Comment prendre sa retraite à 30 ans : venue des Etats-Unis, la méthode FIRE fait des émules en France

par Sibylle LAURENT
Publié le 23 octobre 2018 à 14h35, mis à jour le 4 décembre 2021 à 8h40
Comment prendre sa retraite à 30 ans : venue des Etats-Unis, la méthode FIRE fait des émules en France
Source : Thinkstock

JEUNE ET RICHE ? - Présentée comme "un mouvement qui prend de l’ampleur", la méthode FIRE vise à permettre d’acquérir une "indépendance financière" à 30 ou 40 ans, et ce pour le reste de sa vie. Elle vient des Etats-Unis et commence à séduire en France. Explications.

Carl Jensen était ingénieur en informatique dans la banlieue de Denver. Tout la journée, il codait des machines pour du matériel médical. Un travail laborieux et ô combien stressant : une erreur, et la vie de patients était en jeu. Carl Jensen gagnait environ 110.000 dollars par an (environ 96.000 euros). Un bon salaire, mais qui ne compensait, pas, selon lui, le stress généré par son métier. 

Un soir, après une journée particulièrement rude, il est rentré chez lui et a cherché dans Google "Comment prendre sa retraite plus tôt". Il a peaufiné un plan, avec sa femme. Ils ont économisé une grosse partie de leurs revenus au cours des cinq années suivantes et ont tâché de réduire au maximum leurs dépenses. Jusqu’à accumuler une épargne de 1,2 million de dollars. Et, le 10 mars 2017, Carl Jensen a appelé son patron et lui a donné sa démission. Il avait 43 ans. Il est parti à la retraite. 

Comment (vite) gagner de l'argent

Fou ? Utopique ? En fait, pour parvenir à ses fins, Carl Jensen a suivi la méthode FIRE. FIRE est un acronyme, signifiant Financial independence & retire early.  Le mouvement séduirait un nombre grandissant de travailleurs, beaucoup de millenials, souvent des CSP+, résolus à quitter à un travail trop pressurisant, chronophage, et une économie basée essentiellement sur le consumérisme, estime le New York Times, qui a consacré un article au sujet, en septembre dernier.  

Depuis quelques années en effet aux Etats-Unis, les blogs et sites de salariés "jeunes retraités" fleurissent, se faisant apôtres de la méthode. Comme Our next Life, tenu par un couple parti en retraite à 38 et 41 ans ; Early retirement dude, par un jeune retraité de 36 ans, ou encore les Frugalwoods, un couple qui raconte sa "simple life" après les beaux quartiers de Boston. Bref, tout le monde y va de son changement de vie. Et le sujet passionne : sur le site communautaire d’actualités sociales Reddit, le topic "financial independence" est suivi par près de 500.000 personnes.  Mais l’un des premiers à avoir élaboré la recette, et à la faire partager, - en tout cas, il le revendique - est un "Mister Money Moustache". Depuis 2011, sur un blog,  il donne ses bons conseils pour se mettre à la retraite à 40 ans. 

La recette du FIRE fonctionne en quatre étapes, comme le synthétise, le site français le Cercledesrentiers.com. Le principe est de réussir à acquérir une indépendance financière, au prix d’un changement de vie.  

La méthode a ses variantes, avec les pratiquants du "Lean FIRE" (frugalité extrême), ceux du "Fat FIRE" (maintien d’un niveau de vie plus aisé  tout en épargnant et en investissant) ou encore du  "Barista FIRE" (travailler à temps partiel après avoir pris sa retraite, pour la société). Sur le fond, tout cela relève en fait du bon sens : il s’agit au final de dépenser moins que ce que l’on gagne, et d’investir la différence. 

L’idée de se retirer du monde du travail, de mener une vie frugale, n’est en soi pas nouvelle. En témoignent les très puritains Shakers en 1700 ou les hippies des années 70.  Mais FIRE semble pour le coup dépouillé de toute aspiration spirituelle. Au contraire, il est très pragmatique. Pour Vicki Robin, auteure de "Your money or your life, 9 steps to achieving financial independence", livre paru en 1992 mais devenu l'une des bibles du mouvement, les profils des adeptes FIRE sont très différents des "décroissants" des années 1990. "Le propos de notre livre n'était pas d'inciter toute une classe d'âge à quitter son emploi, mais plutôt de réduire la consommation pour sauver la planète", explique-t-elle dans le New York Times. "Notre courant a attiré des gens attirés par une vie simple, ou animés par une religion, ou encore des écologistes."

A l'inverse, les adhérents à FIRE sont "très soucieux des chiffres, fascinés par les minuties de la fiscalité et de la comptabilité". Les pratiquants sont en effet loin d’être de doux illuminés. Car pour "bâtir leur vie sans prendre l’argent en considération", ils calculent, cogitent, financent très précisément leur sortie de route. 

Le mot de l'éco : La réforme des retraites, ça va décoiffer !Source : Sujet JT LCI
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Et en France ?

Forcément, une telle promesse séduit un peu partout. En France, le sujet fait ainsi ui aussi beaucoup parler sur Reddit. Avec des problématiques bien précises. "Est-ce possible en France ?", s’interroge un internaute, qui rappelle qu’aux Etats-Unis, le pays est peu taxé, alors qu’en France, les systèmes de couverture santé ou de sécurité sociale, "permettent plus difficilement de prendre des risques". En France aussi, des blogs surgissent et des gourous de la frugalité ou de l'investissement se lancent, comme Esprit riche. Son auteur, Michaël Ferrari, indique être "devenu millionnaire", en "virant (son) patron en 2008" et en investissant dans l'immobilier. Il revendique 102.000 abonnés et "partage (son )parcours" lors de conférences et dans des articles. 

Un autre Français, Nicolas Guenzi, raconte sur son site "avoir eu la possibilité de prendre (sa) retraite en 2014", à l’âge de 32 ans, grâce à de l’investissement immobilier : il a acheté son premier appartement à Lyon à 18 ans. Aujourd’hui, il a accumulé 2,5 millions d’euros de patrimoine immobilier, et peut vivre, avec sa famille et 2.500 euros par mois, sur l’île Maurice. Et désormais, s'il travaille encore, c'est qu'il l'a choisi. Et ça, ça change tout.

Mais devenir jeune retraité, c’est aussi un sacrifice sur le court terme. Interviewé dans le magazine Complément d’enquête, un homme, infirmier libéral, fait des journées de 13 heures, loge chez sa mère et réduit au maximum ses dépenses personnelles. Objectif : accumuler 500.000 euros avant ses 40 ans, puis les investir dans une dizaine d’appartements, dans les Bouches-du-Rhône. En attendant, sa vie est entre parenthèses. Pas (ou plus) de petite amie, pas de vacances, peu de dépenses, beaucoup de travail. "Alors oui, quand je vois une belle voiture, que mes collègues me parlent leur voyage, c’est tentant, je ne profite pas de tout ça, mais c’est provisoire", dit-il.  "Mon objectif tellement élevé, que je me dois de faire des sacrifices à la hauteur." Fabriquer sa retraite, le travail d'une vie ?


Sibylle LAURENT

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