Projet de rapport du Giec : une divulgation qui embarrasse la communauté scientifique

par Vincent KRANEN
Publié le 23 juin 2021 à 18h35
Projet de rapport du Giec : une divulgation qui embarrasse la communauté scientifique
Source : YANN COATSALIOU / AFP

FUITE - Un projet de rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a été diffusé mercredi matin dans les médias, avant sa relecture et sa validation. De quoi gêner la communauté scientifique.

Aller plus vite que la musique. C'est peut-être ce qu'il est arrivé avec la diffusion, ce mercredi matin, par l'Agence France-Presse, d'un "projet de rapport" du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), l'organisme international chargé d’examiner et d'évaluer les données scientifiques les plus récentes pour la compréhension des changements climatiques.

Après la publication de la dépêche, de nombreux climatologues français du Giec ont répondu aux médias par le mutisme, gênés de devoir commenter un brouillon non validé. Ceux-ci rappelaient, par SMS, que le processus normal de validation du rapport était toujours en cours. François Gemenne, un des auteurs du futur rapport du Giec, a rappelé cet après-midi sur son profil LinkedIn qu'il "s'agit d'une version très préliminaire et partielle d'un volume du rapport, qui date de novembre 2020". 

"Contrairement à ce qu'on a pu lire, ce n'est pas cette version qui sera approuvée en février 2022. Cette version n'intègre pas les 40.000 commentaires reçus sur ce texte, et [...] des sections qui sont encore en cours d'écriture", souligne le spécialiste des migrations. "La légitimité et l'autorité des rapports du Giec vient de leur processus de relecture et de validation très sophistiqué. Si l'on divulgue des résultats avant l'issue de ce processus, on porte atteinte à la crédibilité des travaux du Giec dans leur ensemble."

Il n'est pas scientifique et rigoureux de commenter un résumé
Françoise Vimeux, climatologue

La climatologue Françoise Vimeux, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) qui, elle, n'est pas membre du Giec, estime également "qu'il y a un problème" scientifique à partager et à commenter un brouillon d'un résumé technique du futur rapport.

"La version finale du résumé sera sans doute très différente du brouillon", fait-elle valoir. "Il y a un problème parce que la qualité des résumés et des rapports du Giec repose pour partie sur les processus de relecture et de corrections qui s'ensuivent. Il n'est donc pas scientifique et rigoureux de commenter un résumé ou un rapport non abouti, non validé et non publié."

Dans un communiqué de presse, publié ce mercredi, le Giec a lui-même rappelé qu'il était "engagé dans un processus d'évaluation ouvert, solide et transparent", faisant appel à des experts extérieurs pour la validation des rapports. Comme dans un processus classique de la science où toute publication doit être revue par les pairs. Une étape indispensable pour "garantir que le rapport est aussi précis, complet et objectif que possible", conclut l'organisme. 

La session du Giec visant à approuver le résumé du rapport, à l'intention des décideurs, est prévue du 14 au 18 février 2022. En attendant, les scientifiques et les gouvernements vont devoir achever le processus de relecture. Une façon d'éviter qu'à l'instar de la crise du Covid-19, les controverses scientifiques ne s'étalent sur la place publique.


Vincent KRANEN

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