Chômage : une forte baisse en 2019 qui cache des disparités selon le sexe, l'âge et les régions

Publié le 27 janvier 2020 à 14h56, mis à jour le 28 janvier 2020 à 8h58

Source : JT 20h Semaine

ETUDE - Le nombre de chômeurs de catégorie A a diminué de 3,3% en 2019 pour s'établir à 3, 3 millions de personnes en France entière. C'est la plus forte baisse sur une année depuis la crise de 2008, selon les chiffres publiés lundi par Pôle emploi. Que recouvre cette baisse ?

C’est une nouvelle baisse. Pôle emploi a publié ce lundi midi le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi, pour le 4e trimestre. Et les chiffres confirment l'embellie sur le front du chômage observée tout au long de l'année.

En moyenne au 4e trimestre 2019, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de chercher un emploi s’établit, toutes catégories confondues, à 5, 4 millions. Parmi elles, 3, 3 millions de personnes sont sans emploi (catégorie A), les autres (catégories B et C) ont une activité réduite. 

Et d'après les derniers chiffres, en France métropolitaine, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A baisse de 1, 7% (- 55 700) ce trimestre, et de 3, 1% sur un an.  C’est la plus forte baisse sur une année depuis la crise de 2008. Le nombre de personnes exerçant une activité réduite courte (catégorie B) diminue de 3,3 % par rapport au trimestre précédent et celui des personnes en activité réduite longue (catégorie C) recule de 0,5 %. Au total, le nombre de demandeurs d'emploi en catégories A, B, C diminue de 1,6 % ce trimestre (–87 700) et de 2,9 % sur un an.

Les hommes et les jeunes s'en sortent mieux

Dans le détail, cette baisse profite davantage à certaines catégories. Elle profite ainsi davantage aux hommes qu’aux femmes : pour la seule catégorie A ,  le nombre moyen de demandeurs d'emploi diminue de 1,9 % pour les hommes (–3,2 % sur un an) et de 1,4 % pour les femmes (–3,1 % sur un an). 

La baisse bénéficie aussi aux jeunes, notamment les moins de 25 ans : le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A diminue au 4e trimestre 2019 de 2,2 % pour les moins de 25 ans contre 1,9 % pour les 25 à 49 ans et 0,9% pour les 50 ans et plus.  

Enfin, l'embellie touche toutes les régions, sauf la Corse (1, 6%). La baisse la plus forte concerne la région Centre Val de Loire, avec une baisse de 3% au 4e trimestre. Suivent ensuite la région du Grand Est (- 2, 4%), les régions Bourgogne Franche Comté et PACA (-2, 2%), la Nouvelle Aquitaine (-2, 1%). A noter, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion connaissent elles aussi de fortes baisse du nombre de chômeurs, allant de -4, 6% pour la Guadeloupe, à – 2% pour la Réunion. 

Le chômage de longue durée est, enfin, aussi en repli. Les inscrits (A, B et C) depuis plus d’un an sont en baisse de 1,7 % au quatrième trimestre (-2,5 % sur un an), soit 2,583 millions de personnes.

Assurance-chômage : les salariés en CDD pénalisésSource : JT 20h WE

Les chiffres ne disent cependant rien de la qualité de l'emploi, trouvé par les ex-chômeurs. "On peut avoir une baisse du chômage pour des bonnes raisons, parce que j’ai trouvé un emploi. Mais cela ne dit rien sur la qualité de mon emploi", relève Eric Heyer, directeur du département Analyse et prévision à l’OFCE, à LCI. 

Sur la qualité "objective" du travail, les données de l’Accos, la caisse de la Sécurité sociale, montrent qu'il y a une "très légère amélioration" : "Dans les contrats signés, il y a un peu plus de CDI, et les CDD sont un peu moins courts qu’il y a deux ans par exemple. Mais si on regarde sur le long terme, c’’est un peu différent : globalement en 2000, 50% des CDD signés étaient de moins de un mois ; maintenant c’est plutôt 66 %. Il y a eu une forte progression des contrats court, qui a atteint un pic en 2015 avec 70% de contrats courts, et qui est un peu retombée. Mais la tendance longue est tout de même d’avoir des contrats de plus en plus courts".

