Une transaction en bitcoin consomme-t-elle autant d'énergie qu'un ménage en une semaine ?

Publié le 8 juillet 2021 à 20h49
L'impact environnemental du bitcoin est depuis des années pointé du doigt.
L'impact environnemental du bitcoin est depuis des années pointé du doigt. - Source : Illustration Javier Esteban via Unsplash

ENVIRONNEMENT - Monnaie virtuelle autant qu'objet de spéculation, le bitcoin est décrié pour ses transactions énergivores. Si les estimations varient, les chiffres ont de quoi interpeller.

"Un scandale." Lorsque Jean-François Carenco évoque l'impact du bitcoin en matière d'énergie, il pèse ses mots. Le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), invité de LCI mercredi, a expliqué qu'une "transaction de bitcoin, c'est 210 kilowatts heure", soit "la consommation d'un ménage pendant une semaine". Problème supplémentaire, ajoute-t-il, "c'est fait en Asie avec du carboné". Une estimation ancienne, qui devrait certainement être revue à la hausse.

D'importantes variations

Avant d'interroger le chiffre brandi par Jean-François Carenco, il est indispensable de préciser pourquoi le bitcoin requiert autant d'énergie. Sans détailler l'ensemble des protocoles informatiques à l'œuvre, gardons en tête que la sécurisation est assurée par des processus complexes de vérifications, ainsi que par une transparence complète de toutes les transactions, mises à jour et traçables à travers un immense registre. Ce registre est constitué de "blocs" et nécessite pour être actualisé une puissance de calcul informatique gigantesque. Pour disposer d'une telle puissance, fournie par des ordinateurs très gourmands en électricité, le réseau Bitcoin peut compter sur les "mineurs".

Derrière ce terme, des particuliers ou (plus souvent) des entreprises, qui mettent à disposition la puissance de calcul de leurs machines. Un acte indispensable pour assurer la tenue des transactions, mais qui n'est évidemment pas effectué de manière bénévole. Les mineurs se voient en effet récompensés, "payés" en bitcoins. C'est ainsi que des firmes investissent dans de gigantesques parcs informatiques, connectés en réseaux et qui fonctionnent 24 heures sur 24 à plein régime. L'engouement pour le bitcoin, dont les cours ont explosé en quelques années, a suscité l'essor de cette pratique.

Pour calculer l'énergie nécessaire pour une transaction, les spécialistes se cherchent à évaluer le matériel nécessaire pour assurer les besoins en minage tout en rendant cette activité profitable. Ils peuvent ainsi en déduire la consommation d'énergie théoriquement requise, puis effectuer une division par le nombre de transactions effectivement enregistrées. Le registre qui garde une trace de ces dernières étant accessible publiquement et impossible à contourner techniquement, on aboutit à des estimations qui nous fournissent un ordre d'idée assez précis. Les chiffres cités le plus souvent en exemple sont ceux d'Alex de Vries, data scientist et fondateur du site Digiconomist. Ce dernier propose "d'exposer les conséquences inattendues des tendances numériques, le plus souvent sous un prisme économique"

En 2017, c'est lui qui évoquait les 215 kilowatts heure (kWh) nécessaires à chaque transaction. Jean-François Carenco semble se baser sur cette estimation, puisqu'il reprend non seulement ce chiffre, mais aussi la comparaison avec la consommation hebdomadaire d'un ménage.

Des nuances à apporter

Pour effectuer ce parallèle, De Vries et Digiconomist se sont basés sur la consommation en énergie d'un foyer américain. Celle-ci étant deux fois plus importante que celle d'un foyer français, il serait plus juste d'évoquer la consommation pour deux semaines, si l'on souhaitait rendre plus juste la comparaison. Ce point mis à part, il convient aussi de noter que la consommation électrique dépend étroitement de la demande en bitcoin. Le réseau a été conçu pour que chaque bloc du registre soit généré par le minage en un temps similaire, d'environ dix minutes. Cela signifie que la complexité des calculs mathématiques soumis aux ordinateurs des mineurs varie, et que ceux-ci deviennent de plus en plus difficiles à résoudre lorsque le nombre de transactions va croissant.

Le bitcoin s'étant popularisé au fil des années, les volumes échangés ont très largement progressé. Ce qui s'est donc accompagné de besoins toujours plus importants en matière de puissance de calcul. Pour y subvenir, des réseaux d'ordinateurs plus performants et nombreux ont émergé, si bien que les estimations de 2017 méritent d'être revues à la hausse. Selon Digiconomist, elles ont été multipliées par plus de 8, avec une transaction nécessitant pas moins de 1792,35 kilowatts heure. Notons toutefois que cette tendance haussière pourrait s'atténuer à l'avenir, du fait d'un ralentissement prévu techniquement pour ce qui concerne la création de nouveaux blocs dans le registre. Il n'est ainsi pas inéluctable de voir les consommations électriques liées au bitcoin augmenter.

Réduire l'impact environnemental

Si Elon Musk a fait le choix en mai de ne plus autoriser les paiements en bitcoin pour son entreprise Tesla, arguant de l'impact environnemental induit, il a toutefois envisagé de revenir sur sa décision à l'avenir. Un choix qui sera conditionné à l'utilisation, dit-il, d'environ 50% d'énergie verte pour alimenter les machines nécessaires au minage. Conscients des enjeux, les acteurs des cryptomonnaies multiplient depuis de longs mois les projets visant à réduire leurs besoins et à "verdir" leur activité. 

Enfin, notons que contrairement à ce qu'affirme Jean-François Carenco, le minage n'est pas essentiellement une activité menée en Asie, avec des énergies carbonées. Les autorités chinoises ont en effet légiféré au cours des derniers mois pour encadrer et restreindre les "fermes" de minage qui voyaient le jour depuis plusieurs années. Si bien que des estimations récentes évoquent une activité réduite de 90%. Un déport vers d'autres pays est à prévoir, potentiellement aux États-Unis où de nombreux investisseurs s'intéressent aux cryptomonnaies. Des pays disposant de ressources énergétiques importantes, l'Islande notamment, sont également très prisés.

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Thomas DESZPOT

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