"La grande confrontation" : on a vérifié les déclarations des participants au 1er débat

Publié le 20 mai 2019 à 20h12, mis à jour le 21 mai 2019 à 0h12
"La grande confrontation" : on a vérifié les déclarations des participants au 1er débat

FACT CHECKING - Durant le premier débat qui a opposé sept têtes de liste aux élections européennes, les participants ont confronté leurs idées à grand renfort de chiffres ou d'affirmations... parfois imprécises. Nous les avons vérifiées.

Jean-Christophe Lagarde affirme que le départ de la Grande-Bretagne de l'Europe pourrait permettre d’augmenter le budget agricole. "Six milliards sont donnés aujourd’hui à la Grande-Bretagne  (...) Et je propose que ces six milliards, une fois la Grande-Bretagne partie, on puisse les consacrer à l’agriculture."

Pourquoi c’est impossible :  la Grande-Bretagne, tout comme la France, est un contributeur net, c’est-à-dire qu’elle verse plus de contributions qu’elle ne reçoit d’aides. Selon les données 2018 de la Commission européenne, la Grande-Bretagne a versé 10,5 milliards et a perçu 6,3 milliards d’aides soit un différentiel de -4,2 milliards d’euros.  En comptabilisant l'ensemble des contributions des Etats membres (y compris les taxes et droits de douane levés pour le compte de l'UE), le Royaume-Uni est contributeur net de 5.3 milliards d’euros par an en 2017. En clair, le Brexit conduira à une diminution du budget européen et notamment, dans le domaine de l’agriculture, à une baisse du budget de la Politique Agricole Commune. Selon le think tank, Farm Europe, l’Europe perdra 2,7 milliards par an sur le budget de la PAC.

"Je pense que les parlementaires européens sont payés à l’identique des parlementaires nationaux" (Jean-Christophe Lagarde)

Ce n'est plus vrai. Ce n’est plus le cas depuis l’entrée en vigueur du statut unique des députés en juillet 2009. Au Parlement européens, tous les députés touchent le même salaire, fixé à 8 757,70 euros bruts, soit 6 824,85 euros mensuels après l'impôt européen et les cotisations obligatoires. Les députés sont aussi soumis à l'impôt sur le revenu dans leur pays respectif. Les députés ne peuvent donc pas choisir leur propre rémunération. 

"Vous savez quelle est la cinquième nationalité la plus représentée dans le travail détaché, en France ? Ce sont les travailleurs français" (Florian Philippot)

C’est vrai. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes a tiré la sonnette d’alarme, en établissant qu’après les Portugais, les Polonais, les Allemands et les Roumains… la France pointait en cinquième position en 2017. Sur les 516.000 contrats de travailleurs détachés signés en France, plus de 30.000 concernent des Français, embauchés par des entreprises implantées à l’étranger.

Florian Philippot reprend une étude allemande établissant que, depuis l'entrée en vigueur de l'euro, les Allemands ont gagné 21.000 euros par habitant, alors que les Français ont perdu 56.000 euros par habitant.

C’est contestable. Cette étude, publiée fin février, a beaucoup fait parler, mais ses conclusions sont sujettes à caution. Il y est imaginé la façon dont aurait évolué la situation économique de huit pays de la zone euro s'ils avaient conservé leur monnaie nationale. Or, la méthode utilisée par les auteurs de la publication est surprenante : ils ont comparé les pays étudiés avec des pays a priori similaires hors zone euro. Ils estiment, par exemple, que la France et l'Italie auraient évolué de la même manière que l'Australie s'il n'y avait pas eu l'introduction de l'euro. Une méthode bien trop évasive et aux résultats  contestables. Notre décryptage ici

Francis Lalanne cite à "loi du 3 janvier 1973, abrogée en 1994", pour expliquer que les Français peuvent "récupérer leur monnaie".

De quoi parle-t-il ? Francis Lalanne s’emmêle un peu les pinceaux. La loi de 1973, renommée loi “Pompidou-Giscard-Rothschild” a été régulièrement citée non pas dans le cadre du débat sur l’euro (mis en place en 2002), mais pour dénoncer l’impossibilité pour la France d’emprunter auprès de la Banque de France. Lors de la présidentielle de 2012, plusieurs candidats dénonçaient cette loi, l’accusant d’avoir "créé" la dette française au profit des banques privées. Ce qui était faux : la loi n’interdisait pas mais encadrait les prêts de la Banque de France à l’Etat. L’abrogation de la loi en 1994 est une conséquence du traité de Maastricht, qui interdit les financements directs des Etats par leur banque centrale.

"La France n’a jamais respecté la règle des 3% de déficit public, sauf l’an dernier" (Jean-Christophe Lagarde)

C’est faux. Depuis la signature du traité de Maastricht (1992), puis du Pacte de stabilité (1997), la France est passée à deux reprises sous la barre des 3% : en 2001 (autour de 1.5%), dans un contexte de croissance, et en 2006 (2.5%).

 "La Pologne 'attrape' 12 milliards par an" de l’Union européenne (Ian Brossat)

Vrai et faux. Les dépenses européennes en Pologne pour l’année 2017 représentaient 11,9 milliards d’euros, une donnée qui rejoint le chiffre de Ian Brossat. Cela étant, la Pologne participait en retour, la même année, à hauteur de 3.048 milliards d’euros au fonctionnement de l’UE. La Pologne est donc bénéficiaire nette à hauteur de 8.6 milliards d’euros.

"Le ministre italien de l’intrieur, M. Salvini, vient de signer un décret qui condamne à 55.000 euros d’amendes une personne, si elle vient au secours de quelqu’un qui serait en train de se noyer", s’est insurgé Ian Brossat (PCF)

C’est exagéré. Matteo Salvini entend clairement durcir la législation anti-immigration. Le ministre de l’intérieur a déposé la semaine dernière un projet de décret loi. Parmi les douze articles qui visent l’immigration clandestine, un d’entre eux a déjà créé la polémique. Il prévoit d’infliger d’une amende, non pas de 55.000 euros, mais entre 3.500 et 5.500 euros, pour chaque migrant secouru en mer et conduit dans un port italien par un navire qui n’aurait pas respecté les consignes de la coordination des secours.

Nos confrères de Ouest France estiment qu’avec un tel système,"une organisation comme Médecins sans frontières qui a repêché 80 000 migrants en cinq ans, aurait dû s’acquitter de 280 000 à 440 millions d’euros." Par ailleurs, ce décret n’a pas encore été signé, il sera soumis lundi en conseil des ministres.

"14.000 migrants sont morts en Méditerranée depuis 2014" (Ian Brossat). 

Selon l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), ce sont 17.000 personnes qui sont mortes depuis 2014 en tentant de traverser la mer de l’Afrique à l’Europe.  


La rédaction de TF1info

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