Attentat contre Charlie Hebdo : Amedy Coulibaly a-t-il fait du repérage pour les frères Kouachi ?

Publié le 4 janvier 2016 à 17h45
Attentat contre Charlie Hebdo : Amedy Coulibaly a-t-il fait du repérage pour les frères Kouachi ?

ENQUÊTE - Deux personnes fréquentant le 10, rue Nicolas-Appert, où étaient situés les locaux de Charlie Hebdo jusqu'à la tuerie du 7 janvier 2015, affirment avoir croisé Amedy Coulibaly au 2e étage de l'immeuble, début décembre 2014, soit un mois avant l'attaque des lieux par les frères Kouachi. Les deux témoins ont reconnu son visage quand celui-ci est apparu sur les écrans télévisés deux jours plus tard, lors de l'attaque de l'Hyper Cacher.

"J'ai vu Amedy Coulibaly dans l'immeuble de Charlie Hebdo un mois avant l'attaque, j'en suis sûr. Je l'ai reconnu tout de suite." Mathieu* est catégorique, le tueur de la porte de Vincennes est venu faire du repérage dans le bâtiment où était hébergé l'hebdomadaire satirique. "Quand la photo du tueur est apparue sur les écrans de télé, le jour de l'attentat de l'Hyper Cacher, je l'ai tout de suite reconnu. Pour moi, il était venu faire du repérage, c'est sûr."

Ce témoin-clé, que metronews a rencontré ce lundi 4 janvier au 10, rue Nicolas-Appert (11e), n'est d'ailleurs pas le seul à avoir vu Amedy Coulibaly. Dès le mois de mars 2015, l'agence Premières Lignes , située elle aussi au 10 rue Nicolas-Appert, avait réalisé un reportage pour Envoyé Spécial intitulé La Protection de Charlie Hebdo en question. Dans celui-ci, elle évoquait un autre témoin**, qui, sous couvert d'anonymat, avait déclaré avoir vu le tueur de l'Hyper Casher, le même jour que Mathieu.

"Il était très excité"

A l'époque, plusieurs portes pouvaient conduire aux locaux de Charlie, une entrée par le 10, une entrée par le 6, plus les entrées de parkings à chacun des numéros. "J'étais au deuxième étage de l'immeuble, du côté du 10 rue Nicolas-Appert, juste à côté de l'entrée des Editions Rotative, alias Charlie Hebdo, raconte Mathieu. Au bout du couloir, j'ai vu cet homme parler avec une personne qui travaille dans l'immeuble. Ce visiteur sortait de l'ascenseur, il était très excité."

Mathieu s'est approché de l'individu, et avec cet autre témoin que nous appellerons Gaspard, ils ont commencé à lui parler. "Il avait l'air un peu perdu. Nous lui avons demandé. 'Monsieur, où allez-vous ? Peut-on vous renseigner ?'. Il regardait partout. Puis il nous a lancé quelque chose comme : 'Moi, je ne parle pas aux gens qui m'agressent'. Mathieu et Gaspard rétorquent qu'ils ne l'agressent pas, mais qu'ils veulent savoir ce qu'il fait là. "'Je vais chez Ventcouvert', nous a-t-il répondu, raconte Mathieu. C'est une société qui commercialise des manteaux de cuir. On lui a dit : 'Ventcouvert, c'est bien au 6, mais au rez-de-chaussée'. Pour nous ça ne collait pas. Puis il est reparti, comme il était rentré".

"Une doudoune et un jean"

Mathieu se souvient très bien de la tête et de la tenue vestimentaire de celui qu'il dit être Coulibaly. "Il n'avait pas de bonnet ni rien, juste une grosse doudoune gris foncé, et un jean. "Quand j'ai recroisé le monsieur de l'immeuble, après que la tête de Coulibaly a été médiatisée, il m'a fait un signe, genre : "Tu l'as reconnu ?". Pour nous c'est sûr, c'est l'assassin de l'Hyper Cacher qui était là". Un mois avant l'attentat du 7 janvier, donc.

Pourquoi ni Mathieu ni Gaspard n'ont-ils signalé la présence de cet homme à la police ce jour-là ? Les deux disent que s'ils avaient été prévenus des menaces contre Charlie Hebdo, ils auraient appelé le commissariat du quartier ou le 17, mais ils ne l'étaient pas.

Selon Luc Hermann, journaliste et producteur associé de Premières Lignes, Gaspard a fait part de cet élément à la police après la tuerie perpétrée par les frères Kouachi. Mathieu, lui, n'a pas témoigné. "Je suis là très souvent, et ce depuis des années . Avant ou après l'attentat, la police ne m'a jamais interrogé..."

* Le prénom a été modifié
** A écouter à la 21e minute


Aurélie SARROT

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