Procès Bettencourt : le débat qui rend fou

Publié le 16 février 2015 à 19h03
Procès Bettencourt : le débat qui rend fou

JUSTICE - Liliane Bettencourt était-elle en état de vulnérabilité durant toutes ces années de grande générosité ? A Bordeaux, où se tient le procès Bettencourt, la parole était aux experts médicaux ce lundi. Mais dans cette tentaculaire affaire, décidément, personne n'est d'accord.

Combien de médecins, combien d'experts, ont défilé durant des années dans la chambre de Liliane Bettencourt  ? Des dizaines, au bas mot. Problème : chez les Bettencourt, pour deux médecins, il y a trois avis différents. "Tout est curieux" dans cette histoire, va ainsi résumer ce lundi, à la barre, un énième neurologue chargé de donner son expertise. Une bizarrerie d'autant plus grave que la question de la santé de l'héritière de L'Oréal est au cœur du procès qui se joue à Bordeaux. La femme la plus riche de France était-elle, oui ou non, dans un état de vulnérabilité lorsqu'elle a distribué ses millions entre 2006 et 2011 ? Le destin des dix hommes sur le banc des prévenus dépend de la réponse. Si oui, c'est l'"abus de faiblesse". Et potentiellement, la case prison.

On attendait donc beaucoup de cette journée, au tribunal de Bordeaux, où se tient le procès fleuve de l'affaire tentaculaire. Au menu, en effet, le collège d'experts missionnés par le juge Gentil en 2011 allait détailler ses conclusions. A la barre, cinq médecins spécialistes, qui chacun dans leur domaine (ORL, psychologie, neurologie...) ont examiné Liliane Bettencourt le 7 juin 2011, alors âgée de 88 ans, dans son hôtel particulier de Neuilly. Leurs conclusions : "madame B.", comme ils l'appellent, souffre alors de "démence mixte à un stade modérément sévère".

Liliane Bettencourt, "une coquille vide"

Derrière la formule savante, une sombre réalité : très sourde, elle n'entendrait pas une tondeuse à gazon à coté d'elle. Ce matin-là, toujours selon les experts, Liliane Bettencourt est incapable de savoir en quelle année elle est, et hésite avant se dire à Paris ou en Suisse. Un état de fragilité évident qui remonte, selon les praticiens, à 2006. Depuis, à coups de cocktails d’anxiolytiques, d'antidépresseurs et de psychotropes qu'elle prenait quotidiennement (jusqu'à 50 cachets par jour), "madame B." n'est pas ce que l'on peut appeler une femme "lucide". Ses conversations polies, ses correspondances avec ses amis, ne seraient que "le vernis trompeur de cette femme courtoise" pour "masquer sa confusion et se donner une bonne image", ose le psychologue à la barre. Qui aura ce mot - très dur - pour désigner sa patiente : "une coquille vide".

Une "coquille vide" donc, mais aux poches pleines de millions. Ces conclusions pourraient sonner le glas pour les prévenus. Mais comme rien n'est simple dans ce procès, à ces expertises se superposent d'autres expertises qui viennent les contredire. Il y a d'abord la méthode de travail de ce collège d'experts, "qui ont cueilli cette vieille dame au saut du lit", pour lui faire passer des tests cognitifs et n'auraient "pas passé plus de dix minutes chacun avec elle", selon les avocats de la défense.

"Des jours pairs et des jours impairs"

Et puis il y a les rapports des autres spécialistes, qui eux aussi ont examiné Liliane Bettencourt dans cette fameuse période qui nous concerne, soit entre 2006 et 2010, mais dont les conclusions ont (volontairement ?) été ignorées par le collège d'experts. Pour le professeur Laurent, neurologue cité comme témoin, "rien ne permet d'affirmer que Liliane Bettencourt souffrait d'Alzheimer avant fin 2010". Pour ce médecin (qui sera à son tour contesté par les experts), la milliardaire était dans un état alternant "plages de lucidité" et "états confusionnels". "Des jours pairs et des jours impairs" : c'est aussi ainsi que son ex-gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, résumait l'état de santé de sa patronne. Nous voilà bien avancés.

Sur le banc des prévenus, Patrice de Maistre soupire, François-Marie Banier dessine, Martin D'Orgeval se prend la tête dans les mains, et Pascal Wilhelm se demande certainement pourquoi on l'a forcé à venir de Paris cet après-midi. Chez les avocats de la défense, où l'on sait que l'on joue sa dernière cartouche (les plaidoiries commencent jeudi), le débat énerve. En témoigne la violente colère de me Laffont, le ton particulièrement cassant de Me Cornut-Gentille, ou le rabat de la robe de Me Haïk machouillé frénétiquement. Neuf heures d'allocutions d'experts médicaux plus tard, la démence n'est pas loin dans la grande salle du tribunal de Bordeaux. Et le jugement, lui, toujours incertain.  

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La rédaction de TF1info

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