Macron veut convaincre nos voisins d'en réviser les règles : tout comprendre à la question des travailleurs détachés

Publié le 23 août 2017 à 8h00, mis à jour le 23 août 2017 à 8h06
Macron veut convaincre nos voisins d'en réviser les règles : tout comprendre à la question des travailleurs détachés

DÉCRYPTAGE - Emmanuel Macron est en mini-tournée en Europe centrale et orientale, notamment pour essayer de convaincre les pays membres de réviser la directive européenne sur les travailleurs détachés. Mais quelle est-elle ? Que veut la France ? LCI fait le point.

Tout au long de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait défendue la directive européenne sur les travailleurs détachés, critiquée pour ce qu'elle crée de dumping social entre les salariés en France. Désormais président, ce dernier plaide aujourd'hui un durcissement des règles et essaye d'en convaincre ses partenaires européens dont certains sont très hostiles à la position française. Emmanuel Macron a ainsi entamé une mini-tournée en Europe et doit rencontrer ce mercredi le chancelier autrichien Christian Kern et les Premiers ministres tchèque et slovaque, Bohuslav Sobotka et Robert Fico. Ce jeudi ce sera son homologue roumain Klaus Iohannis et vendredi il s'entretiendra avec le président et le chef du gouvernement bulgares Roumen Radev et Boïko Borissov. Mais c'est quoi au juste un travailleur détaché ?

Selon la définition de la Commission européenne, un travailleur détaché est "un salarié envoyé par son employeur dans un autre Etat membre en vue d’y fournir un service à titre temporaire". Ces travailleurs ne séjournent ainsi que temporairement dans le pays d’accueil et n’intègrent pas son marché du travail. Il ne faut donc pas les confondre avec les travailleurs européens qui s’installent durablement dans un autre pays et y cherchent - ou occupent -un emploi sans être salarié d’une entreprise de leur pays d’origine. 

Le statut de travailleur détaché s’applique dans trois cas : un prestataire de services remporte un contrat dans un autre pays et décide d’envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place ; un salarié est détaché dans un autre pays dans une entreprise ou un établissement appartenant au groupe ; un travailleur intérimaire détaché à une entreprise utilisatrice établie ou exerçant son activité sur le territoire d’un Etat membre.

Les cotisations sociales payées dans le pays d'origine du travailleur

Selon ce texte entré en vigueur en 1996, les salariés bénéficient légalement d’un noyau dur de droits en vigueur dans l’Etat membre d’accueil, même s’ils restent les employés de l’entreprise qui les détache et relèvent donc de la législation de l’Etat membre d’origine. Ils jouissent ainsi de la législation du pays dans lequel ils sont détachés, à savoir le taux de salaire minimal ; les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ; la période minimale de congé annuel payé ; la santé, la sécurité, l’hygiène au travail ; les conditions de mise à disposition des travailleurs par l’intermédiaire d’entreprises de travail intérimaire. Concrètement, par exemple, une entreprise espagnole qui détache un salarié en France doit le payer au salaire français mais s’acquitter des cotisations sociales espagnoles, qu'elles soient moins élevées ou plus élevées -évidemment, c'est la première solution qui s'applique dans la totalité des cas.

En France, plus de 285.000 salariés ont été déclarés comme travailleurs détachés en 2015 (les données 2016 ne sont pas encore disponibles). Ils venaient principalement de Pologne (48.800), du Portugal (44.400), d’Espagne (35.200) et de Roumanie (30.600). Les travailleurs détachés sont à 83% des ouvriers.

Que veut Emmanuel Macron ?

Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait expliqué pourquoi il ne souhaitait pas abroger cette directive européenne sur les travailleurs détachés. "On a près de 300.000 travailleurs détachés. Ce qui pose un problème, c’est le travail détaché illégal. Un travailleur détaché doit venir travailler aux conditions françaises, il ne peut pas y avoir un travailleur détaché européen qui travaille en dessous du Smic", avait-t-il déclaré. 

"La France a presque autant de travailleurs détachés français qui vont ailleurs. Donc ceux qui proposent de déchirer tout simplement la directive et d’arrêter, ils iront l’expliquer aux centaines de milliers de Français qui tous les jours vont travailler aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Belgique, en Allemagne, en Espagne ou en Italie. Ce n’est pas mon souhait", avait-il ajouté. Par contre, il souhaite durcir le projet de la Commission, qui prévoit d'aligner les rémunérations des travailleurs détachés sur ceux de la main-d'oeuvre locale : il veut davantage de lutte contre la fraude et limiter le détachement à un an (une promesse de campagne).

Mi-juin, alors président, Emmanuel Macron a d'ailleurs rejeté un texte de compromis qu'il jugeait trop mou, quitte à braquer les voisins de l'Est. Une interview accordée à huit journaux européens a rajouté un peu d'huile sur le feu. Le président français y évoquait la question des travailleurs détachés : "Les grands défenseurs de cette Europe ultralibérale et déséquilibrée, au Royaume-Uni, se sont fracassés dessus. Sur quoi le Brexit s'est-il joué ? Sur les travailleurs d'Europe de l'Est qui venaient occuper les emplois britanniques (...) Le travail détaché conduit à des situations ridicules. Vous pensez que je peux expliquer aux classes moyennes françaises que des entreprises ferment en France pour aller en Pologne car c'est moins cher et que chez nous les entreprises de BTP embauchent des Polonais car ils sont payés moins cher ? Ce système ne marche pas droit." La Première ministre polonaise Beata Szydlo a accusé dans la foulée Emmanuel Macron d'"antipathie" à l'égard des pays d'Europe centrale.

 L'objectif de l'Elysée est de parvenir à un accord sur le travail détaché lors du prochain conseil des ministres du Travail de l'UE le 23 octobre, après le conseil européen des 19 et 20 octobre. A voir si ce sera réalisable.


Justine FAURE

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