"Ça n’était qu’une pause" : le déconfinement, une mauvaise nouvelle pour le climat

Publié le 22 avril 2021 à 12h55, mis à jour le 22 avril 2021 à 14h16
February 13, 2020, Lavau-sur-Loire, ruines d'une usine à charbon
February 13, 2020, Lavau-sur-Loire, ruines d'une usine à charbon - Source : LOIC VENANCE / AFP

ENTRETIEN – La chute des émissions de gaz à effet de serre provoquée par les confinements successifs a été de courte durée, selon l’Agence internationale de l’énergie. De quoi interroger nos plans pour relancer l’activité, le jour d’un sommet international sur le climat.

Alors que le déconfinement est imminent en France, avec la reprise annoncée des déplacements de plus de 10 km dès le 3 mai prochain, un nouveau rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pointe les dangers climatiques de la reprise de l’activité. Si une chute historique des émissions de gaz à effet de serre a été observée en 2020, année du début de la pandémie, avec un recul de 5,8% des émissions liées à l’énergie, cette année devrait être celle d'un rebond, tout aussi important, prévient l'agence.

Ainsi, l’AIE prévoit que les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie pourraient bondir de 1,5 milliard de tonnes en 2021 et que la consommation d'énergie pourrait augmenter de 4,6% par rapport à 2020. Alors que l’Union européenne a entériné un accord sur une baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 et que les États-Unis se sont accordés sur une baisse de l’ordre de 50% à cette même échéance, que reste-t-il de la transition écologique dans la vie post-pandémie ? Anne Bringault, coordinatrice des opérations chez Réseau Action Climat, revient sur ces enjeux pour LCI.

LCI : Le rebond des émissions de gaz à effet de serre attendu lors du déconfinement va être critique d’après l’AIE. Quelle en est la cause ?  

Anne Bringault : Le rapport de l’Agence internationale de l'énergie prévoit effectivement que les émissions de CO2, qui avaient baissé pendant la crise sanitaire, repartent à la hausse en 2021 et rattrapent quasiment les émissions de 2019, d’avant la crise. Ça voudrait dire que cette baisse n’était finalement qu’une pause dans une hausse continue des émissions de gaz à effet de serre qui affectent le climat. Pourquoi ? Parce que l’on n’a pas fait les transformations structurelles pour sortir des énergies fossiles, à la fois dans la production d’électricité où l’on utilise encore trop le charbon dans de nombreux pays et dans les transports où l’on utilise encore trop l’essence et le diesel, carburants issus du pétrole qui a des impacts sur le dérèglement climatique.

La plupart des plans de relance dans le monde ne font pas le choix de la transition écologique. Par exemple, en France, il y a beaucoup de milliards qui vont dans des secteurs où il y a des énergies fossiles. On prévoit une baisse des impôts de production de 20 milliards par an, qui va durer d’ailleurs au-delà des deux ans du plan de relance, et qui est un cadeau fiscal pour toutes les entreprises, même si elles sont dans le secteur des énergies fossiles, les plus polluants.

Alors, comment fait-on pour concilier le déconfinement et une baisse des émissions de 55% d’ici à 2030, conformément à l’accord européen ?

Pour atteindre cette baisse, qui rappelons-le n’est pas suffisante pour rester en deçà de 1,5 degré de hausse des températures, on sait qu’au niveau européen, il faut sortir au plus vite du charbon s'agissant de la production d’électricité et aller vers des scénarios 100% énergies renouvelables. On sait que dans les transports, il faut arrêter au plus vite de vendre des véhicules essence et diesel et ce bien avant 2040, la date actuellement fixée en France : au plus tard en 2030, idéalement avant. Mais on ne pourra pas remplacer tous les véhicules thermiques actuels par des véhicules électriques, qui ont aussi un impact sur l’environnement. Il faut donc envisager une évolution de la mobilité avec davantage de transports collectifs, des moyens pour le train et les infrastructures ferroviaires. Et pour l’instant, il ne se passe rien. Il n’y a aucun changement sur la mobilité en France à la veille de la reprise des déplacements, alors qu’il s’agit du premier secteur émetteur de gaz à effet de serre et qu’il n’y a quasiment aucune baisse depuis plus de dix ans.

Que doit-on attendre d'un sommet sur le climat comme celui d'aujourd'hui ? 

Un sommet international de ce type est fait pour engager une dynamique. Les États-Unis reviennent dans l’Accord de Paris, ils vont annoncer un nouvel objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre avec un plan d’investissement. L’enjeu est que tous les grands pays émetteurs annoncent un renforcement de leur objectif mais aussi des plans concrets pour y arriver. 

L’autre grand enjeu est le financement pour les pays impactés par le dérèglement climatique. On sait que les plus impactés ne sont pas les plus responsables des émissions de gaz à effet de serre : ce sont souvent des pays pauvres, en particulier en Afrique. Il y a donc un enjeu à ce que les pays riches, qui ont été la cause de ces émissions, financent davantage le soutien aux pays impactés, à la fois pour effectuer leur transition mais aussi pour parer aux impacts du dérèglement, avec potentiellement des famines, des déplacements de populations à cause de la montée du niveau des mers. Nous ONG, attendons de la France qu’elle annonce un objectif de 8 milliards d’euros par an pour ces pays. Mais nous avons peu d’espoir d’une annonce importante de la part d’Emmanuel Macron.


Caroline QUEVRAIN

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