Procès Cottrez : dans la tête d'une mère infanticide

par Maud VALLEREAU
Publié le 30 juin 2015 à 21h26
Procès Cottrez : dans la tête d'une mère infanticide

DOUAI – Experts et psychiatres ont défilé à la barre de la cour d'assises du Nord, qui juge depuis jeudi Dominique Cottrez accusée d'un octuple infanticide. Ils ont tenté, sinon de comprendre, d'avancer des pistes de lecture sur ce cas hors norme. Roland Coutanceau, qui a été chargé de l'examiner, a livré durant près de trois heures son analyse.

Le procès de Dominique Cottrez est un éternel recommencement. On entre dans la grande salle d'audience, on écoute les témoins, les avocats, l'accusée, avant d'en ressortir avec les mêmes doutes, les mêmes interrogations. Comment une femme, une mère de famille, a-t-elle pu étrangler le bébé qu'elle venait de mettre au monde ? Comment a-t-elle pu ensuite répéter ce geste à sept reprises entre 1989 et 2000 ? Et comment ses filles, son mari, ses collègues, n'ont-ils rien vu, rien entendu, rien senti ?

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"Au sens populaire, c'est fou", concède Roland Coutanceau qui, durant près de trois heures à la barre, va faire pénétrer la cour dans le mécanisme psychique de ces femmes infanticides "tragiquement humaines". "On n'a pas besoin de cet inceste pour expliquer ses actes", poursuit le psychiatre qui revient sur le coup de théâtre ayant émaillé l'audience de la veille. Pour justifier l'indicible, Dominique Cottrez avait en effet invoqué des viols commis par son père puis les meurtres des nourrissons, alors fruits d'un possible inceste. "Je n'ai pas été violée, il ne m'a pas touchée", a-t-elle répété clairement mardi. De quoi rendre caduques les rapports qui basaient leur expertise sur l'inceste. Quelques minutes après ce revirement, l'expert psychiatre, Michel Dubec, assailli par les questions de la présidente qui ne "comprenait pas" son raisonnement, concédait même : "J'essaye de trouver une explication à ces huit infanticides, sinon on n'a rien".

"L'enfant n'existe pas"

Le docteur Roland Coutanceau n'a lui "pas d'avis absolu sur les rétractations" de Dominique Cottrez. "On voudrait tous être rassurés, trouver une explication à ses actes. Le commun des mortels pense qu'il n'aurait jamais pu faire ce qu'elle a fait. Mais ce n'est pas si simple", développe celui qui, malgré l'exceptionnelle répétition des meurtres dans cette affaire, ne voit pas de différence avec les autres mères infanticides présentant des caractéristiques communes : "une personnalité introvertie et passive", "la pudeur dans le rapport au corps" conduisant à une "grossesse non sociabilisée et non médicalisée" et "la peur lancinante d'autrui qui l'emmure dans sa solitude". Mais pour le psychanalyste, ce qui reste l'élément clé est "le non-investissement de la grossesse". "Le bébé grossit physiologiquement, mais il n'est pas investi comme un enfant à naître. Au fond, même si cela peut choquer, l'enfant n'existe pas". La présidente, qui semble plus convaincue par son expertise, lui demande de développer. "Un enfant, ça s'attend, ça s'espère. Si ce mécanisme ne se produit pas, la grossesse n'a pas de sens. Elle fait l'autruche. Le poids de la folie psychique, qui fait qu'elle n'a pas pu en parler avant, l'emporte sur l'éventuel attachement à l'enfant. Le faire disparaître devient plus fort", résume-t-il. "Quand on vous entend, on est rassurés sur ce que l'on a perçu d'elle. On se dit 'elle est comme tout le monde' mais à un niveau de failles et d'intensité majorée", lâche la présidente.

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Les avocats de Dominique Cottrez veulent voir dans cette non-conscience de la grossesse "une altération du discernement", ce qui soulagerait au passage la peine encourue par leur cliente. "Elle a des troubles psychiques mais on n'a pas besoin de parler d'altération du discernement pour la juger avec intelligence et compassion", conclut le psychiatre clairvoyant. Dominique Cottrez, qui écoute habituellement les experts défiler devant le micro recroquevillée sur elle-même, a relevé la tête. Ce lundi, la femme introvertie fixe intensément cet homme qui parle d'elle, les yeux gorgés de larmes. Au quatrième jour du procès, en ressortant de la grande salle d'audience, les mêmes doutes, les mêmes interrogations subsistent. Mais le visage de l'accusée s'est pour la première fois éclairé. "On va essayer de comprendre ensemble ce qui s'est passé, a-t-elle lancé en fin de journée à ses deux filles. On va faire tout ce qu'il faut pour comprendre. Je vous le promets".

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Maud VALLEREAU

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