L’économiste pointe également des critères subjectifs, de qualité de l’emploi : "Par exemple, je suis salarié du secteur intermédiaire, une avec qualification élevée. Je tombe au chômage et je retrouve un emploi, en CDI, mais dans un service moins bien rémunéré. Je peux considérer que cet emploi me déclasse. Et ce sentiment de déclassement existe, car on voit apparaître une polarisation du marché du travail : avant, il existait des emplois très qualifiés, des emplois intermédiaires et des emploi peu qualifiés. Aujourd’hui, on détruit l’intermédiaire. Du coup il est possible que je sois passé d’un emploi intermédiaire à un emploi peu qualifié."

Derrière cette embellie, la question de la croissance

Cette embellie du chômage semble portée, essentiellement, par la création d’emploi, qui est au beau fixe depuis quelques mois. "Ces créations d’emplois sont liées à la sortie de la crise", explique Xavier Timbeau, directeur de l'OFCE à LCI. "Nous avons mis dix ans à en sortir, et en voilà les effets." L'Insee s'attendait à 263.000 créations d'emploi nettes sur l'année contre 230.000 en 2018. "Le facteur qui explique le mieux la création d’emploi, c’est la croissance économique", explique Eric Heyer. "Ce qui est très étonnant, c’est qu’on ait créé autant d’emplois avec notre croissance qui est en ralentissement, de 1,2 ou  1,3 % en 2019… Soit cela veut dire que la croissance va être révisée à la hausse, car nous n’avons pas encore tous les chiffres et elle serait en fait plutôt de 1,7 ou 1,8% ; soit  il n’y a pas de révision, et cela veut dire qu’aujourd’hui on a moins besoin de croissance pour faire baisser le chômage. Et que donc la productivité du travail accélère beaucoup moins vite." 

La première raison peut être structurelle : "On observe dans beaucoup de pays développés le fait qu’il y ait beaucoup moins de gains de productivité. La deuxième raison est plus conjoncturelle : le gouvernement met en place des politiques qui enrichissent la croissance en emploi, souvent par des baisses sur le coût du travail, comme le CICE ou le pacte de responsabilité, en encourageant les entreprises à embaucher plutôt des personnes peu qualifiées, qui ont une productivité plus faible, et cela fait baisser les gains de productivité de l’économie. Ces politiques ont pu avoir un effet, mais c’est généralement transitoire, et surtout,  le CICE par exemple date de 2013-2014, donc il aurait des effets très retardés. "

Enfin joue probablement à la marge dans cette baisse le suivi plus efficace des chômeurs de la part de Pôle emploi. En effet, au 4e trimestre, la reprise d’emploi déclarée compte pour 21% des sorties du chômage. A côté de cela, les cessations d’inscription pour défaut d’actualisation constituent ainsi 43, 9% des sorties des catégories A, B ou C pour le 4e trimestre 2019 ; les radiations administratives constituent 8, 6%. "Cela peut jouer dans une certaine mesure sur la baisse du chômage, mais on ne peut pas vraiment conclure qu’il y a une volonté de faire sortir les chômeurs des statistiques par ce biais-là", nuance Xavier Timbeau. "En effet, le chômage est un droit. Donc vous pouvez être sorti un mois des chiffres, parce que vous ne vous êtes pas réactualisé à temps, mais le mois d’après, vous vous réinscrivez. Du coup, si on regarde les variations au mois le mois, même sur un trimestre ça peut jouer. Mais sur un an, non. La baisse ne sera pas liée à ces radiations : ce n’est pas possible de faire baisser le chômage par des radiations pendant une année."

Pas de certitude pour 2020

Cette embellie pourrait-elle être une tendance de long terme ? L'économiste pointe les difficultés à prévoir. "Nous sommes tout de même dans un ralentissement mondial, les effets des politiques de soutien à l'emploi petit à petit disparaissent. Il reste les réformes qui viennent d'être lancées, comme celle de l'Assurance chômage. Comment vont-elles impacter l'emploi ? Difficile à dire. C'est pour cela qu'aujourd'hui chez les prévisionnistes, autant la baisse du chômage était bien indiquée, autant sa poursuite est beaucoup plus sujette à précaution. On reste tout de même sur des baisses très légères, cela se joue vraiment sur l'épaisseur du trait".


La rédaction de TF1info

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