SOLIDARITÉ - La start-up Parcours parfait s’est lancée au début du mois, avec un curieux but : elle se propose de remplir les trous dans les carrières professionnelles, souvent pointés du doigt par les employeurs. Qu’y a-t-il derrière tout ça ? LCI vous donne la réponse.
"Vous préférez être honnête ou trouver du travail ? On vous aide à effacer les trous de votre CV !" Voilà ce que propose Parcours parfait, une start-up lancée début octobre. Proposition indécente, pour un objectif très pragmatique.
Car c’est bien connu : la nature a horreur du vide, les recruteurs encore plus. Alors ce trou que vous avez dans votre parcours professionnel pourrait vous donner des sueurs froides face à un employeur pointilleux. Parcours parfait vous construit donc un alibi, aux dates qui correspondent. Et hop, le trou est bouché. Le recruteur veut vérifier ? Il appelle Parcours parfait, dont le contact figure sur le CV. "Fini le stress pré-entretien d’embauche !", se réjouit, dans une vidéo diffusée sur le site de la société, Aurélie Fournier, la fondatrice. "On n’invente rien, on remplit juste des moments de break dans un CV. On profite d’un vide juridique..."
Les femmes ont plus de mal à trouver un travail que les hommes
Aurélie Fournier, fondatrice de Parcours parfait
L’idée de ce petit... arrangement est venu "en voyant ma mère, mes amies, les mères de mes amies...", raconte Aurélie Fournier. "Les femmes ont plus de mal à trouver un travail que les hommes, et encore plus quand elles reviennent d’une grossesse ou d’un petit break, volontaire ou non... "
Vous préférez être honnête ou trouver du travail ?😉 https://t.co/oJXtskbIR2 le premier site qui vous aide à effacer les trous dans vos CV. #greve #solution #competences pic.twitter.com/bFlf9Tfa8x — Parcours Parfait (@FournierAlexa12) 9 octobre 2018
Postée sur les réseaux début octobre, la vidéo a interpellé. Forcément. Sauf qu’Aurélie Fournier n’existe pas, pas plus que cette start-up. Derrière cette opération de communication, une association de réinsertion, Tissons la solidarité, qui a voulu alerter sur la difficulté des femmes à retrouver un emploi après une période d’inactivité. Congé parental, séparation, accident de vie... Car si le remède de Parcours parfait est contestable, le constat posé est bien vrai.
Tissons la solidarité est un réseau de 75 structures, ateliers, chantiers et entreprises d’insertion, qui emploie près de 2.000 personnes sous contrat d’insertion de dix-huit mois, avec des formations dans le textile de luxe, correspondant à des besoins bien constatés. Les personnes aidées ont de 25 à 55 ans, tous profils. Mais il s'agit... à 83% de femmes. "Certaines ont un diplôme qui n’est pas en adéquation avec les besoins du bassin, d’autres n’ont pas travaillé pendant plusieurs années, ont connu des accidents de vie, ou vécu des délocalisations... ", décrit à LCI Caroline Portes, directrice générale de l’association.
Un trou dans un CV n’est pas une perte de compétences !
Caroline Portes, directrice générale de Tissons la solidarité
Le constat est là : "On se rend compte que les femmes que nous accompagnons se retrouvent bloquées dans leur recherche d’emploi", raconte-t-elle. "Quand elles postulent en ligne, elles sont squizzées, soit parce qu’elles n’ont qu’elles n’ont pas le niveau de diplôme, soit parce qu’elles n’ont pas les années d’expérience demandées. Pourtant, elles ont les compétences demandées." Et tout change dès lors que le contact "dans la vraie vie" se fait : "Dès qu’on arrive à rencontrer les DRH, qu’on leur présente notre formation Tissons, qu’on leur présente des candidates, elles sont embauchées. Et ça se passe super bien après."
C'est donc ce verrou du passage de CV qu'il faut faire sauter. Caroline Portes le dit, elle n'attend pas des entreprises qu'elles fassent une B.A. "J'attends d'elles qu’elles embauchent des personnes qui ont les compétences, évidemment. Et qu'elles ne contribuent pas à sortir des gens du système, juste parce qu'à un moment donné leur CV ne correspond pas à un parcours parfait. Un trou dans un CV n’est pas une perte de compétences !"
Je n’ai jamais vu des gens qui avaient autant la niaque
Caroline Portes, directrice générale de Tissons la solidarité
Caroline Portes sort de ses gonds quand un recruteur lui souffle que, bon, les personnes en précarité sont tout de même des gens "faibles". "C'est tout le contraire !", s'indigne-t-elle. "Je n’ai jamais vu des gens qui avaient autant la niaque : ces femmes n’ont plus d’argent le 3 du mois, se battent avec leurs enfants, vont déposer des CV... Quand je vois le combat qu’elles doivent mener pour s’en sortir, la précarité, c’est tout sauf de la fragilité !" Bref, oubliez les préjugés, arrêtez de vous limiter au CV, martèle-t-elle : "Alors en effet, elles n’ont pas un parcours, des diplômes d’écoles. Mais elles ont autre chose, qui a tout autant de valeur."
Plus généralement, elle appelle tous les acteurs de la chaîne à changer. "La précarité, c’est le problème de tout le monde, de l’Etat, des associations, des entreprises. Il faut travailler ensemble. Parce que si l’Etat développe la formation professionnelle, si elle n'est pas reconnue par les entreprises, cela ne change pas notre problème à nous. Et on laissera automatiquement de côté des personnes qui ont du talent."