan "Qu'ils s'en aillent tous", et prédit que ce mouvement se poursuivra jusqu'à l'élection, à son bénéfice. "L’insoumission, annoncée par le nom de notre mouvement, partait du constat que ce phénomène travaille en profondeur notre société", se réjouit-il.
L'ancien ministre de Lionel Jospin va plus loin et théorise sur le "dégagisme", qui avait déjà fait l'objet d'un "manifeste" rédigé par un collectif d'artistes belges en 2011. Pas besoin d'aller chercher, il en donne lui-même la définition :
Ce phénomène que les Tunisiens avaient nommé le 'dégagisme' par référence au slogan omniprésent de leur révolution démocratique à l’adresse du PS de Ben Ali : 'dégage'
Jean-Luc Mélenchon
Valls comparé à un dictateur
Le candidat à la présidentielle a donc transféré ce slogan tiré de la révolution tunisienne à Manuel Valls. Ce qui revient, bien sûr, à faire un parallèle entre l'ex-Premier ministre français et l'ancien dictateur, accusé d'avoir violé les droits de l'homme, baillonné la liberté d'expression et fait torturer les opposants au régime.
La formule de Jean-Luc Mélenchon fait déjà florès sur les réseaux sociaux et parmi ses principaux lieutenants. Normal : elle fait écho à son slogan de campagne lancé l'été dernier : "Je vote, ils dégagent". Lundi matin, sur BFMTV, Alexis Corbière, lieutenant de Mélenchon, relayait encore la formule :
Il y a un mouvement 'dégagiste' qui traverse la société très fort : les gens en ont marre
Alexis Corbière
Un lexique également relayé sur iTélé par la conseillère de Paris Danielle Simonnet : "On est content que Valls dégage. Le mouvement dégagiste montre qu'il y a un souffle d'insoumission dans le pays".
Ou encore l'avocate Raquel Garrido, autre responsable du Parti de gauche, dimanche soir sur France Info :
"Les sondeurs ne savent pas prendre en compte le mouvement dégagiste, ces têtes et coeurs à conquérir qui s'abstiennent" @RaquelGarridoPG — JLM 2017 (@jlm_2017) 29 janvier 2017
Face à cette dernière, le député PS Luc Carvounas, soutien de Manuel Valls, a fini par s'insurger du parallèle répétitif entre le sort de Manuel Valls et celui du dictateur tunisien. Réponse narquoise de l'avocate : elle sait bien faire "la différence" entre un dictateur et un représentant "de l'oligarchie politico-financière".
Derrière la provocation, l'équipe de La France insoumise fait un pari : celui que Benoît Hamon, même grand vainqueur de la primaire, verra sa campagne plombée par le bilan du gouvernement sortant auquel il sera assimilé. Et que le seul représentant à même de les "dégager tous", c'est l'ancien soutien de François Mitterrand, sénateur, ministre et candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon.