Après l'agression de NKM, des bénévoles nous racontent leur tractage entre agressivité et indifférence

par Antoine RONDEL
Publié le 16 juin 2017 à 20h04, mis à jour le 16 juin 2017 à 20h09
Après l'agression de NKM, des bénévoles nous racontent leur tractage entre agressivité et indifférence

CAMPAGNE - Au lendemain de l'hospitalisation de la candidate LR/UDI aux législatives dans la 2e circonscription de Paris, LCI a demandé à des membres d'équipe de campagne comment ils vivaient cette période. Ils nous racontent leurs bribes de campagne.

Au lendemain de l'hospitalisation de Nathalie Kosciusko-Morizet, violemment prise à partie alors qu'elle faisait campagne, les réactions émues et les condamnations de l'accès de violence dont elle a été victime se poursuivent. S'il est difficile de savoir si ce climat est généralisé, nous avons demandé à plusieurs bénévoles leur ressenti sur cette campagne. 

"Parfois, il vous prend le tract et le déchire devant vous"

Bien sûr, peu d'entre eux ont été témoins d'un geste comparable à celui de Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais ces bénévoles, issus de milieux politiques divers, ont tous une observation en commun : les électeurs en ont marre. "Sur les marchés, l'accueil est bon, mais quand on distribue des tracts, les gens sont plus indifférents qu'autre chose. On leur parle du candidat qu'on soutient mais ils ne savent pas vraiment à quoi sert un député", décrit Odile, militante dans le Val-de-Marne. Fabien, bénévole pour Henri Guaino, ne dit pas autre chose : "C'était très compliqué de tracter, de convaincre les gens. On se fait reprocher notre présence, quand on ne nous snobe pas carrément."

De quoi perturber Mehdi, quelques années de militant au compteur, qui préférerait presque "l'électeur qui vous insulte". "C'est encore rassurant mais l'indifférence, c'est limite. L'électeur ne dit pas bonjour, il ne répond pas. Et parfois, il vous prend le tract et le déchire devant vous." Le signe d'un ras-le-bol de la politique, d'une lassitude, alors que, pour ceux qui ont participé aux primaires de la droite puis du PS, ce sera le 8e aller-retour aux urnes en moins de sept mois.

Le candidat de Fabien a été - très - sèchement éliminé au1er tour des législatives. "J'ai rapidement vu que ça ne marcherait pas. On nous reprochait d'ajouter à la division de la droite. Les gens ne voulaient pas débattre, pas sortir de leurs a priori. Et même si on avait des raisons de se défendre, ils partaient." Ou pire, témoin, cette engueulade en bonne et due forme de l'ex-député des Yvelines en pleine rue par un passant :

"La virulence verbale, elle est là. Ce qu'on appelle le climat 'dégagiste' participe à ça", estime de son côté Mehdi. "C'est verbal pas physique, mais ça reste de la violence". Ce militant socialiste, qui cite aussi les insultes sur les affiches - "c'est bête et infantile, mais ça blesse, malgré tout" - devait aussi faire avec autre chose : défendre un candidat qui, aux yeux des habitants, n'existait plus. "Après le score de Benoît Hamon, on nous a dit : votre candidat, il est bien gentil, mais il n'est plus là. On nous parlait du bilan du quinquennat, mais on nous faisait surtout sentir qu'on ne faisait plus partie du match."

"La campagne la plus dure et la plus inintéressante"

Militant, il faut aussi vivre avec une certaine crainte des coups de pression. Odile, qui n'estime pas avoir vécu cette tension au quotidien, se rappelle ainsi qu'un électeur du camp adverse leur avait dit, l'air hagard, alors qu'elles collaient des affiches : "Vous allez pisser du sang, vous allez mourir." La même se souvient également que, au soir du 1er tour, à la proclamation des résultats à l'hôtel de Ville, une candidate concurrente a dit "que certains de ses militants avaient été agressés et séquestrés dans une voiture." Mehdi confie que, chez lui, "il y avait interdiction de coller seul, le soir, avec la virulence de certains concurrents.

"D'un point de vue personnel, c'était la campagne la plus dure et la plus inintéressante, intellectuellement", confie encore Mehdi. "Je ne veux pas faire de généralités, mais il y a une tension palpable, raconte Loris, parti filer un coup de main à un candidat dans le sud. Je faisais un marché ce matin, et un militant FN a déchiré la chemise d'un passant qui ne voulait pas de 'son tract de facho'." 

Le tableau n'est pas si noir pour tout le monde... à moins que la noirceur ait été intériorisée : "On a presque l'habitude de voir ça de la part du FN", nous dit Loris. "Je n'ai rien vu de plus que d'habitude, à part des gens qui n'aimaient pas notre candidate", confie ce proche d'une députée sortante, éliminée au 1er tour. Et c'est sans évoquer les "commentaires désagréables en pagaille sur les réseaux sociaux", où le débat démocratique s'est fortement éloigné. L'ex-ministre Cécile Duflot en a fait part sur Twitter, après l'agression de Nathalie Kosciuso-Morizet, partageant les messages insultants qu'elle pouvait recevoir par dizaines.

Tous ne sont pas touchés mais tous ceux que nous avons interrogés reconnaissent la dureté de l'exercice. Ainsi ce suppléant d'une candidate de la France insoumise qui confie que, même s'il est conscient du climat détestable de la campagne, "il est bien content de passer entre les gouttes. Mais on ne fait pas les malins. On sait que, même si on prône le fait de faire de la politique autrement, les gens sont parfois dans un tel rejet qu'ils ne font pas la différence." Fin de l'épreuve dans quelques jours...


Antoine RONDEL

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