Montpellier : un milliardaire rallié à un comique, une écologiste et une ex-LFI dispute la mairie au PS et au maire sortant

Publié le 23 juin 2020 à 16h27, mis à jour le 23 juin 2020 à 16h35
Clothilde Ollier, Mohed Altrad et Alenka Doulain, alliés pour les municipales à Montpellier.
Clothilde Ollier, Mohed Altrad et Alenka Doulain, alliés pour les municipales à Montpellier. - Source : Pascal GUYOT / AFP

SECOND TOUR - L'issue de la campagne municipale à Montpellier prend un tour tout à fait incertain a pris un tour totalement inattendu à Montpellier, où des alliances d'un nouveau genre se sont nouées autour du milliardaire Mohed Altrad et de youtubeur Rémi Gaillard. Focus sur cette ville où tout semble possible.

"On est chez les fous !" Le constat de Patrick Vignal, largement battu lors du premier tour des élections municipales à Montpellier avec 6,10% des suffrages, est amer. "Je l'avoue, j'ai un peu honte pour ma ville", ajoute le député LaREM quand on lui demande de commenter le paysage politique montpelliérain à l'approche d'un second tour pour le moins incertain. 

Il faut dire que, pour un spectateur novice, la pièce qui se joue dans cette métropole de 460.000 habitants a de quoi dérouter. Pas moins de 14 listes avant le premier tour, plus de 65% d'abstention et une triangulaire à l'arrivée qui promet de faire des étincelles : un riche homme d'affaires allié à deux candidates de gauche et un comique incontrôlable, un maire sortant isolé avec 19,11% des voix au premier tour, et un candidat socialiste qui a réalisé l'union de la gauche a minima. 

Altrad et l'alliance improbable

L'objet politique qui attire tout les regards, bien au-delà de Montpellier, c'est cette surprenante alliance dévoilée à l'issue du dépôt des listes pour le second tour. L'homme d'affaires Mohed Altrad, 31e fortune française, patron du groupe industriel Altrad et du club de rugby Montpellier HR, a rebondi sur son score du premier tour (13,30%) pour s'allier avec trois listes, dont deux sont nettement estampillées à gauche. Une alliance qui "couvre un spectre très large et représentatif de la société", se réjouissait le milliardaire d'origine modeste. Entré sur la scène politique l'an dernier avec la promesse de "prendre le meilleur de la droite et le meilleur de la gauche", Altrad, qui prônait en 2016 la suppression des prud'hommes - de quoi faire tousser à gauche de la gauche - a mené jusqu'ici une campagne axée sur l'emploi et le social. 

A ses côtés, Clothilde Ollier, infirmière, militante écolo et syndicaliste CGT dont le parcours a été singulièrement chaotique depuis le lancement de la campagne. Il semble loin, le temps où, tête de liste EELV, elle caracolait en tête des sondages et laissait espérer aux écologistes la conquête de cette grande métropole. Le 18 janvier dernier, l'état-major écolo lui a retiré cette investiture, lui reprochant d'avoir massivement recruté ses colistiers parmi des militants LFI. S'en est suivie une brève bataille juridique autour de l'utilisation du logo EELV, puis une candidature indépendante soutenue par une partie des Insoumis locaux. "En travaillant avec Mohed Altrad, il nous a offert les garanties maximales de pouvoir cogérer, travailler ensemble pour promouvoir l'écologie", assurait la candidate après l'accord, vantant l'union des "énergies citoyennes" pour "bâtir enfin un autre modèle de ville et en finir avec le système en place". Un choix qui, malgré tout, a fait exploser l'équipe de campagne. Dans une lettre commune, 41 colistiers, dont des proches de LFI, ont dénoncé une "trahison". 

L'autre alliée estampillée à gauche, Alenka Doulain, à la tête d'un mouvement citoyen baptisé "Nous Sommes", était soutenue par LFI au premier tour. La candidate a justifié le grand écart en assurant que l'alliance avec l'homme d'affaires serait celle de "l'écologie populaire pour tous contre les tambouilles politiciennes du vieux monde." 

