"Non", "séisme"... Comment la presse avait-elle réagi à l'accession de Le Pen au second tour le 21 avril 2002 ?

Publié le 24 avril 2017 à 11h18
"Non", "séisme"... Comment la presse avait-elle réagi à l'accession de Le Pen au second tour le 21 avril 2002 ?

FLASHBACK - Pour la deuxième fois de l’histoire de la Ve République, un membre de la famille Le Pen se qualifie pour le second tour de l’élection présidentielle. Si la qualification de Marine ne surprend guère la presse ce lundi matin, celle de Jean-Marie, il y a 15 ans, avait pris de court les grands quotidiens français et étrangers…

Comme son père Jean-Marie le 21 avril 2002, Marine Le Pen s’est hissée dimanche soir au second tour d’une élection présidentielle. Une demi-surprise puisque la patronne du Front National a longtemps caracolé en tête des sondages, avant d’être rattrapée puis doublée par Emmanuel Macron lors des dernières semaines de campagne. Si leur duel fait bien naturellement la une de la presse, avec des titres forts – le "Marche ou crève" de Society ou "La Droite K.-O" du Figaro – on est loin de la sidération consécutive à l’élimination de Lionel Jospin, il y  a 15 ans déjà...

Ce que disait la presse française...

"Le choc" pour Le Parisien. "La bombe Le Pen" pour France Soir. "Le séisme", titrait pour sa part Le Figaro le matin du 22 avril. "Le coup porté hier par les électeurs renvoie en réalité à loin", pouvait-on lire sous le plume de Jean De Belot. "Voilà longtemps en effet que les discours se sont éloignés de la réalité, que la recherche du consensus a empêché les choix clairs, que les décisions essentielles de la politique française semblent avoir échappé aux politiques."

C’est un immense "Non", au-dessus du visage de Jean-Marie Le Pen, qui barre la une de Libération le 22 avril. "La gueule de bois ce matin, est terrible", écrivait Jean-Michel Thénard. "La France est à l'index, montrée du doigt, la honte des démocraties. La France des Lumières, celle qui aime faire la leçon à l'Autriche et à l'Italie, se retrouve avec une extrême-droite 'raciste, antisémite et xénophobe', selon les mots d'Alain Juppé."

Déjà tourné vers le second tour, Le Monde s’adressait au chef de l’Etat sortant avec ce titre : "Chirac : 'La France est entre vos mains'". Dans son édito, Jean-Marie Colombani soulignait la responsabilité de l’ancien maire de Paris : "Son histoire personnelle était jusqu'à présent celle d'une carrière politique, avec des moyens que la morale publique réprouve. Le voilà qui soudain tutoie l'Histoire. Et peut enfin jouer le rôle dont il a rêvé : être président d'une République qu'il faut réformer, pour la faire de nouveau aimer."

Le premier tour vu par les médias étrangersSource : Sujet JT LCI
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Ce que disait la presse étrangère...

"Beaucoup de Français ressentent la présence de Le Pen au second tour comme une honte", écrivait le quotidien allemand Die Welt. "L'avertissement qu'ont voulu donner les électeurs n'aurait guère pu être plus violent (…) D'ores et déjà, les dégâts sont énormes pour le système politique français, l'image de la nation championne de la défense des vertus démocratiques est très endommagée."

Tonalité plus sévère encore dans le Berliner Zeitung : "Quel spectacle pitoyable attend la France, l'Europe et le monde démocratique le premier dimanche de mai : Chirac dans la pose du vainqueur sur un extrémiste mis au ban, considéré comme un paria et un raciste, mais qui pourra prétendre avoir été placé deuxième par les électeurs français dans la course à la plus haute fonction de l'Etat. Un cauchemar. Jacques Chirac va rester président, mais à quel prix ?".

"Pardonne-leur, Marianne, les électeurs n'ont pas dû savoir ce qu'ils faisaient", pouvait-on lire dans le quotidien belge Le Soir. "Ce 21 avril, l'Hexagone, pays des Lumières, berceau des droits de l'homme, modèle des démocraties occidentales, n'est évidemment pas devenu tout à coup xénophobe. La France n'a pas propulsé le leader du Front national. Elle l'a laissé entrer par effraction. Pis : elle lui a laissé la clé."

Décrivant un "Régicide surprise", le quotidien italien La Stampa soulignait que "personne n'avait vu cette nation aller à la dérive et une frange si consistante de la société prendre congé de la politique classique, des alternances ordonnées, de la manière dont sont gérées les institutions et administré l'Etat (…) D'une certaine manière, le déclin a été tenu pour acquis. Et Le Pen nage comme un poisson dans l'eau dans les marécages de la décadence."

Pour The Guardian, "le fait que 17 % des électeurs puissent considérer un tel ogre politique comme un chef d'Etat potentiel montre combien la fonction présidentielle a été dévaluée." Pour le quotidien britannique, M. Chirac en porte la principale responsabilité. Ses cinq années difficiles de cohabitation avec Lionel Jospin ont sérieusement affaibli son rôle de "monarque républicain» tel que l'avait défini à son profit le général de Gaulle en 1958."

Même consternation outre-Atlantique : "Un bulletin de vote sur six vient d'aller à Le Pen, un homme qui dénigre les immigrants, qualifie l'euro de 'monnaie d'occupation' et considère la mondialisation comme un complot pour permettre aux super-fermes américaines d'enterrer les petits exploitants français", observait le Washington Post. "On peut penser que Le Pen perdra largement le second tour du mois prochain. Mais cela n'en reste pas moins un événement choquant."

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Jérôme VERMELIN

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