"Vous allez me suivre jusqu'aux toilettes ?" A peine élus, les nouveaux députés déjà bien rôdés

par Antoine RONDEL
Publié le 20 juin 2017 à 21h17

Source : JT 20h Semaine

REPORTAGE - L'arrivée des députés de la XVe législature se poursuit à l'Assemblée nationale, cette semaine. Sous les yeux des anciens, les nouveaux élus prennent leurs quartiers, avec plus d'assurance que ce qu'on pourrait croire. LCI est allé à leur rencontre, ce mardi 20 juin.

Rentrée à l'Assemblée nationale, jour deux. Des députés par dizaines faisaient leurs premiers pas au Palais Bourbon dans une joyeuse ambiance de rentrée des classes, mardi 20 juin. Pas la rentrée solennelle, non, mais des formalités administratives et un premier acoquinage avec les lieux, qui accueilleront officiellement les nouveaux députés pour une première session de travail le 27 juin. 

"Je suis candidat La République en Marche... euh, non, député !

Sourires de circonstance, malgré la chaleur, exercice médiatique répété devant la presse, présentation des petits nouveaux et couacs qui vont avec ("Vous êtes de quel parti, monsieur ? En marche ? PS ?" ; "Non, Les Républicains !") : le long de l'allée de la Présidence, c'est un balai à peine turbulent qui s'ordonne autour des nouvelles têtes. David Lorion, député LR de La Réunion pro-Macron, est de ceux-là, "ému" d'avoir "traversé l'océan à la nage jusqu'à l'Assemblée nationale". La néophyte REM Emilie Cariou (Meuse) pense à ses électeurs, "qui attendent beaucoup de moi". 

Et l'élu de Saône-et-Loire Rémy Reyberotte, parti du PS après une brouille avec Arnaud Montebourg, déjà très concentré sur les taches à venir, se demande quand il devra démissionner de son poste de maire. Un élu du Maine-et-Loire a un peu de mal à se rendre compte et se présente comme "candidat La République en marche dans le Maine-et-Loire... euh, non, député !"

De loin, un huissier regarde les allées et venues des parlementaires. "Bienvenue dans votre maison", leur dit-il. Chargés de les accompagner jusqu'à la salle des Quatre-Colonnes, lui et ses collègues en ont vu passer plus de 150 depuis lundi : "J'essaie de ne leur pas donner trop d'infos pour ne pas les perdre. Ils ne sont pas nerveux, mais qu'est-ce qu'il y a comme jeunes", s'étonne-t-il.

L'ambiance prend un tour un peu plus agité quand une nuée de caméras fait son chemin à travers le jardin des Quatre-Colonnes. Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin et leurs camarades insoumis ont fait leur arrivée. Très en forme, le 4e homme de la présidentielle rabroue "le matheux" Cédric Villani et "la chose majoritaire". Le groupe prend la pose, poing levé, sur l'escalier de la salle des Quatre-Colonnes. "Vous m'enverrez la photo", demande le député des Bouches-du-Rhône à plusieurs reprises. A ses côtés, François Ruffin entame son cri de guerre : "Et à la fin c'est nous qu'on va gagner !"

"Je vais regretter les copains"

L'agitation retombée, les échanges reprennent. Les petits nouveaux sont-ils effrayés par l'ampleur de la tâche ? "J'ai un peu chaud mais je ne suis pas nerveuse", répond Brune Poirson, qui a piqué au FN la circonscription détenue par Marion Maréchal Le Pen. "On doit quelque chose aux habitants du pays, à la France, mais on n'a pas de vertige", déroule Laurent Saint-Martin, pas impressionné par les spécificités du travail parlementaire : "A En marche, nous sommes tous de gros bosseurs, et nous sommes entourés par des parlementaires expérimentés."

C'est le cas d'Alain Tourret, ancien du Parti radical de gauche. S'il se "méfie des chaperons", le Calvadosien, qui attaque son 3e mandat, accepte d'être un "homme d'expérience" dans "les arcanes très complexes de l'Assemblée nationale." Pour cet accompagnement, il pourra compter sur Richard Ferrand, récent exfiltré du gouvernement vers la tête du groupe parlementaire de la REM, dont il loue les "très bonnes qualités". Cela ne le consolera pas du départ de son "pauvre ami Georges Fenech", nettement battu dans le Rhône, mais c'est déjà ça.

L'ex-ministre George Pau-Langevin fait figure de survivante, au milieu de tous ces nouveaux élus qui ont décimé ses camarades du PS. Le mot la fait sourire : "Ç'a été beaucoup plus violent que ce qu'on pouvait attendre. Je vais regretter les copains, mais c'est bien d'avoir un bol d'air frais", admet-elle. Et le parti, dans tout ça ? "On doit être calme. Certains vont être là pour faire les agitateurs, nous on va faire du travail sérieux."

"Les marcheurs ont l'air d'être de bonne composition"

Les "agitateurs", justement, reviennent du bureau des badges. Comme les marcheurs, les députés de la France insoumise ne comptent pas se laisser impressionner par les lieux. Le Nordiste Ugo Bernalicis entend "continuer les manifestations, faire de l'éducation populaire sur [mon] travail à l'Assemblée et amener le programme des insoumis au Parlement. Les marcheurs ont l'air d'être de bonne composition", espère-t-il. "On va essayer de les sensibiliser sur l'écologie et les inégalités", sourit la députée de Paris Danièle Obono.

De son côté, son voisin Adrien Quattenens envisage sérieusement de suivre l'exemple de François Ruffin, qui a promis de se payer au Smic - "7.000 euros, c'est trop. Pas question de passer d'un peu plus du Smic à 7.000 euros" - et de quitter son mandat si 25% de ses électeurs le souhaitent - "on veut proposer à François Bayrou d'ajouter l'ouverture de la révocation des élus à mi-mandat". Et le futur président de groupe Mélenchon, dans tout ça ? "Je serai un insoumis gentil." Pas de risque de soumission des insoumis, assurent ses camarades députés : "Il y aura une discipline de vote, mais on n'a pas été élu seulement sur son nom", rappelle Adrien Quattenens. Ce dont on ne soupçonnera pas François Ruffin. Le téléphone à l'oreille, il est encore mitraillé par les photographes. "Vous allez me suivre jusqu'aux toilettes ?", se marre-t-il. Pas de doute, les députés sont déjà chez eux.


Antoine RONDEL

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