Du tableau noir au marché noir : un ancien instit' jugé pour vente d'armes de guerre

par Maud VALLEREAU
Publié le 28 octobre 2014 à 17h59
Du tableau noir au marché noir : un ancien instit' jugé pour vente d'armes de guerre

JUSTICE – Emmanuel Toschi est jugé mercredi à Paris, avec quatre autres prévenus, pour vente d'armes de guerre au milieu du grand banditisme. Cet ancien instituteur, devenu armurier, était passé maître dans l'art de remilitariser des armes censées être neutralisées.

Collectionneurs d'armes et grand banditisme... Une frontière devenue poreuse dans l'affaire sur laquelle se penche le tribunal correctionnel de Paris mercredi. Emmanuel Toschi, 49 ans, ancien instituteur reconverti en armurier est accusé, aux côtés de quatre autres prévenus, d'avoir vendu des armes de guerre au grand banditisme. Son arrestation, en 2012, avait défrayé la chronique. Dans un box du village de Danjoutin que l'homme louait, les policiers étaient tombés sur un arsenal de guerre : fusils d'assaut et mitrailleurs, armes de poing, explosifs... Un choc pour ses proches qui découvrent derrière le "passionné d'armes" celui que la presse qualifie alors d''armurier du milieu".

L'histoire d'Emmanuel Toschi s'écrit sur les anciens vestiges de guerre du Territoire de Belfort. Armé d'un détecteur de métaux a à peine dix ans, il sondait le fort de Roppe pour y chercher des obus. Poussé par une mère directrice d'école, il fera des études de lettres. Mais sa passion le rattrape. Il plaque son métier d'instit', parcourt les bourses d'armes, crée sa société de vente par correspondance et se fait une spécialité : "Les silencieux qu'il était autorisé à fabriquer et revendre", nous explique son avocat Jacques Semionoff. Mais un changement de législation assimilant les silencieux à des armes en 2012 aurait fait fondre son chiffre d'affaires.

Engrenage

"Certains individus plus ou moins recommandables qu'il fréquentait dans les salons l'ont alors approché. Ils lui ont demandé de remilitariser des armes (les rendre de nouveau opérationnelles, ndlr), des kalachnikov. Acculé, il a accepté", poursuit son avocat. Parmi eux, Christian Joanenc, gérant d'une supérette à Calenzana en Haute-Corse et Jean-Marie Secrettand, figure sulfureuse du milieu de la banlieue parisienne. "Celui-ci lui a simplement passé commande, il n'a rien à voir avec ses affaires, défend l'avocat. Evidemment, il fallait à mon client un minimum de discrétion, la remilitarisation étant interdite. Mais l'idée de ce travail d'orfèvre était de fournir des personnes qui étaient prêtes à mettre le prix. Il a certes franchi la ligne jaune mais il a toujours pensé travailler avec des collectionneurs, pas des Ferrara ou des Merah."

Une défense qui peine à convaincre le "milieu" des marchands d'armes. "Quand on passe du côté du marché noir, on sait qu'on ne vend pas des AK 47 à des princes charmants", s'agace un armurier parisien. "Notre profession est très réglementée, cette histoire nous a fait beaucoup de mal", déplore un autre. "Pour trouver des armes illicites, collectionneurs et malfaiteurs se retrouvent souvent sur les mêmes marchés souterrains, résume une source policière. Si la frontière devient parfois ténue, tout le monde ne la franchit pas". Emmanuel Toschi risque dix ans de prison.


Maud VALLEREAU

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