Le coronavirus "cas de force majeure" : comment le gouvernement veut protéger (et rassurer) entreprises et salariés

par Sibylle LAURENT
Publié le 28 février 2020 à 13h47
Le coronavirus "cas de force majeure" : comment le gouvernement veut protéger (et rassurer) entreprises et salariés
Source : AFP

MONDE DU TRAVAIL - Les organisations syndicales et patronales ont été reçues ce vendredi matin par les ministres du Travail, de l'Economie et de la Santé, pour faire le point sur le coronavirus et les mesures à prendre en entreprise.

"Coronarivus et monde du travail." Cela sonne comme le titre d'une thèse en six tomes, mais c'est le thème de la réunion qui s’est tenue ce vendredi matin entre les ministres de la Santé, du Travail et de l’Economie. Olivier Véran, Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire ont rencontré les organisations syndicales et patronales "pour faire le point" sur  le coronavirus et les "mesures à prendre dans les entreprises". Une manière de rassurer, et redire toute l’attention que prête le gouvernement au monde du travail face à l’épidémie. C'est ce que se sont employés à faire les trois ministres pendant un point presse au sortir de la réunion.

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a d'abord rappelé les consignes et recommandations sanitaires. Elles vont être mises en ligne sur le site du gouvernement, sous forme d’une liste de questions réponses destinées aux entreprises et aux salariés.

Selon ces consignes, les salariés qui reviennent d’un pays à risque doivent prévenir leur employeur, et respecter les mesures habituelles d’hygiène. L’employeur peut demander au salarié de télétravailler ou aménager son poste de travail pour limiter la contagion, voire modifier des dates de congé déjà posées. En cas d’impossibilité à s’accorder entre employeur et salarié, ce dernier peut prendre contact avec l’agence régionale de santé pour qu’un médecin habilité procède à l’établissement d’un avis d’arrêt de travail. Un décret  voté le 1er février supprime le délai de carence, et permet de toucher des indemnités journalières pour la Sécurité sociale. Ce délai de carence va aussi être supprimé pour les employeurs. 

Un élément nouveau annoncé ce vendredi matin : "Les salariés parents d’un enfant qui doit être isolé pourront être mis en arrêt maladie avec les indemnités journalières. C’est un cas particulier que nous ouvrons pour faciliter la vie des parents dans ce contexte", a indiqué Muriel Pénicaud.

Mesures financières pour les entreprises

Les entreprises dont l'activité est impactée vont, elles, voir le recours à l’activité partielle – c’est-à-dire le chômage partiel - devenir "possible", a poursuivi la ministre. Du point de vue des salariés, Muriel Pénicaud a lancé un "appel à la responsabilité citoyenne pour que tout personne se déclare si elle a été dans une zone à risque, pour que toutes les mesures puissent être prises en compte". 

Bruno Le Maire a ensuite enfoncé le clou : le coronavirus sera "considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises". Cela signifie que "pour tous les marchés publics de l'État, si jamais il y a un retard de livraison de la part des PME ou des entreprises, nous n'appliquerons pas de pénalité", a précisé le ministre, qui a également annoncé, en plus des "possibilités de recours à l'activité partielle", "l'étalement des charges sociales et fiscales pour les entreprises qui en auront besoin".

Les entreprises face au coronavirus : un employeur peut-il placer d'autorité l'un de ses salariés en quarantaine ?Source : JT 20h Semaine

L'opération visait notamment à répondre aux interrogations des entreprises confrontées à ces salariés qui rentrent de vacances, ou sont amenés à partir en voyage d'affaires dans des zones contaminées. Les employeurs sont en fait uniquement tenus par leur obligation de sécurité, comme le précise l’article L4121–1 du code du travail : ils doivent prendre des mesures pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale de leurs salariés. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, mais aussi des actions de formation et d'information. Ce qui reste tout de même vague pour une mise en application concrète...

Depuis le début de semaine, avec l'apparition des foyers en Italie, beaucoup de grands groupes ont toutefois pris en interne des premières mesures. D’abord de communication et d’information, avec la diffusion de mails ou de spots sur les gestes d’hygiène à respecter. Plusieurs grands groupes français avec des antennes à l’international sont allés plus loin : ils ont aussi banni les voyages d’affaires de leurs salariés vers les pays touchés, comme la Chine, La Corée, l’Iran ou l'Italie. Comme l’Oréal, qui a suspendu les déplacements de ses employés jusqu’à fin mars ; Nestlé jusqu'au 15 mars ; Total, Danone, SNCF, SEB, Société Générale, Beneteau qui ont suspendu les missions dans les zones à risques. Dans d'autres groupes,  comme Pernod Ricard ou Sanofi , les déplacements dans des pays sont étudiés au cas par cas, et soumis à l’autorisation d’un supérieur, voire du comité d'exécution. Certains, à l'image de Sanofi ou la Saur, ont installé des cellules de crise. 

Interviewé ce vendredi matin sur le plateau de LCI, Benoît Serre, vice-président délégué de l'Association nationale des DRH, a fait un point sur la situation : selon lui, celle-ci "évolue tous les jours, mais on est assez bien informés". "Les entreprises sont confrontées à une prise de décision quasi quotidienne, en fonction de l’évolution" des choses. Et si les entreprises ont pu au début être prises un peu au dépourvu, "on commence à s'organiser", dit Benoît Serre. "Les voyages vers les zones très touchées, c est terminé. On commence a voir apparaître l’interdiction des réunions de plus de 20, 25 personnes, et une recommandation, quand une réunion est nécessaire, est de privilégier la solution à distance."

Pour lui,  cette réaction rapide des entreprises "répond aussi à autre chose" : "C'est que les salariés eux-mêmes sont inquiets. Il faut donc répondre à une forme d’inquiétude, même si elle est déraisonnable à ce stable. Ils ont besoin de savoir, par beaucoup de communication et d'informations, que leur entreprise a pris en compte cette situation."  


Sibylle LAURENT

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