PROJETS - L'immigration et l'avenir de l'espace Schengen sont au coeur du scrutin européen du 26 mai. Pour vous aider à y voir clair, LCI a épluché les projets des six principales listes en lice.
Une crise migratoire inédite et plusieurs milliers de morts naufragés en mer Méditerranée. Au cours des cinq dernières années, l'Union européenne a été fortement marquée par les mouvements de population causés par les conflits et la pauvreté. On parle également, désormais, de "migrants climatiques", en référence aux mouvements de populations liés à la dégradation du climat, qui devraient prendre de l'ampleur dans les années à venir.
A l'aune de ces bouleversements, le scrutin européen du 26 mai est fortement marqué par la question des frontières, de la remise en cause de l'espace Schengen qui organise la libre-circulation entre les pays membres depuis 1995 à la question de la gestion de l'asile. Que proposent les candidats sur ce thème ? Voici quelques éléments de réponse, pour ce qui est des six listes arrivant en tête des intentions de vote.
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Avenir de l'espace Schengen
Ce n'est pas la première fois que la question est posée lors d'un scrutin européen, mais le sujet est particulièrement prégnant en 2019. Plusieurs listes évoquent l'espace Schengen et la nécessité de le réformer, en surface ou fondamentalement, face aux nouveaux défis migratoires. La liste LaRem de Nathalie Loiseau veut "sauvegarder" les accords de Schengen en créant "une politique européenne de l'asile", partant du constat que "les pays européens continuent très largement à agir en ordre dispersé" et que "la protection des frontières est la condition du maintien des libertés européennes". Elle souhaite un nouveau pilotage de la politique migratoire, avec la création d'un Conseil européen de sécurité intérieure. La liste PS-Place Publique de Raphaël Glucksmann veut "sauver Schengen" en "renforçant la gestion commune des frontières extérieures" de l'UE.
A contrario, la liste LR de François-Xavier Bellamy propose une révision profonde de Schengen, réclamant une réforme du Code frontières qui permettrait une "double protection" pérenne, aux frontières de l'UE mais aussi aux frontières nationales (alors que cela relève actuellement d'une procédure exceptionnelle), "tant que les frontières de l'UE ne protègent pas efficacement". La liste LFI veut "sortir de l'impasse Schengen" en "refondant la politique européenne de contrôle des frontières extérieures".
Le RN, conduit par Jordan Bardella, dénonce "un espace ouvert à tous les vents" et veut "sortir de la logique de libre-circulation de Schengen" en "rétablissant les contrôles aux frontières nationales".
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Droit d'asile
L'ensemble des listes propose en outre une réforme du droit d'asile. La candidate LaRem propose la création d'un Office européen de l'asile qui permettrait "d'harmoniser les critères" et de "coordonner" les agences nationales en charge des demandes d'asile. Elle veut en outre mettre en place des Centres d'examen des demandes d'asile "dans les pays européens exposés", établir une liste commune "de pays sûrs" pour les retours et exiger "la participation de chaque Etat à l'effort commun".
La liste PS-PP, à l'instar d'EELV et de LFI, veut mettre fin au règlement de Dublin, qui "renvoie les demandeurs d'asiles vers les pays de première entrée", plaidant pour un "renforcement du régime d'asile européen" et la création d'un Office indépendant de l'asile. La liste de Yannick Jadot (EELV) parle d'une "gestion communautaire directe et unifiée de l'asile, garantissant l'accueil de manière contraignante pour les Etats-membres", et de la mise en place "d'un titre de séjour européen pour les résidents extra-communautaires" en lieu et place de la politique de quotas par pays. Les écologistes réclament aussi la création d'un "statut européen de réfugié climatique et environnemental", complémentaire de la Convention de Genève. La liste de Manon Aubry (LFI) défend une "harmonisation du système d'asile" et la "fin" des accords du Touquet signés avec le Royaume Uni, "responsable de la situation à Calais". Cette liste souhaite en outre l'interdiction du placement en rétention des mineurs et des familles et des garanties d'asile pour les personnes LGBT.
La liste LR, de son côté, se distingue de LaRem en demandant "le traitement des demandes d'asile en dehors de nos frontières, en refusant l'ouverture de nos centres d'accueil européens". Elle envisage des Centres internationaux sur la rive sud de la Méditerranée et au Proche-Orient. Le RN veut "une refonte du système d'asile", mais aussi une remise en cause de l'immigration, y compris légale.
