Euro 2016 – Portugal-France : avec ces Bleus, la victoire vient en souffrant

Publié le 10 juillet 2016 à 10h00
Euro 2016 – Portugal-France : avec ces Bleus, la victoire vient en souffrant

EQUIPE DE FRANCE – La victoire (2-0) de jeudi contre l’Allemagne, et la finale de ce dimanche (21h) contre le Portugal, ont fait naître enthousiasme et espoir. Mais elles font aussi oublier tout un contexte, entre évènements dramatiques et tensions sociales, dont on se demande s’il n’est pas justement à l’origine du parcours des Bleus dans cet Euro 2016.

Patrice Evra n’a de cesse de le répéter. La dernière fois, c’était jeudi soir, après la qualification pour la finale, au détriment des champions du monde allemands : "Le déclic est venu de France-Ukraine." Lors de l’entretien exclusif qu’il nous avait accordé juste avant l’Euro, il expliquait, au sujet de ce barrage qualificatif pour le Mondial 2014 remporté 3-0, après avoir perdu la manche aller 2-0 à Kiev : "Depuis, on se dit que rien n’est impossible. On sait que cette équipe a une force de caractère, le mental pour réaliser quelque chose de grand." Le joueur ne parle ici que de sport. Mais pour peu que l’on se penche un peu plus longuement sur le terreau qui a fait germer la graine de la confiance et donné le noyau dur de ce groupe, on trouve vite une autre date charnière : celle du 17 novembre 2015. Et un autre lieu que le Stade de France : le temple de Wembley, à Londres.

On a eu la chance d’être là, et d’être réconforté par les Anglais dans les taxis et dans les rues, avant même de se rendre à ce match amical Angleterre-France (2-0), joué quatre jours après les attentats de Saint-Denis et de Paris. Ce soir-là, Lassana Diarra, qui avait perdu sa cousine, Asta Diakité, lors de l’assaut des terrasses dans le 11e arrondissement de Paris, était présent pour chanter la Marseillaise, reprise par tout le public. Et jouer. "On lui a dit qu'il pouvait partir mais il a voulu rester. C'est un geste fort de solidarité. Sa présence est rassurante. Les autres ont parlé avec lui", avait indiqué, les larmes aux yeux, Didier Deschamps, lors de sa conférence de presse de veille de match. Lassana Diarra a dû déclarer forfait in extremis pour l’Euro 2016. Mais son esprit demeure. Du reste, sa décision de quitter courageusement le groupe de lui-même a accentué sa solidarité.

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Il y a eu des morts le 13 novembre, tandis que se jouait un France-Allemagne (2-0, dèjà…) au Stade de France. La première victime de ces attentats, tuée près de l’enceinte, était Franco-Portugaise, et il faut bien dire que la coïncidence est troublante. "On a connu des moments difficiles cette année, des évènements dramatiques, des histoires extra-sportives. Le fait d’avoir répondu présent sur le terrain nous donne un peu plus de fierté encore, a dit Hugo Lloris samedi. De sentir tout le public français derrière nous, de sentir cette joie partagée entre les joueurs et le public, ça renforce les liens. Et c’est pour ça qu’il faut absolument gravir cette dernière marche. Pour finir cette histoire de la meilleure des manières. Je pense que les Français ont eu vraiment besoin de s’évader à travers cette compétition. Le sport a cette force de rassembler, d’unir, et on peut bien le voir dans ce qu’on est en train de vivre. La dernière étape est la plus dure. Mais ça vaut le coup de finir sur les rotules."

On reproche souvent à Hugo Lloris sa platitude en conférence de presse. Alors profitons-en pour le remercier. Les morts, la sex-tape ayant conduit les deux meilleurs attaquants de l’équipe de France, Karim Benzema et Mathieu Valbuena, dans une tornade judicaire, le contrôle anti-dopage faussement positif de Mamadou Sakho (il vient tout juste d’être blanchi par l’UEFA), les forfaits de Raphaël Varane, de Jérémy Mathieu et de Lassana Diarra, les accusations de racisme à l’encontre de Didier Deschamps, la pancarte "Giroud blesse-toi stp" lu par le joueur à Nantes avant d’y essuyer des sifflets. Les inondations, les manifestations, les grèves, les violences entre Russes et Anglais à Marseille et à Lille...

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L’arrêt de Lloris à la 4e minute du match d’ouverture France-Roumanie, le but de Dimitri Payet pour arracher la victoire (2-1) à la 89e, l’ouverture du score de Griezmann contre l’Albanie à la 90e, le penalty non sifflé pour les Suisses dans les arrêts de jeu (0-0), l’Irlande et l’Islande en 8es et en quarts, la main de Schweinsteiger à la fin d’une première période sans voir le jour, la blessure de Jerome Boateng à l’heure de jeu, Samuel Umtiti et Moussa Sissoko... On dit que la chance se provoque. Et les miracles ? Tout cela n’a plus tellement d’importance, à l’heure de jouer le Portugal. Mais il faut se souvenir. Se souvenir qu’il faut souffrir pour être beau. Souffrir pour de vrai. Pour tout dire, on en est même à souhaiter que les Portugais nous fassent beaucoup souffrir ce dimanche.

"Depuis le match amical au Portugal en septembre, il s’est passé beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses, pas forcément agréables, voire très désagréables, mais bon, ça fait partie de cette année sportive. Aujourd’hui, je ne vais pas dire que tout est effacé, mais on est là. On est en finale. Les joueurs le méritent. Et c’est le match le plus important, bien plus que les autres, tout simplement parce qu’il y a un titre au bout", a lâché samedi Didier Deschamps, l’homme le plus conscient qui soit de la valeur et des bienfaits d’un trophée. Interrogé la semaine dernière sur le climat social tendu dans le pays, Patrice Evra s’était montré lucide : "On a conscience de tous les problèmes. On veut vraiment faire quelque chose de grand pour calmer les tensions. On sait que ça ne les changerait pas, mais ça apporterait un peu de bonheur." Et un peu, en l'occurrence, c’est déjà beaucoup. 


La rédaction de TF1info

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