Les duels entre LR-LaREM et l'union de la gauche signent-ils le retour des vieux clivages ?

Publié le 23 juin 2020 à 18h20, mis à jour le 23 juin 2020 à 18h26

Source : TF1 Info

SECOND TOUR - La clôture des listes en vue du second tour des élections municipales a vu fleurir des alliances entre des candidats LR et LaREM, notamment dans les grandes villes. En face, la gauche a montré son aptitude à se retrouver. De quoi recomposer le clivage gauche-droite lors de ce scrutin ?

A quelques jours du second tour des élections municipales, organisé dans près de 5000 communes, on y voit enfin un peu plus clair dans la bataille politique en cours. Le dépôt de listes, mardi 2 juin, a permis de clarifier le jeu des alliances alors que la situation semblait particulièrement confuse dans de nombreuses villes.

Les accords passés entre formations politiques a notamment permis de préciser les rapports de force dans les grandes villes où trois listes ou davantage étaient en mesure de se maintenir au second tour, ayant dépassé la barre fatidique des 10% au premier tour. Une tendance semble se dégager, qui plaide en faveur d'une recomposition du clivage gauche-droite que la majorité en place pensait avoir fait disparaître au lendemain des élections de 2017.

Multiplication des alliances LR-LaREM

Le phénomène le plus frappant des dernières tractations entre candidats est la multiplication des alliances entre la droite LR, nettement revigorée par le 1er tour, et la majorité présidentielle, sortie au contraire affaiblie. Des alliances parfois sorties du chapeau, sans passer par l'appareil politique. La plus spectaculaire, à Lyon, a été entreprise sans l'aval des états-majors, avec l'accord passé entre Gérard Collomb et Laurent Wauquiez, qui a permis un désistement mutuel de leurs têtes de liste à la métropole et à la ville. 

Une décision qui a valu à Gérard Collomb, soutien historique d'Emmanuel Macron, de perdre son investiture. "C’est l'affirmation que nos valeurs sont plus fortes qu’une victoire ou qu’un échec", a justifié le patron des Marcheurs Stanislas Guérini dans un entretien au Parisien. "Nous préférons nous retirer de cette élection-là."

Autre surprise, à Strasbourg, où les deux candidats Alain Fontanel (LaREM) et Jean-Philippe Vetter (LR) ont annoncé leur alliance après l'heure limite de dépôt des candidatures, se passant d'un adoubement des appareils politiques. Deux sources au sein de l'état-major LR, hostile à un tel accord, ont d'ailleurs indiqué à LCI ne pas avoir été averties du pacte passé entre les deux hommes, qui espèrent ainsi reprendre la ville à une gauche qui s'est montrée, elle, incapable de s'entendre. Alain Fontanel a indiqué, du reste, que des discussions avaient eu lieu auparavant avec la candidate socialiste Catherine Trautmann, sans aboutir. L'annonce de l'alliance LR-LaREM a en outre semé la pagaille dans les rangs, entraînant, mercredi, une série de départs chez les colistiers d'Alain Fontanel. 

Idem à Clermont-Ferrand, où Jean-Michel Brenas (LR, 20,74% au premier tour) et Eric Faidy (LaREM 15,54%) ont conclu une alliance de dernière minute en vue du second tour contre le maire PS sortant Olivier Bianchi. Un choix qui a valu à Eric Faidy, là encore, le retrait de l'investiture LaREM, son allié de circonstance étant dans la majorité régionale de Laurent Wauquiez, guère proche de la majorité présidentielle. Dans d'autres cas, les accords ont été passés en plein jour. A Bordeaux, le ralliement de Thomas Cazenave au maire LR sortant Nicolas Florian, proche d'Alain Juppé et "Macron-compatible", a été adoubé par l'état-major macroniste, au nom de la situation économique consécutive à l'épidémie, selon les explications fournies par Thomas Cazenave. 

La réalité du terrain l'emporte ainsi souvent sur la théorie. Le parti d'Emmanuel Macron avait élaboré fin 2018 un document interne destiné à encadrer ces inévitables rapprochements.  Pour obtenir le soutien de LaREM, stipulait à l'époque ce document, les candidats devaient en principe se tenir "à distance de tout mouvement ou parti déclaré d'opposition à la majorité présidentielle". La situation, 20 mois plus tard, semble moins limpide. 

La gauche parvient à se retrouver

Autre facteur qui plaide pour la recomposition du clivage, la capacité de la gauche à s'unir malgré ses divergences. A l'exception notable de Lille et de Strasbourg, où socialistes et écologistes ont été incapables de trouver un accord, les alliances se sont concrétisées dans plusieurs villes importantes. A Paris, la maire sortante Anne Hidalgo, en tête du 1er tour, et la tête de liste EELV David Belliard sont parvenus à signer un nouveau contrat pour six ans, dans la lignée des accords passés depuis 2001. Anne Hidalgo avait déjà rallié auparavant les autres forces de gauche, hors LFI.

A Lyon, les écologistes parvenus en tête à la ville comme à la métropole ont officialisé leur accord avec les autres forces de gauche, du PS à Générations, pour tenter de battre l'alliance Collomb-LR. A Marseille, le Printemps Marseillais est parvenu à sceller des alliances dans plusieurs secteurs, même si le suspense reste entier sur l'issue du second tour. A Toulouse également, le retrait de la candidate socialiste Nadia Pellefigue ouvre la voie à Archipel Citoyen, une liste de la "société civile" associant écologistes et LFI, conduite par Antoine Maurice (quand bien même le numéro 2 de la liste socialiste a, lui, rejoint Jean-Luc Moudenc, investi par LR et LREM). Idem à Nantes et à Rennes, où les maires sortantes socialistes Johanna Rolland et Nathalie Appéré pourraient s'assurer la réélection après une alliance réussie avec les écologistes. 

Le retour des clivages ferait en tout cas les affaires de certains partis. Le patron du PS, Olivier Faure, s'est ainsi réjouit sur France Info de "la clarification" induite par les rapprochements LR-LaREM, jugeant qu'ils permettent à la gauche de "comprendre qu'il y a face à elle un bloc qui se constitue, le bloc des libéraux, des droites"

Si LaREM peut espérer accéder à des exécutifs municipaux à travers ces alliances, cette stratégie - à rebours de la philosophie initiale du mouvement d'Emmanuel Macron - pourrait lui causer du tort à long terme. Une inquiétude résumée par un cadre de la majorité présidentielle, interrogé par l'AFP : "Il y a quand même quelque chose qui est dangereux. Plus encore que perdre les élections, c'est de perdre sa cohérence."


Vincent MICHELON

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