FOCUS - Il était attendu avec impatience par les entreprises, le gouvernement l'a officialisé ce mercredi : un nouveau protocole sanitaire de déconfinement, allégé, vient remplacer celui qui était en vigueur depuis le 3 mai dernier, ainsi que les 90 fiches métiers qui encadraient rigoureusement la reprise dans les commerces.
"Plus souple, tout en maintenant une vigilance". C’est par ces mots que Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a présenté le nouveau protocole national de déconfinement en entreprise, qui entre en vigueur dès ce mercredi, pour accompagner entreprise et employeurs "dans cette nouvelle phase de reprise de l’activité".
Ce nouveau protocole, allégé – 14 pages au lieu de la vingtaine de la version précédente – était attendu avec impatience par les entreprises, soumises à des règles très strictes, qui freinaient la reprise de l’activité. Ce nouveau document entend donc les simplifier compte tenu de la situation sanitaire, "en voie d’amélioration significative". Il remplace également les 90 guides métiers co-élaborés par le ministère du travail, les autorités sanitaires, les branches professionnelles et les partenaires sociaux, qui concernaient l’ensemble des commerces et activités. "Il est plus souple tout en maintenant une vigilance pour protéger les salariés comme les clients", dit ainsi la ministre du Travail. "La reprise de l’activité ne doit pas empêcher la prudence. Nous devons rester vigilants car le virus circule toujours." Le point sur ce qui change.
Ce qui change
> Le télétravail ne sera plus considéré comme la norme, "sauf pour les travailleurs à risque de forme grave de covid-19, et à leur demande". "Le télétravail n’est plus la norme mais il reste une solution à privilégier dans le cadre d’un retour progressif à une activité plus présentielle, y compris alternée", précise le document. La mesure est nouvelle, alors que jusqu’à maintenant, le gouvernement demandait aux entreprises de rester en télétravail autant que possible.
> La règle des 4 mètres carrés disparaît. C’était l’un des principaux freins au retour des salariés : pour les faire revenir, les employeurs devaient se livrer à de savants calculs sur la surface dont ils disposaient, les bureaux devaient permettre d’avoir 4 mètres carrés minimum autour de chaque salarié. Dans le nouveau texte, "chaque collaborateur doit pouvoir disposer d’un espace lui permettant de respecter la règle de distanciation physique d’au moins un mètre par rapport à toute autre personne", stipule le document. Un assouplissement qui ressemble beaucoup à ce qui a été fait dans les écoles : le respect d’une distance d’au moins un mètre entre les personnes devient la norme ; la jauge des 4 m2 est désormais un "simple outil" qui reste proposé à "titre indicatif". En revanche, précise le ministère, en cas de difficulté à respecter cette distance d’un mètre, le port du masque est obligatoire pour le salarié ; le salarié porte un masque lorsqu’il est amené à être en contact à moins d’un mètre d’un groupe social constitué librement de personnes qui ne portent pas de masque
Conséquences très concrètes, dans les petits commerces : les boulangers ou charcutiers, qui disposaient de petites surfaces, pourront donc décider de faire rentrer plus de clients en même temps dans leur magasin. Avant la règle était impérative, on ne pouvait y déroger, même avec le port du masque. De même dans les bureaux, cet allègement va permettre une présence beaucoup plus importante.
> Une "attention particulière" doit être portée aux travailleurs détachés, aux travailleurs saisonniers et aux intérimaires et titulaires de contrat de courte durée. L'employeur doit s'assurer qu'ils connaissent les mesures sanitaires, ainsi que les dispositifs de protection de la santé des salariés au sein de l’entreprise équivalente à celle des autres salariés. Ils doivent aussi "s’attacher à mettre en œuvre les mesures de protection sur les lieux de travail et lorsqu’ils assurent l’hébergement de ces travailleurs."
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Ce qui ne change pas
> Le port du masque n’est pas obligatoire. Il n’est conseillé qu’en dernier recours, quand la règle du mètre de distance ne peut être respectée. En revanche, il faut éviter de porter des gants, indique le texte. "Ils donnent un faux sentiment de protection. Les gants deviennent eux-mêmes des vecteurs de transmission."
> Le nouveau protocole insiste sur le fait d’en passer par le dialogue social et l’information en interne : "Le dialogue social est un élément essentiel pour la mise en œuvre des mesures prévues par ce protocole", précise d'emblée le protocole. "La bonne information de l’ensemble des salariés et la concertation au sein de chaque unité de
travail est également indispensable."
> L’employeur reste tenu de procéder à des nettoyages ou désinfections réguliers, au minimum une fois par jour, et à chaque rotation sur le poste de travail, "des objets et points contacts que les salariés sont amenés à toucher sur les postes de travail et dans tous lieux sous responsabilité de l’employeur, y compris les sanitaires et lieux d’hébergement."
> L'employeur doit établir un plan de circulation doit veiller au respect des flux. "L’objectif est de limiter le risque d’affluence et de croisement (flux de personnes) et de concentration (densité) des personnels et des clients afin de faciliter le respect de la distanciation physique", dit le protocole. "L’employeur cherchera, outre les réorganisations du travail permettant de séquencer les process, à revoir l’organisation de l’espace de travail et au besoin des tranches horaires des travailleurs pour éviter ou limiter au maximum les regroupements et les croisements".
> Un contrôle de température à l’entrée des établissements/structures n’est pas recommandé, mais le ministère de la Santé conseille à toute personne de mesurer elle-même sa température à son domicile. En revanche, si les entreprises ont un "rôle à jouer dans la stratégie nationale de dépistage", notamment en relayant les messages des autorités sanitaires, il "n’est pas de leur rôle d’organiser des campagnes de dépistage virologique pour leurs salariés."
Les réserves
> Un référent Covid-19 est désigné. Dans les entreprises de petite taille, il peut être le dirigeant. "Il s’assure de la mise en œuvre des mesures définies et de l’information des salariés", indique le texte. Ce point avait été révélé par la Confédération des petites et moyennes entreprises qui émettait des réserves : "C'est une contrainte supplémentaire", estimait son président François Asselin mardi dernier sur BFM Business. "On ne voit pas très bien ce que ça va apporter de plus dans l'entreprise, si ce n'est d'exposer une fois de plus l'entrepreneur".
> Réserves aussi de la CPME sur les mesures concernant la "manutention d'objets qui passent de personne à personne", une mesure qui existait déjà dans le précédent protocole sanitaire. Selon le texte en effet, certaines activités nécessitent, pour des cycles de temps, des échanges ou manipulations d’objet entre salariés ou entre salariés et clients. Un protocole sanitaire spécifique doit être établi avec le nettoyage et la désinfection régulière de ces objets ; le salarié doit aussi se laver systématiquement les mains avant et après l’usage de l’objet, et lorsque ces objets ne peuvent faire l’objet d’une procédure de nettoyage ou de défroissage à la vapeur tels que sur l’habillement et la chaussure, l’employeur organise un protocole sanitaire de mise en réserve temporaire, 24 h minimum). "On dit qu'il faut désinfecter ces objets. Imaginez dans un supermarché comment ça doit se passer", estime Françis Asselin, estimant la mesure "floue et peut être soumise à interprétation."