L'usure des pneus et des freins, bientôt la principale émettrice de particules fines dans les villes

C.A.
Publié le 10 décembre 2020 à 17h19
L'usure des pneus et des freins, bientôt la principale émettrice de particules fines dans les villes
Source : iStock

POLLUTION - Dangereuses pour la santé, les particules fines risquent de représenter d'ici peu la première source d’émissions atmosphériques de particules liées au trafic routier, devant les gaz d’échappement, rapporte un rapport de l'OCDE.

L'usure des freins, des pneus et des revêtements routiers pourrait bientôt représenter la première source d’émissions atmosphériques de particules liées au trafic routier, et ce devant les gaz d’échappement, alerte l'OCDE dans un rapport publié lundi 7 décembre. Alors que l'émergence des véhicules électriques tend en effet à faire diminuer la quantité de particules rejetées via les gaz d’échappement, l'augmentation du trafic routier et le poids croissant des véhicules, eux, produisent l'effet inverse. Selon les auteurs du rapport, qui regrettent que le problème soit "ignoré" par les autorités, la masse de ces particules fines liées aux frottements mécaniques des freins et des pneus va augmenter de 53,5% d’ici 2030.

Les voitures électriques parfois plus émettrices que les véhicules thermiques

La mise en circulation croissante de véhicules électriques et à hydrogène est indéniablement une bonne nouvelle concernant la problématique de la pollution de l'air, ces véhicules n'émettant pas de CO2 à l'usage. Pour autant, elle ne mettra pas fin à l'émission des particules fines dans l'air, avertit l'OCDE. Le problème pourrait même s'accentuer sans la mise en place de politiques publiques adéquates, car si les véhicules électriques légers, à faible autonomie, rejettent entre 11 et 13% de PM2.5 (particules de diamètre inférieur à 2,5 micromètres) de moins que les véhicules thermiques de même catégorie, les véhicules électriques dotés de lourdes batteries qui leur donne une grande autonomie affichent des émissions de PM2.5 de 3 à 8 % plus élevées que les véhicules classiques.

"En l'absence de politiques ciblées pour réduire les émissions autres que les gaz d'échappement, les préférences des consommateurs pour une plus grande autonomie et une plus grande taille de véhicule pourraient donc entraîner une augmentation des émissions de particules dans les années à venir avec l'adoption de véhicules électriques plus lourds", avertissent les auteurs du rapport. Le style de conduite des automobilistes (vitesse, freinage) influence aussi largement le taux d'émissions du véhicule. 

Les particules fines liées à l'usure des pneus ou des freins non prises en compte par les politiques publiques, malgré leur dangerosité

Actuellement, les politiques publiques ne prennent en considération que les émissions d'échappement. Les particules fines engendrées par l'usure des freins, des embrayages, des pneus et des revêtements routiers, ainsi que la remise en suspension de la poussière de la route, sont pourtant particulièrement toxiques chez l'homme, insiste le rapport. Plusieurs études au cours de la dernière décennie ont démontré leurs liens avec des infections respiratoires aiguës, des cancers du poumon et des maladies respiratoires et cardiovasculaires chroniques. De plus, souligne le document, les dommages sanitaires liés à ces particules "peuvent être disproportionnellement importants par rapport aux autres sources d'émissions de particules, car les niveaux d'émission les plus élevés ont tendance à être localisés dans les zones à plus forte densité de population".

Selon Walid Oueslati, économiste à l'OCDE et coordinateur du rapport, la pollution des freins, pneus et poussières du macadam jouera "un rôle central dans le futur". "Au niveau national, les politiques publiques doivent prendre en compte cette pollution. Et nous avons aussi besoin de coopération internationale sur ce sujet", a-t-il indiqué lors d'une conférence de presse.

Limiter le poids des véhicules et privilégier des modes de transport alternatifs pour limiter la pollution

Face à ces constats, les auteurs du rapport recommandent, pour une question de santé publique, d’établir des méthodes normalisées de mesure des émissions de particules hors échappement de tous les véhicules. Ils suggèrent également que les véhicules électriques ne soient pas exonérés des péages destinés à réduire la pollution automobile, comme avait pu le proposer Ségolène Royal en 2016, puis un rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les concessions d'autoroute le 18 septembre dernier.

Les réglementations ciblant la circulation routière devraient également, selon le rapport, tenir compte de facteurs comme la composition des pneus et le poids des véhicules. "Dans la mesure où les véhicules plus légers usent moins les freins et les pneumatiques, les mesures d'allègement des véhicules constituent une mesure technologique particulièrement efficace pour réduire les facteurs d'émission", souligne l'OCDE. Depuis 2010, le poids moyen des voitures diesel a augmenté de 7%, et celui des essences, de 14%, soit environ 100 kilos par véhicule.

L'organisation aimerait enfin que les décideurs privilégient des mesures visant à raccourcir les déplacements motorisés, limitent l’accès des véhicules aux zones urbaines et encouragent les transports collectifs, la marche et l’usage du vélo.


C.A.

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