Tristesse, colère et "peur" d'un impact dans les urnes : retour sur les Champs-Elysées au lendemain de l'attaque

Anaïs Condomines
Publié le 21 avril 2017 à 23h20
Tristesse, colère et "peur" d'un impact dans les urnes : retour sur les Champs-Elysées au lendemain de l'attaque

REPORTAGE - Le quartier des Champs-Elysées s'est réveillé comme engourdi, ce vendredi 21 avril, au lendemain de l'attaque terroriste qui a coûté la vie à un policier et en a blessé deux autres. Surtout, on se pose des questions. Le poids que pourrait peser cet attentat sur le résultat des urnes est dans tous les esprits.

Il n'y a guère que les caméras des journalistes, français et étrangers, qui rappellent ce vendredi matin le drame survenu la veille. Au lendemain de l'attaque terroriste qui a coûté la vie à un policier et en a blessé deux autres, la circulation a repris sur les Champs-Elysées, les rubalises des forces de l'ordre ont été enlevées, le trottoir nettoyé. Vers neuf heures, seul un bouquet de fleurs blanches repose au pied d'un arbre, là où est tombé le policier abattu par un terroriste. Quant aux passants, pressés, ils rejoignent leur travail comme d'habitude, un café à la main, et ralentissent à peine devant le numéro 102 de l'avenue, le temps d'un coup d'oeil, d'une rapide photo peut-être.

A l'angle de la rue Washington, à quelques mètres de là, le quartier se réveille doucement, comme engourdi. A la boulangerie, où de nombreux riverains de ce quartier ultra chic ont leur habitudes, on attend qu'une activité normale reprenne. "A l'ouverture, c'était excessivement calme, nous confie le patron, mais on ne peut pas dire qu'on est surpris. Depuis les attentats du 13 novembre, on s'attendait à une attaque sur les Champs-Elysées, l'avenue la plus touristique de Paris." Chez l'établissement voisin, un hôtel 4 étoiles, le constat est le même. Une employée nous détaille son carnet de réservation : "Depuis ce matin, nous comptons 26 nuitées annulées. C'est énorme."

Attaque des Champs-Elysées : ce que l'on sait de l'assaillantSource : Sujet JT LCI
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"Moi, ma foi elle est dans Le Pen"

AC / LCI

Parmi les rares curieux à avoir mis le nez dehors, ce vendredi matin, deux jeunes hommes observent, un peu à l'écart, le balais des duplexeurs. Karim et Benoît travaillent au magasin Eric Bompard, dont les devantures font face à la scène du crime. Ils étaient déjà chez eux, la veille au soir, lorsque l'attaque a eu lieu. Ce vendredi matin, à 7 heures, ils ont trouvé la plus belle avenue du monde bien calme. "Il n'y avait personne, à part quelques journalistes", explique Karim en prenant son collègue par les épaules. "Mon pote il a pleuré, il était triste." Benoît, "son pote", sourit, gêné. Mais c'est vrai qu'il n'a pas l'air en forme. Il dit, visiblement soucieux : "Un attentat pendant la campagne, il fallait s'en douter. Mais j'ai trop peur que Marine Le Pen soit élue, avec tout ça."

Le résultat de l'élection présidentielle. A deux jours du scrutin, c'est bien ce qui occupe tous les esprits, dans le quartier. Et se mêle, inévitablement, aux événements tragiques de la veille. Au restaurant libanais de la rue de Washington, le chef est arrivé de bonne heure pour préparer la cuisine. Lui non plus n'a rien vu de l'attaque, mais il se sent profondément bouleversé. "J'ai quitté le Liban il y a vingt ans pour fuir les gens qui commettent ça. Quand je vois qu'ils recommencent ici, ça me fait mal." Il met la main sur son coeur, et dit d'une voix légèrement émue : "Moi, ma foi elle est dans Le Pen."

AC / LCI

"On nous ment, c'est comme pendant la campagne"

Un peu plus loin, au bar-tabac, il y a moitié moins de clients que d'habitude. Trois d'entre eux, accoudés au bar, lisent le journal devant un café corsé. Deux autres sont concentrés sur leurs jeux à gratter. Un dernier habitant du quartier, enfin, est en pleine discussion avec le buraliste. Retraité de la finance, il disserte sur la théorie du complot, le presse cachotière et le second tour de la présidentielle. Persuadé d'avoir aperçu un hélicoptère tourner au-dessus du quartier vers 19 heures, bien avant l'attaque, il assure : "On ne nous dit pas la vérité, on nous ment. C'est comme pendant la campagne et l'affaire Fillon. La presse n'informe plus, elle fait de la délation!"

Dans un quartier aisé souvent concédé aux touristes, peur du terrorisme et incertitude face à l'élection sont indissociables, en cette matinée du 21 avril. Les habitants que nous avons rencontrés sont unanimes : ils se rendront tous aux urnes dans deux jours. En attendant, l'enquête progresse rapidement. De Karim C, l'assaillant abattu par les forces de l'ordre, on sait désormais qu'il était un Français de 39 ans originaire de Seine-Saint-Denis. Il était déjà visé par une enquête anti-terroriste. 


Anaïs Condomines

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