#PerriScope n°17 - Un 1er mai de combat pour sauver notre modèle social

PASCAL PERRI
Publié le 1 mai 2020 à 12h13
#PerriScope n°17 - Un 1er mai de combat pour sauver notre modèle social
Source : LCI

CHRONIQUE - Ce 1er mai 2020 est unique à bien des égards. Avec le confinement, pour une grande partie du pays, le temps social a suspendu son vol. C'est dans ce contexte qu'un communiqué commun du Medef, de la CFDT et de la CFTC a été publié.

En France, le 1er mai, fête du travail a été pendant longtemps la vitrine flamboyante du mouvement syndical français. Ceux qui ont connu le XXe siècle politique et social se rappellent de défilés monstres, de centaines de milliers de manifestants, voire de millions. Le 1er mai, partout dans le monde, on célèbre le travail. Jour férié, jour chômé. Ce 1er mai 2020 restera dans l’histoire sociale un épisode singulier ! Avec le confinement, pour une grande partie du pays, le temps social a suspendu son vol. La France est pour moitié au chômage partiel depuis quelques semaines. Et dans ce contexte, il faut prêter attention au communiqué commun MEDEF, CFDT, CFTC (oui ! vous avez bien lu) publié ce jeudi et disponible sur le site des organisations signataires : "Afin qu’un drame économique et social ne vienne pas s’ajouter à un drame sanitaire, les signataires de cette déclaration considèrent qu’il est essentiel que la vie économique et sociale de la Nation soit progressivement restaurée, dans des conditions de sécurité optimales pour les salariés qui l’exercent. "

Ce 1er mai devrait être la fête de l’union sacrée (...) entre ces deux facteurs de production, travail et capital

Le communiqué prend acte de la situation. Les derniers indicateurs sont très alarmants. La chute du PIB français au 1er trimestre est sans égale, supérieure à celles de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne. Le scénario de l’écroulement n’est pas une pure fiction ! Le MEDEF, la CFDT et la CFTC entendent privilégier des solutions proches du terrain, les bonnes pratiques dans les entreprises, le dialogue social pour, au total, "assurer la pérennité économique et sociale du pays, l’avenir de certains secteurs et la sauvegarde de l’emploi". Sauvegarde de l’emploi et du régime d’Assurance chômage durement sollicité ! Les patrons et la CFDT ont été (avant la mise sous tutelle de l’UNEDIC) les gestionnaires les plus engagés de notre système de l’assurance chômage. Ils savent mieux que d’autres combien sa gouvernance est fragile, étroitement liée  à la conjoncture (L’UNEDIC devrait terminer l’année 2020 avec une dette supérieure à 50 Mds d’€). 

Pour résumer, célébrer le travail en ce 1er mai 2020, c’est s’interroger sur son avenir dans une société en crise profonde. J’entends bien le discours qui dit en substance  n’affolons pas les Français, ne les inquiétons pas, la crise sanitaire est déjà suffisamment pénible à supporter. On peut en effet faire l’autruche. Le fait d’ignorer la situation ne contribuera pas à l’améliorer. Il faut au contraire ouvrir les yeux et peser le poids de nos choix collectifs. C’est la production qui créé de la richesse à partager, la production de biens ou de services, association du capital et du travail. Ce 1er mai devrait être la fête de l’union sacrée, au moins momentanée, entre ces deux facteurs de production, travail et capital, pour sauver ce qui ressort des intérêts communs de l’un et de l’autre. 

Le modèle social français, chef d’œuvre politique en péril est à sauver

 Nul ne sera donc surpris de retrouver, y compris en ces circonstances inédites, les positions historiques de la représentation syndicale. Deux familles de syndicats vivent cote à coté, parfois face à face, dans l’univers du travail : d’un coté des organisations présentées comme réformistes, disponibles pour négocier des compromis sociaux sur un marché libre, candidates à la coproduction des normes sociales, de l’autre des organisations d’inspiration révolutionnaire qui contestent le modèle de production et les structures du marché. Ce Yalta syndical et social est le produit de notre (belle) histoire sociale : la conscience de classe du mouvement ouvrier remonte en France à la moitié du XIXe siècle. Après la "seconde révolution" de 1848, pendant tout le Second empire, les Français s’émancipent et le mouvement social s’organise. Il exprime "une conscience de classe".

Pendant la période couvrant la fin du XIXe et la première partie du XXe, de la chute de Napoléon III au Front populaire de 1936, le mouvement social anime les luttes dans le monde du travail. Il se renforce dans des secteurs comme le transport ferroviaire. Les cheminots obtiennent un régime de retraite unifié en 1909 et 1911. Les passerelles avec les partis politiques se multiplient. Cependant, les premières vraies lignes de partage apparaissent. Le mouvement syndical se sépare au Congrès de Tours en 1920, où deux courants s’opposent sur les voies et moyens pour faire aboutir leurs revendications. C’est l’héritage de la Révolution d’Octobre : des révolutionnaires d’un coté, des réformistes de l’autre. En un siècle, 1920-2020, la France a connu une histoire sociale mouvementée : naissance de Force ouvrière, éclatement à la CFDT sous l’influence d’Edmond Maire qui provoque le départ des éléments les plus radicaux (vers SUD), naissance de l’UNSA, syndicalisme décentralisé fondé sur la démocratie locale… Le 1er mai, symbole fécond de cette longue histoire nous appelle aujourd’hui au chevet de notre modèle social. Le modèle social français, chef d’œuvre politique en péril est à sauver. 


PASCAL PERRI

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