Sortie de l'état d'urgence : que contient l'avant-projet de loi polémique contre le terrorisme ?

Publié le 9 juin 2017 à 17h50
Sortie de l'état d'urgence : que contient l'avant-projet de loi polémique contre le terrorisme ?

ZOOM - "Le Monde" a dévoilé jeudi la première mouture de l'avant-projet de loi contre le terrorisme, qui doit permettre, à terme, de lever l'état d'urgence en intégrant certaines dispositions exceptionnelles dans le droit commun. Ces premières mesures alarment les syndicats de la magistrature. De quoi s'agit-il ?

Sortir d'un régime d'exception tout en conservant des mesures d'exception. La première mouture du projet de loi contre le terrorisme, censé permettre la sortie de l'état d'urgence instauré au soir des attentats du 13 novembre 2015, apparaît comme un périlleux travail d'équilibriste. Le document, qui doit être présenté au Conseil des ministres le 21 juin, a été dévoilé jeudi par Le Monde, suscitant immédiatement des réactions inquiètes dans le monde judiciaire et politique. 

La philosophie du texte, qui doit être transmis au Conseil d'Etat, alarme les défenseurs des libertés publiques en prévoyant une transposition de certaines mesures dans le droit commun. "Il faut faire preuve d'un cynisme politique sans égal pour prétendre que la sortie d'un état d'exception passe par son infiltration dans un droit qui n'aura bientôt plus rien de commun", fustige le Syndicat de la magistrature, tandis que l'USM déplore "l'exclusion du contrôle de l'autorité judiciaire" dans cet avant-projet de loi. "Mettre l'état d'urgence dans le droit commun serait un grave recul du pouvoir judiciaire, qui serait absolument inutile pour notre sécurité", a également dénoncé, vendredi sur LCI, l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot, sur la même ligne que le PS. 

Yannick Jadot (EELV) : "Mettre l'état d'urgence dans le droit commun serait un grave recul du pouvoir judiciaire qui serait absolument inutile pour notre sécurité"Source : Sujet JT LCI
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Sur Europe 1, le Premier ministre Edouard Philippe a assuré vendredi qu'il n'était pas question de pérenniser l'état d'exception sous une autre forme. "On ne peut pas vivre de façon permanente dans un système d'état d'urgence", a-t-il répété, promettant que la future loi respecterait la Constitution. 

Que contient donc ce texte d'ores et déjà polémique ?

Assignation élargie à résidence

Sous le régime de l'état d'urgence en vigueur depuis dix-neuf mois, des centaines d'assignations à résidence ont été prononcées contre des individus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Dans le document dévoilé par Le Monde, il est prévu que le ministre de l'Intérieur puisse, après en avoir informé le procureur de la République, assigner l'individu non pas à son domicile, mais dans un périmètre déterminé "qui ne peut être inférieur à la commune" et qui puisse lui laisser la possibilité de "poursuivre sa vie familiale et professionnelle". 

Comme dans le régime d'état d'urgence, il pourra lui être demandé de se présenter périodiquement aux services de police, y compris le week-end. Cette assignation serait limitée à trois mois mais renouvelable sur décision motivée. Elle serait justifiée lorsque les autorités ont "une raison sérieuse de penser" que le comportement de l'individu "constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public". 

Perquisitions administratives

Autre mesure héritée de l'état d'urgence : la possibilité pour le préfet de procéder à une perquisition administrative "en tout lieu", y compris au domicile d'une personne. Mais au lieu de "notifier" simplement cette décision au procureur de la République, le texte exige une "autorisation" du procureur avant la perquisition. 

Celle-ci intervient en principe entre 6 heures et 21 heures, sauf dans des cas exceptionnels, qui devront être motivés.  

Surveillance électronique

L'une des dispositions les plus polémiques de l'avant-projet prévoit la possibilité pour les autorités, sur la base d'une simple suspicion, de placer "sous surveillance électronique mobile" (autrement dit le bracelet électronique) une personne. Il faudra, précise le texte, que l'intéressé donne son accord "par écrit" pour être placé sous une telle surveillance. 

Données personnelles

L'avant-projet de loi intègre des mesures concernant les données personnelles des personnes. Le ministre de l'Intérieur pourrait ainsi obliger quelqu'un à déclarer ses "identifiants de communication électronique" après en avoir informé le procureur de la République. 

De même, lors de la perquisition, il serait possible d'accéder aux données contenues dans un ordinateur, en attendant a posteriori l'autorisation du juge des référés du tribunal administratif d'exploiter les données. 

Périmètre de sécurité

Le texte mentionne la possibilité pour le préfet de déterminer par arrêté, sur simple notification au procureur de la République, un périmètre précis "de protection" limitant la circulation des personnes. A l'intérieur de ce périmètre, les forces de sécurité, y compris la police municipale, pourront procéder à des palpations de sécurité, à l'inspection visuelle et à la fouille des bagages.

Fermeture des lieux de culte

La loi de juillet 2016 relative à l'état d'urgence avait déjà facilité la possibilité de fermeture provisoire des lieux de culte par les autorités administratives lorsque seraient tenus des propos provoquant à la haine, à la violence ou à la commission d'actes terroristes. 

Le nouvel avant-projet pérennise cette possibilité, prévoyant que le préfet puisse par arrêté fermer un lieu de culte dans la limite de six mois, avec une possible procédure contradictoire et un recours suspensif devant le juge. 


Vincent MICHELON

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