Contrôle aux frontières
Si le RN souhaite la fin de l'espace Schengen, et le rétablissement des frontières nationales, il plaide aussi pour une protection aux frontières extérieures de l'Europe "grâce à une coopération renforcée entre nos pays". La liste LR propose la création d'un corps de gardes-côtes et de gardes-frontières, le triplement du budget pour le contrôle des frontières extérieures, ainsi que l'augmentation des moyens de l'agence européenne Frontex.
La liste LaRem veut porter à 10.000 les effectifs de Frontex, dont elle souhaite le renforcement des missions et des moyens. Elle propose aussi de renchérir le soutien à Europol dans sa mission visant à "assécher" les réseaux financiers qui alimentent les passeurs. A gauche, la liste LFI "refuse la politique de militarisation de la politique de contrôle des flux migratoires".
Aide aux naufragés
Plusieurs listes souhaitent des moyens supplémentaires pour venir en aide aux migrants naufragés en mer Méditerranée. Au-delà du renforcement des effectifs de gardes-côtes (LaRem, LR), la liste PS-PP plaide pour "une version européenne et solidaire de l'opération Mare Nostrum" menée par Frontex entre 2013 et 2014 "pour que la Méditerranée cesse d'être un cimetière". Elle veut aussi l'arrêt des "actions conduisant au renvoi des personnes secourues en Libye".
La liste EELV veut mettre en place "une mission européenne de sauvetage en mer", des "corridors humanitaires" et des "voies sûres et légales" pour les migrants afin d'empêcher les naufrages. Idem pour le PS-PP, qui évoque la mise en place de "visas humanitaires" et de "voies légales" pour lutter contre les passeurs. La liste LFI propose de "créer un corps européen civil de secours et de sauvetage en mer".
Expulsions et "retours volontaires"
Le débat se polarise également sur le retour des migrants déboutés du droit d'asile dans le pays d'origine. Pour LaRem, il faut "augmenter les financements pour les retours volontaires", mais aussi "rendre effectifs les retours contraints en donnant la charge de cette mission à Frontex.
Le RN prône de son côté "l'expulsion systématique des clandestins". La liste LR propose de "ramener systématiquement les bateaux de migrants sur les côtes africaines", de partager les données via un fichier européen des personnes visées par une obligation de quitter le territoire afin de "rendre les expulsions effectives sur tout le territoire de l'espace Schengen". Elle veut aussi "multiplier les vols groupés Frontex", et envisage le gel de l'aide au développement et des délivrances de visas pour les pays tiers qui refusent le retour de leurs ressortissants.
EELV propose de "soutenir les programmes de relocalisation volontaire dans les pays du Sud", tandis que LFI envisage de "construire un programme pour l'aide au retour des réfugiés qui le souhaitent lorsque la situation de leur pays d'origine le permet".
Politique d'accueil
En matière de gestion de l'accueil des migrants, deux logiques s'opposent là encore. La liste PS-PP, à l'instar d'EELV et de LFI, veulent que soient alloués des fonds incitatifs pour permettre aux collectivités et aux associations d'assurer la prise en charge des personnes sur le territoire européen, et défendent la suppression du "délit de solidarité". La liste LaRem prône aussi un soutien aux "initiatives locales d'intégration" à travers la mobilisation de fonds européens.
Au contraire, la droite LR soutient une stratégie de dissuasion consistant à "mettre fin à l'accès automatique aux prestations sociales pour les étrangers extra-européens s'il n'y a pas au moins trois ans de cotisation préalable". Le RN, quant à lui, veut "réserver les aides sociales à nos compatriotes" et mettre fin au "renouvellement automatique des titres de séjour".
Politique internationale
Sur le plan des accords internationaux relatifs aux migrations, la liste LR veut "dénoncer" à l'échelle européenne "le pacte de Marrakech, qui encourage l'immigration et promeut le multiculturalisme".
A gauche, le PS-PP réclame "un Giec [en référence au groupe d'experts internationaux pour le climat] sur les migrations pour anticiper les mouvements" à venir, liés au changement climatique. Les écologistes d'EELV soutiennent "des partenariats renforcés avec les pays du sud de la Méditerranée". La liste LFI défend l'organisation d'une conférence internationale sur les migrations, sous l'égide de l'ONU, qui permettrait à la communauté internationale d'organiser les "réponses d'urgence", mais aussi de "préparer le retour des réfugiés" et "d'anticiper les millions de réfugiés climatiques des décennies à venir". Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon veut enfin "combattre les causes de l'exil forcé", en commençant par "stopper les accords commerciaux inégaux avec les pays en développement", en luttant contre le réchauffement climatique et en œuvrant pour "mettre fin aux guerres".