Paris : polémique autour du contrôle de police d'un homme handicapé

par Maud VALLEREAU
Publié le 5 mai 2016 à 14h00
Paris : polémique autour du contrôle de police d'un homme handicapé

PARIS - Un homme handicapé a été contrôlé par la police lundi soir sur un quai de la gare de Lyon. Pour prouver sa bonne foi, il affirme avoir dû retirer ses prothèses devant les policiers. Une version contestée par les policiers. La vidéo, qui ne montre pas la fouille mais la fin du contrôle, a suscité une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. Metronews fait le point sur l'affaire.

La vidéo dure 12 minutes. On y voit un homme, sans pantalon, assis par terre sur les quais du RER. A côté de lui, ses prothèses de jambes, son jean, et ses biens personnels dispersés sur le sol. Trois policiers l’entourent. L’un d’eux dépose une béquille à côté de lui avant de s'en aller avec les deux autres agents vers la sortie de la gare. "C’est de l’humiliation, ce n’est pas normal", leur lance l’auteur de la vidéo qui les suit jusque dans l’escalator. Jean-Didier Bakekolo a posté cet enregistrement lundi soir sur Facebook en expliquant avoir été témoin "d’une fouille" d’"une brutalité inouïe à la Gare de Lyon".

La "fouille" à proprement parler et les brutalités policières avancées par Jean-Didier Bakekolo ne sont pas visibles dans la séquence vidéo. Les images, visionnées  plus d’un million de fois, ont néanmoins suscité une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. Sur son mur Facebook, l'auteur de la vidéo assure que les agents ont obligé l’homme contrôlé à "se dénuder". "Le pauvre s'est retrouvé sans prothèses afin de prouver sa coopération aux yeux de la loi. Le monsieur a été malmené jusqu'à se mettre assis par terre sans ses vêtements ", dénonce-t-il. Sur la vidéo, l’homme en question reste un long moment interdit avant de relater de manière confuse à celui qui filme ce qu'il s'est passé  : "Il (le policier, ndlr.) a cassé mon portable. Il me demande mes pièces, je lui dis "voilà mes pièces". C’est déplorable… C’est quel pays ça ? (…) Un policier qui m’appelle, qui me dit tu es noir, tu es nègre (...) ça arrive en France encore ! On te demande 'déshabille-toi'..." Un passant l’aide à remettre son jean et ses prothèses ainsi qu’à récolter ses affaires.

"Je me suis senti humilié"

Alors que s’est-il vraiment passé lundi soir gare de Lyon ? Des policiers ont-ils procédé à une fouille abusive d’un usager ? Contactée mardi par metronews, la préfecture de police faisait valoir que "cette vidéo ne montrait pas grand-chose". "Elle ne met pas en cause les fonctionnaires de police. Il faudrait que la personne porte plainte afin qu'une enquête soit diligentée", faisait valoir la préfecture. Entre-temps, l’intéressé a déposé une main courante au commissariat de la gare de Lyon, selon  20 Minutes . Le quotidien gratuit ainsi que France 24 l’ont en effet retrouvé. Il s’appelle François Bayga et est revenu sur ce qu'il a vécu lundi soir : "Trois policiers se sont dirigés vers moi pour me demander mes papiers. Je leur ai alors donné mon téléphone, ma carte d’aide médicale d’État et ma carte d’inscription à mon club de rugby en fauteuil roulant. Car si je vis en France, dans un centre d’hébergement à La Chapelle, ma demande de papiers est encore en attente à la préfecture."

François Bayga dit avoir ensuite "été plaqué contre le mur". "L’un d’eux m’a attrapé, m’a arraché ma canne et a tenté de me palper. Ils m’ont demandé ce que c’était en me touchant. J’ai dit trois fois 'ce sont des prothèses'. Je me suis alors assis par terre et j’ai tout enlevé pour leur montrer", poursuit l’homme de 40 ans qui s'est "senti totalement humilié". Comme on peut ensuite le voir sur la vidéo, les policiers lui "ont rendu (ses) affaires et sont partis". 

Une version contestée

La version de François Bayga est contestée par les policiers, qui affirment que l'homme "urinait dans une poubelle" sur le quai au moment des faits. "Ils lui ont demandé de se rhabiller et l'ont contrôlé pour le verbaliser. Il s'est énervé. Un des agents a alors effectué une fouille. Quand il a procédé à la palpation au niveau des jambes, l'homme a saisi le bras du policier. Ce dernier s'est alors reculé, a demandé à l'individu de se calmer et de sortir ce qu'il avait dans ses poches. Il s'est alors assis, s'est déshabillé, et a jeté ses prothèses en criant sur eux", assure une source policière à metronews. Les gardiens de la paix auraient "décidé de partir pour éviter d'envenimer la situation" et de "créer un attroupement". Une version qui se vérifierait sur les images de la RATP, selon cette même source. Une autre source policière citée par l'AFP estime que le contrôle "s'est passé tout à fait normalement jusqu'à la verbalisation", ce que ne montre pas le film posté sur les réseaux sociaux "dont on ne voit que la fin". 

Le collectif Contre le contrôle au faciès a saisi mercredi le Défenseur des droits, qui a entamé "une instruction", a annoncé ce dernier sur son compte Twitter. La Licra, jointe par metronews, a également été alertée par des internautes mardi. "En l'état, on a du mal à comprendre ce que dit exactement cette vidéo. Il faudrait donc que la victime nous contacte afin d'aller plus loin", nous indique-t-on. Certains syndicats de police ont de leur côté dénoncé des faits tronqués. "On ne voit jamais ce qu'il se passe avant ou après, déplore Yvan Assioma, secrétaire régional Paris d'Alliance Police Nationale. Le problème avec ce type de vidéo, c'est qu'il s'agit d'un morceau choisi par celui qui la publie et qui souhaite faire du buzz". L'auteur de la vidéo n'a de son côté pas répondu à nos nombreuses sollicitations. Les images de vidéosurveillance de la gare, qui seront sûrement exigées pour la suite de l'enquête, devraient permettre de faire toute la lumière sur cette affaire. 


Maud VALLEREAU

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