90 terroristes cachés en Ile-de-France ? "Le renseignement est crédible"

par William MOLINIE
Publié le 5 février 2016 à 18h38

TERRORISME - La témoin qui a permis aux policiers de localiser Abaaoud a rapporté que le terroriste prévoyait de viser un centre commercial, une crèche et un commissariat à La Défense. Il lui aurait aussi confié qu’il était arrivé en France avec 90 autres djihadistes. Stratégie pour terroriser ou information à prendre avec sérieux ? Metronews a posé la question à des policiers.

Quel crédit accorder à des propos prononcés par un terroriste et rapportés par un témoin ? Les révélations  à la radio RMC  de Sonia, l’amie d’Hasna Aït-Boulahcen qui a dénoncé Abaaoud, confirme que des terroristes venus d’Irak et de Syrie ont empruntés la route des migrants pour entrer en Europe. Le terroriste lui aurait confié être arrivé jusqu’à Paris "sans document officiel". Le coordinateur des attentats de novembre lui a ainsi laissé entendre qu'il était accompagné de 90 autres djihadistes, répartis "un peu partout en Ile-de-France". Des Français, des Syriens, des Irakiens mais aussi des Allemands et des Anglais, lui aurait-il confié.

Prêts à commettre de nouveaux attentats ? Sollicité par metronews, Loïc Garnier, le patron de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), a indiqué n’avoir "aucun commentaire" à faire sur la crédibilité à accorder à ce renseignement.

"On a perdu la trace de beaucoup d’entre eux"

Réclamant l’anonymat, d'autres policiers reconnaissent ne pas être étonnés. "La cellule d’Abaaoud, une vingtaine d'individus, n’est qu’une infime partie de ceux qui sont entrés en Europe avec comme projet de commettre des attentats. Il y a d’autres cellules dormantes. Ce chiffre de 90 voudrait dire qu’il y aurait trois autres groupes dans la région. Le renseignement est malheureusement crédible", explique, auprès de metronews, un policier en poste dans un service antiterroriste.

D’ailleurs, tellement plausible que, selon nos informations, des recherches ont été entreprises par la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire pour tenter de "remonter" chacun des migrants qui se seraient enregistrés en Grèce en même temps que les kamikazes du Stade de France. "Le problème, c’est que les Grecs ont uniquement fait des photos, il n’y a pas eu de relevé d’empreintes digitales pour tout le monde. Et les noms donnés ne sont basés que sur du déclaratif", poursuit ce policier. Du coup, ajoute-t-il, "on a perdu la trace de beaucoup d’entre eux".

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Un commissaire bien informé relativise toutefois le nombre de 90 terroristes cachés dans la région parisienne donné par Abaaoud à l'amie de sa cousine. "On ne sait pas réellement quelle réalité cela recouvre. C’est un éclairage de la menace. Mais qu’ils soient 20, 40 ou 120, ça ne change pas le logiciel d’engagement des policiers sur la menace terroriste", commente-t-il.

"On travaille à l’aveugle"

Si ce renseignement ne surprend pas les services de renseignement, rien n’indique qu’il soit vrai. "Abaaoud a peut-être aussi voulu s’en vanter et a gonflé les chiffres pour impressionner son interlocuteur. On peut l’interpréter comme une forme de communication censée terroriser", fait remarquer une autre source policière. De la même manière, Sonia a indiqué aux policiers qu’Abaaoud avait comme projet d’attaquer le jeudi suivant les attentats du 13 novembre un commissariat, une crèche et un centre commercial à La Défense. "Etaient-ce des objectifs précis ou des déclarations d’ordre général ? De toutes manières, il n’y a plus personne pour en parler. Ce qui est certain, c’est que la menace est à son maximum", constate un cadre de la police judiciaire parisienne.

La communauté française du renseignement reste, trois mois après les attentats du 13 novembre, très sceptique. Quand, par qui et où se produiront les prochaines attaques en France, s’interrogent les spécialistes. "On travaille à l’aveugle", commente une autre source policière. "La principale faute a été de ne pas imposer un protocole au niveau européen permettant de mieux suivre les mouvements d’entrée et de sortie. Aujourd’hui, on le paye", conclut-il.


William MOLINIE

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