Rémi Gaillard, l'imprévisible

S'il était absent lors de la présentation de l'accord, l'humoriste et youtubeur Rémi Gaillard (près de 7 millions d'abonnés) fait bien partie du curieux attelage orchestré par Mohed Altrad. Initialement, celui qui avait mené la campagne "Yes We Clown", dénonçant la classe politique et se faisant le porte-parole "des sans-dents, des qui traversent la rue, des intermittents du spectacle" devait discuter, fort de ses 9,58% au premier tour, avec la gauche de Michaël Delafosse, aux côtés de Clothide Ollier et d'Alenka Doulain. "Ma ville, je t'écris pour te dire la colère de voir les tartuffes sauver un petit nombre d'élus plutôt que la vie", a-t-il finalement tweeté, désabusé, peu avant la clôture des candidatures pour le second tour, comparant les négociations à la série "La Casa de Papel". Avec Altrad, le trio a finalement obtenu 23 places sur 65. 

Rémi Gaillard, lui, a d'ores et déjà indiqué sur son compte Facebook qu'il ne voulait pas de siège pour lui-même. Il devrait céder sa place à une colistière. Ce qui n'empêche pas l'humoriste de poursuivre la campagne, toujours sur le ton bouffon, quitte à cibler Mohed Altrad, qu'il surnomme "le milliardaire". Quand l'homme d'affaires s'est présenté comme "le patron" de la nouvelle alliance, Rémi Gaillard a répliqué, sur son compte Twitter : "Attention aux fake news. Le patron, c'est moi.

Pour la suite, les contours restent un peu flou. Mohed Altrad a laissé entendre qu'il pourrait laisser progressivement les deux mandats, à la métropole et à la ville, à ses colistières. 

Deux candidats qui espèrent jouer les recours

Dans ce contexte politique baroque, les deux autres candidats en lice espèrent encore incarner la cohérence et rallier les électeurs qui auraient été perdus dans la pagaille du premier tour. 

Le maire sortant, Philippe Saurel, a mis en avant sa gestion de la crise sanitaire et son sérieux pour briguer sa réélection et tenter de faire oublier son score inférieur à 20% au premier tour. Derrière lui, une liste "citoyenne, divers gauche, écologiste", a-t-il indiqué à Midi Libre. "Je ne change pas de cap. L’équipe est constituée de gens passionnés par Montpellier, beaucoup d’élus de la majorité sortante et 30 % de renouvellement." Si aucune fusion n'a été négociée avec la liste LaREM, le soutien de certains Marcheurs à ce maire qui a l'oreille d'Emmanuel Macron n'est pas exclu. "Saurel peut-il présenter un nouveau visage en trois semaines ? A-t-il compris qu'on ne dirige pas seul une ville ? Dans ce cas, pourquoi pas...", résumait jeudi le député Patrick Vignal à LCI, se donnant le temps de la réflexion. 

L'autre candidat, c'est Michaël Delafosse (16,66% au premier tour), à la tête d'une union PS-PCF-PRG, qui est parvenu à s'allier à la candidate EELV Coralie Mantion (7,42%). La tête de liste socialiste pourrait espérer trouver le soutien des électeurs de gauche, disséminés entre les nombreuses listes du premier tour et perdus par les jeux d'alliance. A l'arrivée, bien malin celui qui pourrait pronostiquer l'issue du second tour à Montpellier. 

Dans une enquête d'opinion publiée mardi 23 juin, le Midi Libre semblait en savoir un peu plus sur la question : Michaël Delafosse parviendrait à réunir 40% des suffrages. Le maire sortant, Philippe Saurel, se situe à 35%, tandis que l'outsider Mohed Altrad, lui pointe à 25%. 


Vincent MICHELON

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